Villemot
© C.Armstrong 2012 © 9e Histoire 2012-2014
VILLEMOT PEINTRE EN AFFICHES
EXPOSITION DE LA BIBLIOTHÈQUE FORNEY EN DÉCEMBRE 2012
Bernard Villemot (1911-1989) est, avec son contemporain Raymond Savignac, un des affichistes les plus connus du 20e siècle. Il a contribué à créer l’image de grandes marques comme Orangina, Perrier, Bally... Légèreté et fluidité des contours caractérisent son style souvent proche de l’abstraction.
Né à Trouville et élevé à Paris, il est issu d’une famille d’artistes : son père, Jean Villemot, est caricaturiste, décorateur et affichiste ; sa mère, fan de Matisse, l’initie à la peinture. Il fréquente l’académie Julian et s’inscrit à l’école Paul Colin, un des trois affichistes de l’époque avec Cassandre et Carlu.
Dès 1934, il fonde son atelier et réalise ses premières commandes pour le cinéma (Cayatte, Franju). Mais il abandonne assez vite ce genre trop réglementé pour lui qui déteste en outre exécuter les titrages. Pendant la guerre, faute de travail, il accepte les commandes du gouvernement de Vichy. Du triptyque "Travail Famille Patrie" qui sera placardé dans les écoles en 1943, le musée ne conserve que le volet Patrie faisant apparaître pour la première fois une photo sur une affiche. À noter que François Mitterrand en 1981 et Nicolas Sarkozy en 2012 s’en sont inspirés pour leurs affiches électorales.
Loin d’être inquiété à la Libération, Villemot travaille pour le Conseil National de la Résistance comme en témoigne l’affiche " Êtes-vous prêts à les accueillir ", puis pour les institutions publiques comme la Marine Nationale en 1950. Son style s’affirme et évolue vers l’abstraction et la couleur sous l’influence de Matisse.
Parmi ses autres clients : le Secours Catholique, et la Sécurité Sociale avec par exemple une affiche très réaliste inimaginable aujourd'hui : "Quand les parents boivent, les enfants trinquent".
À partir des années 50, il s’intéresse à la publicité commerciale dans tous les domaines et ses clients lui seront très fidèles. Sa notoriété grandissante lui vaut d’ailleurs de se brouiller avec son père, avec lequel il finira par se réconcilier. Parmi les grandes marques représentées dans l’exposition :
• Hollywood (1955) avec une affiche qui s’inspire de la culture américaine, du cinéma (La fureur de vivre) et utilise des couleurs très vives.
• Vespa : où l’on devine l’influence de Tati dans l’homme à la pipe et le surréalisme de Magritte dans les jambes en mouvement.
• Bally lui laissera toute liberté pour exprimer sa créativité, avec par exemple en 1967 une affiche sensuelle inspirée par le Nu bleu de Matisse sur laquelle on note l’absence de visage qui détournerait l’attention du produit. En 1969, il va encore plus loin avec une affiche abstraite où les losanges rouges attirent d’abord le regard, dissimulant deux paires de jambes d’hommes. Le produit dispa- raît complètement avec l’affiche de 1971 sur laquelle on devine difficilement les profils d’un soulier de femme et d’une chaussure d’homme, semelle contre semelle.
• Pour les vins Nicolas, il réinterprète la silhouette célèbre du livreur créée en 1922.
• Il a également beaucoup travaillé pour les marques de tabac : Gauloises, Tigra, Gitanes... jusqu’au vote des lois Weil en 1976 et Evin en 1991 qui vont faire cesser la promotion pour le tabac.
• Des marques d’électroménager font appel à son talent, notamment Frigidaire (tandis que Frigéco a embauché Savignac). Dans l’affiche ci-dessous, il fait le parallèle entre un grand ensemble synonyme de modernité et le produit, symbole de confort. Comme il travaille beaucoup, il lui arrive de réutiliser certaines trouvailles d’un client à l’autre, comme celle de la sirène pour le chauffe-eau qu’on retrouvera dans une affiche pour le Loto.
• Il va également contribuer à la promotion du tourisme pour le compte des Syndicats d’initiative (Contrex, Vichy...), le ministère du Tourisme, la SNCF, Air France. À noter une fois encore l’influence de Matisse dans l’affiche Une Nuit en Voiture Lit, et celle du peintre et affichiste Georges Mathieu qui a également travaillé pour Air France.
Au début des années 70, l’apparition de la publicité à la télévision marque le début du déclin de l’affiche qui deviendra un simple support des spots.
Les années 80 marquent un tournant dans sa carrière car les agences de publicité deviennent les prescripteurs des campagnes promotionnelles dictées par les services marketing des entre- prises. L’artiste perd le contact direct avec ses annonceurs qui lui laissaient carte blanche. « Nous autres affichistes, nous avons été obligés de prendre le maquis. Le pays était occupé par les armées du marketing. » dira-t-il.
Il va se consacrer désormais à l’exposition de ses œuvres et créera sa dernière affiche l’année de sa mort pour le Loto. L’exposition se termine par des affiches de grand format qu’il a réalisées pour deux clients fidèles : Perrier et Orangina pour qui il aura conçu plus de 25 affiches en symbolisant l’orange par son zeste, car la composition du produit lui interdisait de représenter le fruit. Une gageure qui montre la puissance de son talent.
Caroline ARMSTRONG
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Catégorie : - Arts et Métiers
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