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Rue Hippolyte Lebas 2 réclames sauvées fortuitement

Rue Hippolyte-Lebas/rue des Martyrs :

deux « réclames » fortuitement sauvées

Une image contenant texte, bâtiment, plein air, ciel

Description générée automatiquement

© Photo Emmanuel Fouquet

« Il en a fallu de la patience, de la détermination, de la pugnacité et de la ténacité pour que ce joyau du patrimoine soit rendu aux Parisiens » : notre maire d’arrondissement, s’est beaucoup investie dans le sauvetage des deux réclames peintes sur le pignon de l’immeuble situé à l’angle de la rue Hippolyte-Lebas et de « cette rue des Martyrs où bat le cœur du 9e », vestiges de cette période où l’affichage se faisait géant, en peinture et sur les murs, une annonce en recouvrant une autre, au début du XXe siècle.  

Il a aussi fallu que beaucoup de personnes s’impliquent. La DRAC tout d’abord qui a rapidement instruit un dossier d’inscription à l’inventaire des Monuments Historiques (le 6 septembre 2012), pressée par l’équipe de Jacques Bravo (maire du 9e à l’époque de la découverte) ; la copropriété du 10 rue des Martyrs sur laquelle sont situées les œuvres (et première concernée comme propriétaire des œuvres) ; la région Ile-de-France; le Groupe Bacardi (auquel appartient la marque Bénédictine) et la société Ripolin, dont les affiches louent les produits ; Cityz Media (spécialiste international de l’affichage publicitaire) ; les cinq conseils de quartier du 9e  qui ont mobilisé la population pour voter un budget participatif ; la direction culturelle de la Ville de Paris ; la Fondation du Patrimoine et ses nombreux donateurs ; L'association Faites le neuf qui ont aidé au financement de la restauration ; L’Association 9ème Histoire n’a pas été insensible à la sauvegarde de ce patrimoine fragile et rare, alertée par Gérald Krafft qui frappa l’un des premiers à la porte de la DRAC. Pas moins enfin que l’équipe du cabinet de Delphine Bürkli, menée par Charlotte Deliry, sans laquelle cette restauration n’aurait pas vu le jour.   

La découverte de ces peintures murales tient du miracle. Elles ont été mises à jour fortuitement après la décision de détruire l’entrepôt en bois avec vitrines qui les recouvrait depuis 1930 (voir photo). Le dessinateur Jul a signalé la trouvaille à Jacques Bravo (alors maire du 9e), qui a ordonné en 2012 l’arrêt du chantier de rénovation de l’immeuble et demandé à la DRAC d’agir. Ce fût fait. Ces affiches seront les premières « réclames » murales peintes protégées en France par une inscription aux Monuments Historiques. Etant propriétés privées, il a fallu convaincre les copropriétaires de l’immeuble concerné de la préciosité de ce patrimoine original tombé en désuétude et devenu rare. Il ne resterait plus qu’une douzaine de réclames murales peintes dans la capitale.

Il est intéressant de prendre connaissance du récit de Laurent Chabas, ancien premier adjoint de Jacques Bravo de 2001 à 2008 :

« A l’occasion du ravalement de son pignon sur la rue Hippolyte-Lebas, la copropriété du 10 rue des Martyrs a souhaité procéder à la suppression d’une construction en bois très étroite sur plusieurs étages résultant de la modification du parcellaire lors du percement de la rue Hippolyte-Lebas et de la démolition de l’immeuble où habitait l’architecte Lepère, beau-père d’Hippolyte Lebas, immeuble duquel il subsiste d’ailleurs des traces visibles à l’angle de la façade du 10. Cette construction en bois, vétuste, hébergeait alors en étage de grandes marionnettes qu’on apercevait depuis la rue .Vu l’intérêt documentaire de celle-ci et le désagrément visuel qu’aurait représenté son remplacement par un large pignon nu aux abords du chevet de Notre-Dame-de-Lorette, j’avais personnellement officiellement demandé en 2011 au Conservateur régional des Monuments Historiques d’alors la protection M.H. de cette construction.

Un avis défavorable ayant été émis par la commission, il a été procédé à cette démolition en 2012. les membres de l’association Circul’livres, qui tiennent leur stand tous les troisièmes dimanches du mois face à ce pignon, comme les gens du quartier qui le fréquentent, s’étaient émus de ce projet. Cette destruction a immédiatement révélé l’existence de trois affichages masqués dont l’un, très dégradé, n’a pu être conservé, tandis que l’intérêt et l’état de fraîcheur des deux autres, miraculeusement protégés des intempéries très tôt après leurs réalisations, ont immédiatement amené Gérald Krafft le 3 juin 2011 et la municipalité d’alors, comme l’administration culturelle avertie, à envisager leur conservation et, pour ce faire, leur protection au titre des Monuments Historiques ».

Bâchées en 2013 parce que menacées par les intempéries et les tagueurs, ces deux affiches peintes auront dû attendre dix ans le financement de leur remise en état avant que deux restauratrices de talent (Antonella Travisi et Laura Serafini) puissent se livrer sur échafaudage à leur « travail de dentelières », sous la direction de M. Camille Giuliani (architecte du Patrimoine), afin qu’elles retrouvent leurs couleurs, leur vernis protecteur et leur éclat d’origine.

Les deux affiches, Ripolin en haut (50m2) datée de 1909 et Bénédictine en dessous (40m2) datée de 1907, sont signées toutes les deux par Defoly, peintre peu connu installé au 28 rue Muller, dans le 18e.  Eugène Charles-Paul Vavasseur (1863-1949), qui signait parfois Merlet ou Ripp, surtout connu comme dessinateur humoristique, collaborant à de nombreux périodiques illustrés, ne serait donc pas l’auteur ici de la publicité Ripolin qui l’a rendu célèbre en ayant créé pour cette marque de peinture à la fin des années 1890, le concept des peintres se badigeonnant mutuellement le dos. C’est ce concept que Defoly semble avoir reproduit ici fidèlement, comme le révèle la restauration qui vient d’être effectuée.

 Ces réclames sont de rares témoignages de la vogue des publicités murales à l’intérieur des villes. C’est au milieu du XIXe siècle que sont apparues les premières publicités peintes sur des murs d’immeubles et de maisons, « moins coûteuses et moins fragiles que les enseignes traditionnelles ». Elles se sont multipliées avec l’avènement de la consommation de masse et l’utilisation des transports en commun qui leur donna une visibilité maximale sur des pignons de grande surface. Naquit alors le métier de peintre « pignoniste ». Les murs étaient loués aux propriétaires pour des baux de longue durée. Les marques fournissaient les poudres, une couche de fond blanc et un siccatif pour accélérer le séchage et protéger la peinture des intempéries. En France, cet affichage a connu son point culminant dans les années 50 puis il est tombé en désuétude. Mais dans certains pays comme l’Inde ou en Afrique et en Amérique latine, les publicités murales peintes sont encore en usage.

En modifiant par décret la loi sur la surface des bâches de chantier peintes en janvier 2012, Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, a ouvert la voie à des façades entièrement bâchées recouvertes de publicités imprimées aisément renouvelables, une nouvelle forme d’affichage géant. « Les « façadistes » ont remplacé les pignonistes » fait remarquer Didier Chagnas…