Incendie du mur des fermiers généraux
L’incendie du mur des Fermiers généraux en 1789
L’évolution de l’espace parisien de 1785 à nos jours
Après une première conférence donnée en 2016 sur la prise des barrières d’octroi au début de la Révolution française, Moncilo Markovic, membre de notre CA, a accepté de revenir sur ce sujet en cette chaude soirée du jeudi 22 juin.
Notre conférencier nous rappelle tout d’abord que sous l’ancien régime existait un système de taxes créé en 1680 par Louis XIV, à l'initiative de Colbert , pour prendre en charge la recette des impôts indirects et droits de douane au profit du roi. Ce système appelé la Ferme générale était donc géré par les fermiers généraux qui en assuraient la perception à Paris comme en province et allait tourner à plein régime au XVIIIe siècle sous les règnes de Louis XV et Louis XVI.
Les fermiers généraux étaient donc des financiers percepteurs de diverses taxes dont les montants allaient beaucoup augmenter au cours de ce siècle même pour représenter plus de 50% des taxes perçues par le royaume ! Ceux-ci disposaient de concessions de six ans, attribuées par le roi et en tiraient des bénéfices de plus en plus grands, à tel point qu’un prélèvement de 10% allait être effectué à partir de 1748 sur leurs rentrées d’argent…
Pour le cas de Paris, représentant le sixième des richesses françaises, les taxes concernaient essentiellement les produits alimentaires solides et liquides entrant dans la ville ainsi que les bois de chauffage et de construction.
Lavoisier, connu comme chimiste mais lui-même fermier général, proposa en 1784 la création d’un mur pour améliorer la perception de ces taxes qui générait beaucoup de contrebande, malgré le nombreux personnel affecté à Paris (60 fermiers généraux et plus de 600 receveurs, contrôleurs et autres commis). Ce mur n’a pas connu d’existence véritablement officielle et on a attribué à Beaumarchais (?) ce célèbre alexandrin : « Le mur murmurant Paris rend Paris murant ». Certains ont affirmé aussi à ce propos que « La Ferme a jugé nécessaire de mettre Paris en prison » …
Pour tenter de mettre fin à ces fraudes, ce mur ceinturant Paris sur 1 330 hectares a donc commencé à être construit assez rapidement à partir de 1784 sur une longueur de près de 24 km au total, ce qui correspondra aux limites de la ville jusqu’en 1860 (adoptant le tracé aujourd’hui des lignes du métro, 2 au nord et 6 au sud). Ce mur haut d’environ 3 m disposait d’un chemin de ronde intérieur et extérieur (comme c’est montré pour la barrière de Clichy) et était ponctué au moment de la Révolution de 55 barrières d’octroi simples ou doubles soit 70 en tout.
Barrière de Clichy
C’est l’architecte Claude Nicolas Ledoux qui en est chargé, dont le chef-d’œuvre demeure la Saline royale d’Arc-et-Senans dans le Doubs, et qui édifia également un certain nombre d’hôtels particuliers (la plupart disparus) dans notre actuel 9e arrondissement.
Ces barrières faisant office de bureaux ont été appelés pompeusement « Propylées » par l’architecte pour marquer leur caractère solennel autant qu’officiel et présentaient des plans différents selon les endroits : rotondes, cubes, temples grecs ou encore colonnes. Seulement quatre barrières sont encore en place aujourd’hui : la barrière de Chartes près du Parc Monceau, la barrière Saint-Martin, place de Stalingrad, la barrière du Trône, place de la Nation et la barrière d’Enfer, place Denfert-Rochereau.
Pavillon d'observation du jardin du duc de Chartres sur la barrière Monceau
Pour la partie concernant l‘actuel 9e arrondissement, on comptait huit barrières espacées d’environ 400 m, mais la barrière Poissonnière n’a été édifiée en fait qu’en 1824.
Le tracé du Mur des Fermiers généraux en 1789 (partie nord de la ville) et l’implantation des barrières
Peu de temps avant la Révolution la population parisienne supporte mal ce perfectionnement du contrôle des approvisionnements dans la capitale qui fait augmenter le coût des produits achetés.
En 1788, les actes de fraude au paiement de ces taxes ont atteint un tel record que 1 100 personnes ont été emprisonnées à la Conciergerie, dont 500 pour fraude. Moncilo Markovic, après avoir consulté les Archives de Paris, nous raconte ainsi le cas d’une femme qui ayant soustrait à la taxe trois litres d’eau de vie, sera condamnée à trois mois de prison à la Conciergerie …
Notre conférencier nous indique aussi qu’à cette époque l’achat d’un kilo de pain pouvait représenter 25% du budget quotidien d’un ouvrier !
En 1789, le mécontentement est si grand que la population commence à incendier certains secteurs du mur dès le 10 juillet et durant les nuits du 11 et 12 juillet, les barrières Blanche, Trois Frères et Saint-Georges sont attaquées mais les émeutiers ne s’en prennent pas aux employés et aucun mort n’est signalé. C’est même dans une ambiance festive et accompagnée de musique que toutes ces actions sont menées, même si tout est détruit dans les bâtiments eux-mêmes !
Incendie des barrières nord de Paris
Le 14 juillet voit le paroxysme de la révolte avec l’attaque simultanée de la Bastille et de toutes les barrières de l’ouest parisien comme celle de Passy puis celles de l’ensemble du réseau. La ville est alors déclarée ouverte mais pour une durée qui n’excédera pas la fin du mois de juillet ! Ledoux voit sa fonction suspendue par Necker. Les procès intentés aux insurgés, d’abord nombreux, se réduisent rapidement pour passer de quatre-vingts à une dizaine en quelques jours et les coupables de dégradations seront d’ailleurs vite relâchés nous confie Moncilo Markovic.
La barrière de La Conférence en feu (actuelle 64, avenue de New-York)
Le 1e mai 1791, la suppression des droits d’entrée (octroi) est officiellement prononcée par l’Assemblée constituante puis Claude Nicolas Ledoux est arrêté mais sera relâché un peu plus tard. En 1797 sous le Directoire, une perception assez légère, « octroi de bienséance », sera rétablie au profit essentiellement des hôpitaux de Paris.
Une très intéressante conférence donc à propos d’un pan de notre histoire parisienne qui s’est prolongée par des échanges lors de notre traditionnel verre de l’amitié et de la dédicace du livre publié par notre conférencier, Paris brûle.
Emmanuel Fouquet
© 9ème Histoire - 2023
Catégorie : Vie Culturelle du 9e - Conférences
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