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André Breton

© D. Piquemal – 2015 © 9ème Histoire - 2016

« CHANGER LA VIE » AU 42, RUE FONTAINE


 

C’est  là, à cette adresse, dans le 9e arrondissement, que s’est inscrit le destin d’André Breton et avec lui celui du Surréalisme, mouvement littéraire et artistique majeur du début du XXe siècle.

Le propos n’est pas de retracer les amitiés, discordes, ruptures ou retrouvailles d’Aragon, Soupault, Breton « les trois mousquetaires » comme les nommait Paul Valéry, Eluard, Dali et les autres mais, partant de la rue Fontaine, ou presque, de se promener avec l’homme qui resta fidèle à ses idéaux, son besoin de poésie, son amour des femmes et à la signification des lieux et des choses, depuis son atelier dans ce quartier.

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Ses romans permettront de le suivre aussi, un peu, de l’autre côté de la Seine où Nadja, héroïne la plus connue de son œuvre romanesque,  finira tragiquement ses jours.

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Il faut partir du boulevard de Clichy à l’angle de la rue Caulaincourt devant ce qui reste de la statue  de Charles Fourier malheureusement fondue en 1942 sur ordre de Pétain, pour commencer de retrouver Breton qui avait dédié au grand socialiste romantique une ode en 1945, puis le suivre vers la place Blanche, au 82 du boulevard de Clichy, où se trouvait le Café Cyrano. On n’y prend plus ni café, ni mandarin-curaçao, mais ce café était en 1925 le point de rendez-vous de copains qui voulaient changer le monde, le passage de l’Opéra et le café Certa, chers au « Paysan de Paris »  d’Aragon ayant été démolis.

Montparnasse, trop à la mode, n’était pas fait pour eux, ils ont préféré « ce Montmartre des boulevards interlopes où grouille la foule des filles et des souteneurs » dixit Maurice Nadeau. C’est là que va commencer de s’organiser autour d’André Breton la pensée surréaliste et ses diverses manifestations.

La belle aventure se poursuit rue Fontaine ; Breton est en rupture avec le mouvement dada, il s’éloigne, juste un peu, de la place Blanche pour s’installer au 42 de la rue en janvier 1922, avec Simone Kahn, sa première épouse dont on pense qu’elle l’influença beaucoup.

Breton peut continuer de voir le boulevard de Clichy, il habite en fond de cour d’abord au quatrième étage, puis, en 1948, au troisième, au-dessus du cabaret du Ciel et de l’Enfer, devenu La Comédie de Paris. On montait chez lui par un escalier étroit et une porte marquée de cette seule inscription 17 13  qui aurait figuré les initiales du locataire A B. Derrière cette porte, sauf à imaginer les soirées sans fin, il commence à rédiger « Le manifeste du surréalisme » en 1924, puis entasse, ou collectionne, des objets fétiches des cultures les plus diverses, objets de hasard, de désirs, toiles de naïfs, tous emblèmes de ce qui ouvre sur une recherche de la diversité de l’expérience humaine, lointain, désir, polyphonie à la gloire de l’homme.

Dans cet appartement un peu tordu avec pièces décalées, entrées sur deux paliers, tonalités sombres, même dans le fameux atelier aux grands vitrages [1], André Breton va constituer un fouillis d’art et de mémoire posé partout, indépoussièrable, dans des vitrines, puis sur un mur entier resté célèbre. Là, il travaille, il vit surtout quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit.

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Le mur de l’atelier d’André Breton

Mais il se promène, il déambule, il descend, à droite par la rue Notre-Dame-de-Lorette, la rue de La Rochefoucauld vers le Musée Gustave Moreau. Il aimait bien y fantasmer à l’adolescence sur les femmes et l’amour. Bien que né dans l’Orne à Tinchebray en 1896, Breton fut élevé en région parisienne, puis mis au collège du Lycée Chaptal, celui des Batignolles. Il connait donc très bien ce nouveau Paris. Il est souvent aussi au Marché aux Puces de Saint-Ouen en quête de ces objets qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Il y déniche des livres au milieu d’un étalage de chiffons et photos jaunies [2] qui vont peu à peu constituer une bibliothèque fantastique comme un exemplaire frais des œuvres de Rimbaud, …avec notation au crayon de réflexions sur Nietzsche2.

Mais avant de s’être rendu au marché de Saint-Ouen2, il aura fallu le suivre le 4 octobre 1926, en haut de la rue La Fayette, il s’arrête devant la vitrine de L’Humanité où il achète le dernier ouvrage de Trotski, il poursuit sa route vers l’Opéra, une place devant une église, une jeune femme marche en sens inverse, c’est Nadja, on est Place Franz Liszt.

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Après un café pris non loin du boulevard Magenta, vers la gare du Nord, ils se donnent rendez-vous au café de la Nouvelle France, 92, rue La Fayette, à l’angle de la rue du Faubourg Poissonnière. Le café n’existe plus, ils s’y retrouvèrent souvent. Lui déambule rue du Faubourg Poissonnière, descend jusqu’au Grands Boulevards, boulevard Bonne-Nouvelle vers l’imprimerie du Matin, boulevard de Strasbourg, il y a les cinémas, on y passe les films en noir et blanc, américains, bien populaires. Il y a surtout la très belle et très inutile Porte Saint-Denis2, belle, inutile, donc émouvante pour l’homme, le poète, le cultivé qui poursuit sa route…rue de Paradis ! Du temps de Nadja, il poussera jusqu’à la Tour Saint-Jacques, autre ancienne porte des enceintes de Paris à laquelle il est également attaché, traverse la Seine, la rejoint Place Dauphine, mais un an a passé, l’a-t-il vraiment aimée ? Il s’éloigne d’elle, jamais de son quartier.

Retrouvons-le en 1934. Breton déambule rue Condorcet, rue Turgot, place d’Anvers au café des Oiseaux où il a rendez-vous avec Jacqueline Lamba, qui deviendra sa deuxième épouse et la mère de sa fille Aube Breton. Jacqueline gagnait sa vie dans un cabaret de la rue de Rochechouart, le Coliséum, bien entendu disparu, comme nageuse dans un aquarium.

C’est « L’amour fou », après le spectacle, ils se retrouvent, marchent une nuit entière, Pigalle, Les Halles, la tour Saint-Jacques, la rue Gît-le-Cœur, il se souvient de son poème Tournesol, Jacqueline devient la toute puissante ordonnatrice de « Tournesol »[3].                                                              

Il aime  repasser sur la rive gauche comme au temps de Nadja car c’est de ce côté de la Seine comme il l’écrit dans le livre éponyme, que « ... je prendrai pour point de départ l’hôtel des Grands Hommes, place du Panthéon où j’habitais vers 1918… »2

Mais en 1922, j’habite depuis deux mois place Blanche. L’hiver est des plus doux, et à la terrasse du café voué au commerce des stupéfiants, les femmes font des apparitions…les nuits n’existent plus guère que dans les régions hyperboréennes de la légende. Je ne me souviens pas d’avoir vécu ailleurs[4]. Il y meurt, au 42 de la rue Fontaine, en 1966.

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En 2003, sa fille Aube et sa dernière femme Elisa Bindhoff autoriseront la vente à l’hôtel Drouot des livres, objets d’art, soit près de 400 tableaux, 3.500 livres, 1.500 photographies, 150 pièces d’art primitif, et des centaines d’autres objets qui meublaient, rapetissaient l’appartement de la rue du 9e arrondissement. Un des murs a été reconstitué au Musée d’Art Moderne Georges Pompidou.

Les archives d’André Breton sont conservées à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, couturier des années 1920, amateur d’art moderne, bibliophile dont Breton fut le conseiller littéraire et artistique pendant toute cette décennie : « André, André… tu écriras un roman sur moi. Je t’assure, ne dis pas non. Prends garde, tout s’affaiblit, tout disparaît. De nous, il faut que quelque chose reste…»[5]  Il a écrit « Nadja ».

Bien des cafés, cabarets, librairies, autres qui animaient les rues autour de Clichy ont disparu. Aujourd’hui, avant d’arriver 42, rue Fontaine, on sera passé par la place André Breton ainsi baptisée en 2009 au coin de la rue de Douai, quelque chose reste donc aussi dans le quartier.

Il est enterré au cimetière des Batignolles, pas très loin, fidèle.

« Je cherche l’or du temps »

est gravé sur sa tombe.

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Max Ernst « Au rendez-vous des amis » 1922.
1er rang de gauche à droite: Ernst, Fraenkel, Paulhan, Péret, Baargeld, Desnos
2e rang : Crevel (au piano), Soupault, Arp, Morise, Eluard, Aragon, Breton, De Chirico, Gala .
© Wallraf Richartz Museum Cologne

Sources  et documentation: Fonds André Breton – Bibliothèque J. Doucet – Guide du Paris surréaliste collectif H. Behar Editions du patrimoine - Association Atelier André Breton

Dominique PIQUEMAL

© D. Piquemal – 2015 © 9ème Histoire - 2016

 

[1] « En lisant, en écrivant » Julien Gracq – José Corti 1985

[2] « Nadja »

[3] « L’amour fou »

[4] « Lâchez tout »

[5] Lettres à Nadja - Gallimard


Date de création : 10/05/2016 • 09:00
Dernière modification : 13/05/2016 • 17:55
Catégorie : - Articles-Ecrivains & Cinéastes
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