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Boris Vian

© JF. Belhoste 2015 © 9ème Histoire 2016

BORIS VIAN: L'INCLASSABLE AMOUREUX DE PARIS ET DU 9e 

L'AUTEUR REMERCIE NICOLE BERTOLT ET LA COHÉRIE BORIS VIAN POUR LEUR SOUTIEN

Artiste polymorphe et papillonnant, Boris Vian, né à Ville d’Avray le 10 mars 1920, est connu  par certains pour ses romans, ses pièces de théâtre (L’Équarrissage pour tous, 1947, Les Bâtisseurs d’Empire, 1957), ses poèmes (Cantylènes en gelée, 1949). Il est aussi surtout connu par d’autres pour avoir écrit plus de 400 chansons originales, être inspirateur entre autres de Serge Gainsbourg et de Serge Reggiani. Mais il a été encore le protagoniste du plus grand scandale littéraire de l’immédiat après guerre, auteur inavoué, du moins jusqu’à sa condamnation en novembre 1948, d’un roman prétendument américain J’irai cracher sur vos tombes, roman très vite qualifié d’érotico-sadique, mais qui était surtout un pamphlet contre le racisme, paru en 1946 sous le pseudonyme de Vernon Sullivan et dont il prétendait n’être que le traducteur.

Il fut également un chroniqueur prolixe dans des journaux et revues aussi différents que Combat, Constellation, l’Écran français, ou encore les Temps Modernes de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir et surtout de Jazz Hot, l’hebdomadaire officiel du Hot Club de France, véritable bible des adeptes du jazz, une musique qu’il pratiquait comme trompettiste et dont il fut, contre vents et marées, l’un des plus ardents défenseurs jusqu’à la fin de sa vie.

Souffrant depuis l’âge de 12 ans d’une grave affection cardiaque, il disparut prématurément, à l’âge de 39 ans, le 23 juin 1959 lors de la projection privée au cinéma Marbeuf d’une adaptation cinématographique de J’irai cracher sur vos tombes, dont il avait désapprouvé d’ailleurs la réalisation.

UN BRILLANT TOUCHE À TOUT
Né donc près de Paris, décédé à Paris, Boris Vian passa le plus clair de son temps dans la capitale, mises à part quelques escapades estivales sur la Côte d’Azur ou en Vendée au volant de sa vieille Brasier qu’il affectionnait tout particulièrement. Il n’alla jamais en Amérique, objet principal pourtant de ses rêves, « les Uhessa » comme il disait, objet pourtant de ses désirs, à la fois patrie du jazz et terre de contraste où il situa son J’irai cracher sur vos tombes. A l’éventail de ses talents, il ajouta d’ailleurs celui de traducteur, pour boucler les fins de mois, mais aussi parce qu’il était un vrai amateur de la littérature américaine, notamment celle du roman noir et du roman de science-fiction. C’est lui ainsi qui traduisit The Big Sleep de Raymond Chandler (1939), paru en 1948 sous le titre Le Grand Sommeil chez Gallimard dans la collection Série Noire, peu après que soit sortie, en 1946, l’adaptation cinématographique de Howard Hawks avec Humphrey Bogart et Lauren Bacall.

Il traduisit encore chez Gallimard en 1951 la biographie romancée de son héros, le seul grand trompettiste américain blanc Léon dit « Bix » Beiderbecke, Young Man with a Horn de Dorothy Baker (1938), parue en 1951 chez Gallimard sous le titre Le jeune homme à la trompette, après la sortie  en 1950, d’une adaptation filmée avec Kirk Douglas, Doris Day et Lauren Bacall.

En dépit donc de son attrait pour les USA, le pays de la modernité dont les jeunes rêvaient durant la guerre, et des libérateurs de 1944-1945, Boris Vian resta avant tout un habitant de Paris, ville qu’il connaissait par cœur, l’ayant arpentée en tous sens le plus souvent à pied, mais aussi en autobus, ses problèmes cardiaques l’obligeant à renoncer au métro. A partir d’avril 1947, il fit de Saint-Germain-des-Prés son port d’attache, jouant les animateurs d’abord au Tabou, rue Dauphine, à partir d’avril 1947, puis, dès juin 1948, avec Juliette Gréco et quelques autres rue Saint-Benoît au Club Saint-Germain, où se pressait le Tout Paris, y accueillant entre autres Duke Ellington en 1948, puis Miles Davis et Charlie Parker en 1949.

Pourtant Saint-Germain-des-Prés ne fut pour lui qu’un espace de représentation ; son quartier à lui, celui où il demeurait et travaillait, resta le 9e arrondissement et ses abords immédiats du 10e et 18e. Avant d’y venir, quelques rappels sur sa famille et sa jeunesse ne sont pas inutiles.

Il naquit en 1920 à Ville-d’Avray, dans une famille bourgeoise, fortunée même, du moins jusqu’à la crise de 1929. Après avoir plus ou moins vécu de ses rentes, son père Paul Vian (1897-1944) ruiné, dut alors se résoudre à travailler. Il fut ainsi quelque temps représentant d’un fabricant de produits homéopathiques, le Laboratoire Abbé Chaupitre, installé 28, rue Vignon entre Saint-Lazare et la Madeleine. Les revers de fortune ne l’empêchèrent pas cependant de conserver un caractère enjoué et affectueux qui marqua profondément son fils.

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                Voiturette Decauville                                               Médicament Abbé Chaupitre

La maison de Ville-d’Avray restait toujours ouverte aux amis et voisins comme les Rostand, Jean le biologiste et son fils François, contemporain de Boris. Si cet aspect de sa jeunesse a été largement évoqué par les divers biographes, il est plus rarement fait référence à ses deux grands-pères, morts jeunes il est vrai et qu’il n’a donc pas connus. L’un et l’autre furent pourtant d’importants industriels de la Belle Époque, à l’origine de la fortune dont bénéficia un temps Paul Vian, leur fils et gendre. Henri Vian (1858-1904) fut en effet l’un des plus grands bronziers d’art de son temps, spécialisé notamment dans la fabrication des luminaires d’abord au gaz, puis dès les années 1890, à l’électricité. Il était installé depuis 1885 à l’Hôtel Salé, rue de Thorigny dans le Marais, là où est aujourd’hui le Musée Picasso et où auparavant, coïncidence curieuse, était installée l’École Centrale des Arts et Manufactures où Boris entra en novembre 1939. Quant à son autre grand-père Louis-Paul Woldemar Ravenez (1848-1902), il fut l’un des pionniers, aujourd’hui oublié, de l’industrie automobile, ayant patronné, entre autres, dès 1898, au sein des Établissements Decauville dont le  siège était 13, boulevard Malesherbes, la conception d’une petite voiture révolutionnaire, la voiturette.

Boris Vian passa donc son enfance à Ville-d’Avray, couvé du fait de son problème cardiaque par sa mère (ce qui lui donna l’argument de son cinquième et dernier roman L’Arrache Cœur paru  en 1953). Il fit d’abord ses études à Sèvres, puis au lycée Hoche de Versailles, avant d’intégrer, comme beaucoup de bons élèves banlieusards désireux de  préparer les grandes écoles, le lycée Condorcet, rue du Havre, en face de la gare Saint-Lazare.

Il y entra à l’automne 1936, obtint le diplôme de bachelier mention Mathématiques en 1937, puis fit deux années de préparation au concours de Centrale où il fut reçu en août 1939 avec un rang moyen, 125e sur 313, un mois donc avant la déclaration de la guerre.

C’est au lycée Condorcet et dans le quartier Saint-Lazare qu’il prit contact avec la grande ville et commença à s’émanciper. Il prenait alors matin et soir le train gare Saint-Lazare comme beaucoup de ses camarades. Inutile de dire que malgré l’intensité du travail demandé (mais il travaillait vite), il eut tout loisir en trois ans de découvrir les secrets du quartier. Pas loin de là, dans la cour du 14 de la rue Chaptal, était installé le Hot Club de France auquel il avait adhéré dès 1937 en s’abonnant bien sûr à la revue Jazz Hot qui devint une indispensable nourriture hebdomadaire, précisément au moment où il était entré à Condorcet. C’est à Condorcet aussi que Boris Vian, « Bison Ravi », comme il aimait à se surnommer alors, fit la connaissance de deux de ses meilleurs amis de toujours, avec lesquels il se retrouva ensuite à Centrale, Roger Spinard, dit « Zizi », un banlieusard comme lui, et Jean Lhespitaou, dit « Pitou », qui devint un peu plus tard son beau-frère.

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La première année passée à Centrale, entre novembre 1939 et juin 1940, se passa loin de Paris, à Angoulême où l’École s’était repliée au début de la guerre. Elle réintégra à l’automne, après l’armistice, son lieu d’origine rue Montgolfier près des Arts et Métiers, et c’est là que Boris passa les deux années suivantes jusqu’à l’obtention de son diplôme dans la spécialité métallurgie, en août 1942.

Carte d’élève ingénieur de Boris Vian à Centrale © Cohérie Boris Vian

En juillet 1940, il avait fait la connaissance à Capbreton, dans les Landes, d’une jeune parisienne, Michelle Léglise, venue là durant l’exode. Ils se retrouvèrent à Paris en septembre au Pam-Pam, un bar à la mode des Champs-Elysées, puis Michelle prit l’habitude d’aller chercher Boris à la fin des cours rue Montgolfier pour l’accompagner sur le chemin de la gare Saint-Lazare en s’arrêtant souvent dans un café de la rue de Provence proche de la Trinité. Leur mariage fut célébré le 3 juillet 1941 en l’église Saint-Vincent-de-Paul, avant même que Boris n’ait obtenu son diplôme. Le couple partagea dès lors sa vie entre la maison des Vian de Ville-d’Avray et le grand appartement des Léglise, 98, rue du Faubourg Poissonnière, en face du lycée Lamartine où Michelle avait fait ses études. Leur premier enfant, Patrick, naîtra le 12 avril 1942.

LE PASSIONNÉ DE JAZZ
Depuis 1937, Boris s’était passionné pour le jazz et s’était même mis à la trompette. Avec ses frères Lélio et Alain, il avait fondé un petit orchestre qui animait les surprises-parties Zazou organisées régulièrement dans la propriété de Ville-d’Avray, jusqu’à ce que la rencontre en mars 1942, de Claude Abadie, ingénieur comme lui (mais polytechnicien !) change les choses. Avec ses deux frères il rejoignit sa formation trio où jouait déjà son frère Alain pour former un quintette.

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Ils animeront dès lors des galas ou soirées privées jusqu’à la Libération, participeront régulièrement au tournoi des amateurs organisé par le Hot Club de France, ceci dès janvier 1943, se produiront au cabaret L’Étincelle, 9, rue Mansart, le 29 janvier 1944, participeront encore le 25 mars 1944 au Festival de Jazz salle Pleyel. Boris jouait désormais avec une nouvelle trompette que son épouse lui avait achetée chez Henri Selmer, rue de Douai.

Carte de membre HCF (installé encore 15 rue du Conservatoire en 1937)
© Cohérie Boris Vian

Les répétitions avaient  lieu souvent deux fois par semaine dans le pavillon du 14, rue Chaptal que Charles Delaunay, le secrétaire général du Hot Club de France (fils des peintres Sonia et Robert Delaunay), avait acquis en 1938. Il y avait installé une bibliothèque, une discothèque et une salle de musique qui en faisait une sorte de petit conservatoire du jazz, le rendez-vous obligé des passionnés en ces temps d’occupation.

Un précieux témoignage sur l’endroit est consigné dans l’un des premiers écrits de Boris, rédigé sans doute début 1942 alors qu’il était encore à Centrale et qu’il venait de faire connaissance avec Claude Abadie. C’est un scénario de film resté inédit jusqu’à sa publication dans le recueil Rue des Ravissantes, paru en 1989 chez Christian Bourgois sous le titre Notre Faust ou le Vélo Taxi. Il met en scène un jeune joueur de trompette, Pat, au départ sans talent qui grâce à un pacte avec le diable était devenu surdoué. Il est alors convié par son ami Jacques à venir faire une démonstration : « Venez répéter au Hot Club avec nous, c’est sympa (…) Jacques, rue Chaptal, attendit dans la discothèque, (Il) écoutait un disque de la collection du HCF (Hot Club de France). Delaunay assis à son bureau préparait une conférence… Il leva la tête : Il amène au moins une trompette votre copain ? ». Descendu à la cave pour trouver un instrument, en l’occurrence un saxophone et une clarinette (Pat n’ayant  pas apporté sa trompette), Delaunay écouta religieusement sa démonstration éblouissante. « Fameux, dit Delaunay. Le 25 à la salle Pleyel, ça vous va ? ». Delaunay jouait en effet, alors gratuitement, le rôle d’imprésario, ce qu’il dut fréquemment faire pour la formation Abadie-Vian entre 1942 et 1944.

A la libération de Paris en août 1944, ce fut le déchaînement. L’orchestre Abadie se produisit quelque temps au Royal Villiers, puis anima régulièrement les soirées du Rainbow Corner boulevard de la Madeleine, club  créé  par l’American Red Cross pour le divertissement des GI’s. Boris Vian joua avec Abadie jusqu’en juin 1948 date à laquelle il créa son propre orchestre pour l’animation du Club Saint-Germain, y jouant personnellement de moins en moins il est vrai, la trompette n’étant pas indiquée, c’est le moins qu’on puisse dire, pour un malade du cœur.

LE SALARIÉ À L’AFNOR
Père de famille, Boris Vian s’est trouvé dès sa sortie de Centrale dans l’obligation de travailler. Il fut fort heureusement engagé dès le 21 août 1942 à l’Association Française de Normalisation, institution professionnelle créée en 1926 pour encourager la standardisation des produits industriels et qui connaissait une nouvelle jeunesse sous le dirigisme économique de Vichy. L’institution était alors installée dans un immeuble moderne près de la Bourse au 23, rue Notre-Dame-des-Victoires. Boris Vian y fut affecté à la normalisation des produits verriers et se plongea ainsi dans l’étude des formes et dimensions de bouteilles et la taille des goulots. La tâche consistait à faire les études préalables à l’élaboration de nouvelles normes et à rédiger des projets réglementaires dans une forme ad’hoc. Peut-être y trouva-t-il un peu d’intérêt au début, mais très vite ce travail devint essentiellement alimentaire.

Pour tromper l’ennui, il se mit durant l’hiver 1943-1944 à la rédaction d’un texte mêlant la description ubuesque d’une vie de bureau répétitive et inutile au sein d’un soi-disant Consortium National de l’Unification et celle des burlesques surprises-parties Zazou. Dans une « pièce meublée avec un goût  parfait de seize classeurs de chêne sodomisé passés au vernis bureaucratique, qui tire sur le caca d’oie », on y voyait une bande de jeunes ingénieurs, le plus souvent désœuvrés, travailler à la rédaction « de petits fascicules gris souris, qui tentaient de régler toutes les formes de l’activité humaine ».

Le manuscrit de cette farce fit sourire Jean Rostand qui le montra à Raymond Queneau, et c’est grâce à cela qu’il fit l’objet d’un contrat d’édition avec la prestigieuse maison Gallimard signé le 18 juillet 1945 et paru sous le titre Vercoquin et le Plancton en janvier 1947.

Peu occupé donc à l’AFNOR où l’on souffrait de la pénurie de papier, Boris Vian eut aussi le loisir de concocter certains pastiches de normes, la fameuse Gamme d’injures normalisées pour Français moyen, datée de mars 1944. Il se livra aussi à la rédaction d’un savoureux essai de  normalisation de l’ancienne coutume du baiser buccal, appelée Maraichinage et pratiquée dans le Marais vendéen, qui avait donné lieu à de sérieuses études de médecins et d’anthropologues. Rédigé sans doute en 1946, peut-être même avant pour être publié sous le titre Pérennité du Maraichinage, dans l’hebdomadaire La Rue, elle resta en fait inédite jusqu’à sa publication dans le recueil La Belle Époque paru en 1982 chez Christian Bourgois. « Nous tenons à signaler, précisait l’auteur, que cette norme est établie sur le plan type résultant de la décision numéro 7 du Commissariat à la Normalisation ».

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C’est sans doute à l’AFNOR que Boris Vian commença fin 1945 la rédaction de l’Écume des Jours son deuxième roman, le plus célèbre. Le manuscrit, conservé à la BnF, fut en effet rédigé au verso de feuilles de papier imprimées de l’institution. En délicatesse avec elle et surtout avec Ernest Lhoste son directeur, le maître de céans, il en démissionna le 15 février 1946, ayant trouvé un nouvel emploi grâce à son ami Claude Léon, chimiste de son état et accessoirement batteur de la formation Abadie, au sein l’Office professionnel des Industries et Commerce du Papier et du Carton dépendant de la Fédération des industries du papier, 154, boulevard Haussmann.
 

C’est là qu’il termina en mai 1946 L’Écume des Jours (parue en avril 1947 chez Gallimard) et qu’il se mit dans la foulée à l’écriture de son troisième roman, peut-être le meilleur, L’Automne à Pékin. Roman à tiroir, il n’avait rien à voir ni avec l’automne, ni avec Pékin, et mettait en scène deux ingénieurs travaillant à la construction d’un chemin de fer dans le désert d’Exopotamie. Il parut à l’automne 1947, non plus chez Gallimard, mais aux Editions du Scorpion, qui avaient été créées en 1946 par son ami Jean d’Halluin et avaient édité J’irai cracher sur vos tombes.

Durant les années 1944-1946, Boris Vian partageait ainsi son temps entre l’AFNOR, rue Notre-Dame-des-Victoires, le pavillon du Hot Club, rue Chaptal et l’appartement  du 98 de la rue du  Faubourg Poissonnière. Il cessa d’aller le week-end à Ville-d’Avray après le mystérieux assassinat de son père par des inconnus la nuit du 22 novembre 1944 qui contraignit rapidement la famille à se dessaisir de la propriété devenue trop coûteuse. Sans doute Boris Vian faisait-il certains trajets à pied, mais il prenait sûrement beaucoup aussi l’autobus, un moyen de transport qu’il appréciait visiblement, faisant même d’un receveur-poinçonneur, il est vrai un tantinet sadique, l’un des premiers personnages de l’Automne à Pékin. L’autobus en question était le 975 qu’Amadis Dudu prenait chaque jour pour aller au bureau en descendant en marche avant la station. Est-ce le 48 que prenait Boris Vian pour aller de la rue du Faubourg Poissonnière à l’AFNOR ?

Au détour de l’une des premières chroniques que Boris Vian écrivit pour Jazz Hot, rédigée en décembre 1946 avec Frank Ténot pour défendre le nouveau jazz, celui du Be-Bop et de Charlie Parker contre les puristes un peu sectaires du jazz Nouvelle Orléans  - Que pensez-vous de l’évolution du jazz ? Jazz Hot, n° 11 -, on tombe sur cette observation que ne démentiront pas les connaisseurs des anciens autobus : « Le bureau de Charles Delaunay était aussi chargé que la plate-forme du 74 aux heures de grosse affluence ». Boris Vian devait sûrement prendre le 74 en sortant de l’AFNOR pour se rendre  au Hot Club !

UNE NOUVELLE VIE 
Autour de 1950, la vie de Boris Vian bascula. Il se sépara de son épouse Michelle Léglise début 1951 pour s’installer avec Ursula Kübler, danseuse aux Ballets Roland Petit, dans une chambre de bonne, 8, boulevard Clichy. Les aménagements de fortune, auxquels il dut procéder sont racontés à sa façon dans un article paru dans Constellation en mars 1952 sous le pseudonyme de Claude Vernier : « Un appartement dans un dé à coudre ». Début 1953, le couple eut heureusement la possibilité d’emménager plus à l’aise au 6 bis, Cité Véron, partageant une terrasse au dessus du Moulin Rouge avec Jacques Prévert.

En juin 1947, Boris avait été licencié de l’Office du Papier, et vivait depuis, tant bien que mal, de sa plume comme chroniqueur davantage que comme romancier, n’étant pas à proprement parler un auteur à succès. C’est alors, surtout à partir de 1954 (l’année du Déserteur), qu’il se lança dans la chanson, stimulé notamment par le flamboyant Eddie Barclay, un ancien complice du Hot Club. Fin avril 1955, il enregistra ses premières chansons, composées pour beaucoup avec Alain Goraguer, aux studios Philips installés dans l’ancien théâtre de l’Apollo, rue de Clichy, et multiplia les compositions avec Henri Salvador. Il fut finalement nommé en janvier 1957 directeur artistique adjoint de Philips, chargé des variétés. Mais ceci est une autre histoire…

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Jean-François BELHOSTE

© JF. Belhoste 2015 © 9ème Histoire 2016


Date de création : 15/03/2016 • 09:00
Catégorie : - Articles-Ecrivains & Cinéastes
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