Charles Aznavour au 22 rue de Navarin foyer de résistance
LE 22 RUE DE NAVARIN, FOYER DE RESISTANCE
Il aurait eu cent ans le 22 mai 2024, Shahnourh Vaghinag Aznavourian, mondialement connu comme un chanteur auteur-compositeur de grand talent sous le nom de Charles Aznavour, lui qui passa une partie de son enfance dans un petit appartement au deuxième étage du fond de la cour du 22 rue de Navarin, jouant aux échecs et découvrant la poésie grâce à un des amis de ses parents (Micha et Knar), un certain Missak Manouchian, résistant accueilli là entre 1941 et 1943, avec son épouse Mélinée, deux membres du groupe FTP-MOI avec lesquels sa famille partageait des idéaux communs. Le couple Manouchian repose désormais glorieusement au Panthéon (depuis le 21 février dernier).
Le 16 mai, on a pu voir le coffre invisible où Charles et sa sœur pouvaient être dissimulés et le placard où une échelle permettait d’aller se cacher dans les étages en cas de contrôle allemand. Mélinée Manouchian, qui se cachera un an rue de Navarin après l’arrestation de son mari le 16 novembre 1943, dira qu’ils étaient heureux : « c’était la maison de la fête, tout le monde chantait ».
Sur la façade de l’immeuble la plaque qui vient d’être dévoilée par Mme Delphine Bürkli (maire du 9ème arrondissement), le 16 mai, rappelle aux passants cet acte de solidarité vécu comme naturel et pourtant si héroïque. Charles aima toujours le 9ème arrondissement où il installa ses bureaux d’artiste (rue Rossini) et il venait souvent déjeuner rue Bleue, à la Maison de la culture arménienne, au cœur de cette « petite Arménie » parisienne qu’était devenu ce quartier suivant l’exil du génocide de 1915.
Pour Mme Verdier-Jouclas (directrice générale de l’ Office national des combattants et victimes de guerre), qui a donné la possibilité à des élèves du lycée Lamartine, des écoles Victoire, Chaptal, Milton et du collège Jules Ferry, de réfléchir longuement sur ce sujet et de faire un travail de mémoire au Mont Valérien et au Panthéon, avec le soutien de M. Alexis Govcyian (conseiller de Paris en charge de la mémoire, premier adjoint à la Maire du 9éme), « ces élèves sont maintenant des ambassadeurs de la mémoire de ces émigrés devenus français par leur engagement, par leur volonté, par leur sens du sacrifice. La plaque que nous inaugurons aujourd’hui contribue au travail de mémoire que nous menons tous ensemble et particulièrement pour les jeunes générations ».
S’adressant particulièrement à Mme Hasmik Tolmajian (ambassadrice d’Arménie à Paris), Mme Bürkli souligna l’influence qu’exerça Charles Aznavour, artiste humaniste et exceptionnel : « Héritier d’une histoire familiale douloureuse et de parents ayant caché des juifs pendant la Seconde guerre mondiale, toute sa vie Charles Aznavour se plaça du côté de la paix. Il symbolise tout ce qui nous est cher : l’amour de la France, de l’universel, de la langue française, le goût du verbe et la passion des mots, la capacité à faire de la place à la différence, et l’amitié sinon la fraternité qui lie nos deux pays ».
Le centenaire de sa naissance a été commémoré par de nombreux hommages prouvant sa popularité : outre de multiples concerts, la création d’un timbre-poste à son effigie, une exposition au Centre Valeyre, des photographies inédites de Roger Kasparian à la Mairie rue Drouot, un « Belvédère de la Bohême » à Montmartre, un jardin « Charles-Aznavour » vient d’être inauguré aux Champs-Elysées (ex-Carré Ledoyen), complétant un buste signé Alice Mélikian placé au carrefour de l’Odéon dans le 6ème arrondissement en 2021. Et les « fans » pourront désormais acquérir une compilation complète de ses œuvres (1200 titres) en CD et le revoir cet automne dans un film biographie des réalisateurs Mehdi Idir et Grand Corps Malade, produit par Jean-Rachid Kallouche, « Monsieur Aznavour » (sortie prévue le 23 octobre), qui retrace son ascension depuis les années 50.
A.P.R.