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Impressions de Tournage - février 2019


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Le décor Fleuriste © HT
 



Ça s’est passé cité Trévise

Impressions de tournage
 


Décembre 2018. Cité Trévise. Bizarre, bizarre ces hommes qui prennent des photos des façades d’immeubles, notent, mesurent, dessinent. Ont-ils l’intention de modifier cette ancienne voie privée du milieu du XIXe siècle, en partie inscrite sur la liste des Monuments Historiques ?

Quelques semaines plus tard, arrive dans la boîte à lettres des riverains, une enveloppe avec ces mots « Information Tournage ». Un tournage de plus pense-t-on aussitôt mais pourtant, cette fois, il ne s’agit pas d’une simple affiche apposée à la porte des immeubles pour indiquer quand, comment, qui…tourne. Le document est épais avec plans et photos à l’appui, annonce des scènes qui vont être tournées et des transformations qui vont être apportées à la cité, notamment dans cette voie où tout commerce est interdit, l’installation d’un hôtel, un café, une confiserie, un marchand de tabac, une herboristerie et une parfumerie.

Ce n’est pas un simple téléfilm mais un film à gros budget. Roman Polanski va tourner ici, deux scènes, de son film sur l’affaire Dreyfus dont le titre, provisoire peut-être, est « J’Accuse » : la cité va être le lieu de l’arrestation du Colonel Picquart et d’une bagarre avec Estherazy.

Pour un film situé à la fin du XIXe, la Cité Trévise est idéale, tout est d’époque : les premiers immeubles ont été construits dans les années 1840 et les suivants durant la période haussmannienne. Seul l’immeuble situé à l’angle de la rue Bleue, côté impair, date de la fin du XXe siècle mais, bien sûr, il faudra enlever les inévitables éléments modernes (panneaux de sens interdit, interdiction de stationner, marques au sol pour les livraisons, les digicodes, les plaques professionnelles, les boîtiers GDF/ EDF…). Les lampadaires, eux, font parfaitement l’affaire.

Début février, arrivent les équipes d’ouvriers qui doivent fabriquer et monter les décors : tréteaux, planches, scies électriques, marteaux... Adieu la sérénité de cette Cité que les promoteurs originaux décrivaient comme un havre de paix !


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Construction du décor Confiserie    -      Faux fixé sous verre    -  © HT
 


À une vitesse folle ils confectionnent et installent les façades des boutiques, les encadrements, les portes, les fenêtres, peignent puis patinent les façades, affichent les numéros de rue, ajoutent des vitres et des vitrines, du faux marbre…et tout ce faux finit par ressembler à du vrai et avoir toujours été là.

Le grand jour arrive ; le tournage est prévu sur trois jours, les 13, 14 et 15 février.

13 février : Il est encore tôt et il fait frais, techniciens et acteurs (certains revêtus de beaux uniformes de l’armée française) se réchauffent sous une tente, en buvant des boissons chaudes et en mangeant.

À côté, deux splendides chevaux de traction (c’est ainsi qu’on les appelle, paraît-il), des cobs de Normandie, mangent imperturbablement leur foin dans une mangeoire improvisée, attendant d’être attelés à des calèches présentes un peu plus loin. Les vans qui les ramèneront, chaque soir, au bercail (quelque part du côté de Marne-la -Vallée) sont stationnés rue Riboutté.


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Les Cobs de Normandie © HT
 

Durant la journée, des calèches remonteront la portion de la cité située entre la fontaine (cachée par des palissades de bois peintes puis patinées pour les vieillir, pour finalement être recouvertes d’affiches d’époque).

Vers 17 h, tout s’arrête. On démonte tout sauf les boutiques : plus de calèches, d’accessoires, de tentes…La place est plus propre que jamais. Le silence est total.

14 février : Belle journée ensoleillée. Les maquilleurs sont là, tout à leur activité. Les boutiques ont retrouvé leurs devantures avec leurs accessoires ; le buraliste, ses pipes de terre et de bruyère, son petit gris, ses cartes postales ; la confiserie, ornée de deux « vieux » fixés sous verre, fabriqués les jours précédents, vend des spécialités de chez Mazet, Ladurée et Moreuil (toutes ces maisons existaient bien à l’époque) ; l’herboriste vend des sachets de graines, des bulbes, des jonquilles (dont la partie jaune avait été décapitée la veille, peut-être parce que les jonquilles n’étaient pas de saison) et dans ses vitrines propose toutes sortes de remèdes dans des bocaux.

Les chevaux ne sont pas là : pas de scène de calèche aujourd’hui. Les acteurs s’exerçant pour la scène de bagarre, style boxe française, sous la direction d’un coach, tombent et retombent au sol (sur un tapis de sport bien épais).


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      Le décor de la Parfumerie Weiler  -  © HT                                                              La marchande de 4 saisons préparant sa voiture -  © HT
 

Nouveauté du jour, une belle charrette de marchand de 4 saisons remplie de légumes « anciens ». Va-t-elle figurer dans le film ? La parfumerie Weiler n’aura pas cette chance, elle dont la façade avait été si soigneusement construite et la vitrine décorée ne servira pas (peut-être était-elle en dehors du champ de la caméra), ils la démontent.

15 février : Dernier jour du tournage. Temps toujours ensoleillé. La place grouille de monde, les figurants en costume, beaucoup de femmes livrant des paquets, des lingères… sont là à attendre les ordres pour se mettre en place.
Une charrette remplie de pommes de terre à l’ancienne et une autre couverte de gerbes de fleurs feront partie du décor.

L’après-midi, on tournera la bagarre entre Estherazy et le Colonel Picquart : 4e prise, 5e prise…8e prise…, action !
 


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Tournage de la scène de bagarre - © HT
 


Estherazy tombera et retombera au sol (plus de tapis de sport pour amortir sa chute sur les pavés, cette fois, on filme pour de vrai…). Quel métier !

Ces scènes sont filmées d’abord du sud vers le nord puis du nord vers le sud ; pendant que les deux protagonistes se battent, les figurants, jouant le rôle de passants, s’arrêtent médusés, les calèches, elles, continuent leur chemin. À chaque nouvelle prise de vue, dans cette voie étroite, c’est un problème pour les chevaux attelés à leur calèche, ils ne peuvent pas faire demi-tour, il faut donc à chaque fois les dételer, ramener la calèche à la main à son point de départ puis réatteler le cheval, quatre hommes au moins sont nécessaires pour accomplir cette tâche.

Sous une tente noire, le réalisateur visionne chaque prise de vue, donne de nouvelles consignes aux acteurs et aux techniciens et on recommence.

Puis le tournage s’achève ; très vite, acteurs, figurants, cameramen disparaissent ; les accessoires sont remisés, les calèches et charrettes emportées.

Le soir tombe, le brouhaha de la journée a cessé, les passants circulent à nouveau prenant quelques derniers clichés des boutiques encore en place.

Lentement la Cité Trévise s’assoupit.

16 février : Premier jour après la fin du tournage, la Cité se réveille, avec une légère gueule de bois, après ces trois journées d’agitation et d’ivresse. Non, ce n’était pas un rêve, les boutiques sont encore là pour quelques heures et sur les pavés des restes de foin et du crottin de cheval…

La sérénité est revenue jusqu’au prochain tournage mais qui ne sera jamais aussi grandiose, aussi professionnel, aussi perfectionniste côté détails et respect de l’époque.


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Hélène TANNENBAUM
 

             

© 9ème Histoire - 2019


Date de création : 18/02/2019 • 11:26
Catégorie : - Echos du Terrain
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