Rue des Martyrs
© Th. Cazaux 2007 © 9e Histoire 2008 - 2014
LES ORIGINES DE LA RUE DES MARTYRS
ÉPINE DORSALE DU 9e ARRONDISSEMENT
La rue des Martyrs forme l’épine dorsale du 9e arrondissement. Ses origines lointaines remontent à l’époque gallo-romaine et au sentier qui gravissait alors la colline du Mons Mercuri. Son lotissement commence à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle, lorsque se forment les vastes domaines, pourvus de grands jardins à l’arrière, dont le parcellaire se retrouve souvent dans la configuration des propriétés actuelles. Elle démarre au point où la pente de la colline de Montmartre se raidit fortement. Cette topographie particulière constitue son élément structurant.
Le charme de la voie réside dans son parcours sinueux qui part à l’assaut de la butte. Les perspectives ouvertes par les ondulations de son tracé et les différentes hauteurs de ses immeubles, le dôme et les flèches du Sacré-Cœur qui apparaissent ou se dérobent selon le point de vue, la vision décalée de l’abside de l’église Notre-Dame-de-Lorette dans le sens de la descente, participent tous à l’impression fantastique ressentie en déambulant rue des Martyrs. Mais ce qui fait l’âme de la rue des Martyrs c’est le commerce, dont l’activité perdure dans l’évolution depuis bientôt trois siècles.
Au IIIe siècle, saint Denis, saint Eleuthère et saint Rustique sont suppliciés au sommet de la colline baptisée Mont des Martyrs, avant de devenir Montmartre. Au XIe siècle, la route qu’empruntaient les martyrs pour arriver au lieu de leur décollation est appelée chemin des Martyrs, dénomination conservée depuis. Jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, la rue des Martyrs est incluse dans le village des Porcherons et dépend du pouvoir féodal de l’abbaye de Montmartre.
Au XVIIIe siècle, la rue des Martyrs est en dehors de Paris, qui s’arrête aux actuels Grands Boulevards. Située dans un faubourg, elle n’est pas assujettie à la taxe qui frappe le vin et les alcools à l’intérieur des murs. Elle est alors jalonnée de guinguettes. Le vin servi au comptoir provient généralement des vignes situées dans un grand jardin à l’arrière de la voie. En 1787, sur les cinquante-huit maisons que compte la rue, vingt-cinq sont des auberges. L’incorporation du quartier à la capitale en 1784, puis les bouleversements de la Révolution sonnent le glas des guinguettes rue des Martyrs. Ces établissements s’installeront désormais dans les nouveaux faubourgs.
La rue des Martyrs attire également des propriétaires fonciers et quelques grands seigneurs s’y sont installés bien que cela ait souvent été pour des raisons galantes. Alternant avec les gargotes, plusieurs folies ou « petites maisons » sont construites par de grands seigneurs, pour loger leurs maîtresses, souvent des demoiselles de l’Opéra ou du théâtre.
Après la galanterie, les arts s’illustrent rue des Martyrs par l’intermédiaire du comte d’Albaret, grand amateur de musique, dont la maison abrite pendant plus de vingt ans un de ces théâtres de société, très en vogue dans l’aristocratie sous Louis XVI. Huit à dix musiciens y logent en permanence, et donnent un concert chaque dimanche matin.
Enfin un personnage éminent marque de son empreinte la rue des Martyrs au XVIIIe siècle. Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes (1721-1794), Ministre d’Etat, protecteur des philosophes des lumières, habite de 1778 à sa mort en 1794 un hôtel, à l’emplacement de l’actuelle cité Malesherbes. Malesherbes y reçoit Benjamin Franklin, l’Ambassadeur de la nouvelle Amérique, à sa suite viendront John Adams et Thomas Jefferson. L’hôtel Malesherbes accueille aussi les premières réunions de la nouvelle municipalité de Montmartre entre 1788 et 1789.
Le XIXe siècle sera le temps de l’urbanisation. Les grands jardins disparaissent au profit d’immeubles de rapport aux bâtiments multiples. Proche du centre artistique que constitue la Nouvelle Athènes pendant une grande partie de siècle, la rue des Martyrs accueille également des peintres, des écrivains, des musiciens et des acteurs. La personnalité la plus marquante est Théodore Géricault, qui vécut au numéro 23 (actuel n°19) entre 1813 et sa mort, sur place, en 1824.
C’est pendant son séjour dans le quartier qu’il réalisé Le Radeau de la Méduse.
Géricault Le Radeau de la Méduse © RMN Paris
Enfin, le commerce constitue l’élément structurant de la rue des Martyrs. Une authentique pérennité dans l’activité commerciale se retrouve depuis les guinguettes de l’Ancien régime jusqu’aux commerces branchés du XXIe siècle. Qui font qu’aujourd’hui encore, la rue des Martyrs reste le centre du village du 9e arrondissement.
Thierry CAZAUX
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Catégorie : - Rues & Promenades
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