Emilienne d'Alençon
ÉMILIENNE D’ALENÇON (1870-1945)
UNE DES « TROIS GRÂCES » DE LA BELLE ÉPOQUE
Émilienne Marie ANDRÉ, fille de concierge 12, rue de Parme, est l’une des plus célèbres « grandes cocottes » de la Belle Époque. D’Alençon, elle prend le nom à cause d’une tenue de dentelle “ au point d’Alençon ” : « Ma tante Amélie est blanchisseuse rue Lepic et elle a trois grandes grues dans ses clientes. Je lui ai emprunté une de ses liquettes pour ne pas être trop moche ! »
Jolie fille au nez retroussé, elle commence dans le quartier comme toutes les Lorettes du moment : semi prostituée, engagée sur quelques scènes de café-concert, jusqu’au moment où elle trouve de riches protecteurs.
Au Cirque d’Été, en 1890, elle anime une revue de lapins. Jean Lorrain raconte à ce propos « … elle présente des lapins dressés au public. Des lapins ! Le premier soir ça été un fou-rire, on s’interpelle de loge en loge : « Hein ! Gontran, est-ce le tien, le blanc taché de roux, celui de droite à gauche ? », « Hé ! Gaston, celui baisse la queue, les oreilles et le reste, Gaston avouez donc que c’est le vôtre ! »
Et c’est là que Jacques d’Uzès la remarque ; elle le ruinera ! Installée au 6, rue Godot de Mauroy, les amants se succèdent. Envoyé au Congo par sa famille avant qu’il ne soit trop tard, Jacques d’Uzès y meurt des fièvres en 1893.
Elle fait l’actualité aux “ Menus Plaisirs ” … « La robe blanche d’Émilienne tomba de ses épaules et elle apparut dans un maillot de soie immaculée qui moulait astucieusement son corps de déité… »… ou à Trouville où elle s’exhibe… en chaussettes ! Aux “ Folies Bergère ” elle se dénude… mais il reste un costume rose chair !
En 1895, sa « carrière » est à son apogée, elle est admirée, populaire, que ce soit au Bois, sur les Boulevards, chez Maxim’s (le Saint des seins disait Boni de Castellane)…
Le Roi des Belges, Léopold II -il a alors 60 ans- s’amourache d’elle avant de se retrouver dans les bras de Cléo de Mérode. Elle est célèbre, « notre Émilienne nationale » disent les journalistes.
En 1908, malgré des amours diverses, même saphiques ce dont elle ne se cache pas, elle épouse un jockey, Percy Woodland, et devient la maîtresse d’un autre, Alec Carter, qui sera tué dans les premières semaines de la Grande Guerre. Elle goûte à toutes les nouveautés de l’époque : bicyclette, automobile et avion avec Clément Ader et Roland Garros.
Elle vieillit, s’entoure de jeunes femmes, fréquente Maurice Rostand (fils d’Edmond et homosexuel notoire), découvre l’opium, écrit des poèmes et s’appauvrit (toutes les grandes cocottes ont d’ailleurs connu le même sort) : « on liquide tout et on s’en va ! » déclare-t-elle. Elle meurt en 1945 à Monaco.
Jeanne Moreau se souvenait que son père qui gérait la brasserie À la Cloche d'Or, au coin de la rue Fontaine et de la rue Mansart, lui faisait monter de la soupe le soir. En 1951, sa fille Marthe, dont elle ne s’est jamais occupée, la fait enterrer au cimetière des Batignolles.
Elle reste dans la petite histoire de la galanterie, l’une des « trois grâces » parmi les grandes courtisanes avec Liane de Pougy et la Belle Otéro.
Lianne de Pougy - La Belle Otero - Emilienne d'Alençon
Françoise ROBERT
Sources : « E d’Alençon, vivre d’amour en 1900 » de Carole Wrong (La Tour Verte éditeur).
Catégorie : - Personnages
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