EUGENE de BEAUHARNAIS
EUGÈNE DE BEAUHARNAIS
(1781 -1824)
Par Françoise Robert
Portrait d’Eugène de Beauharnais.
Par Johan Heinrich Richter © wikipedia
Eugène est le fils de Joséphine et d’Alexandre de Beauharnais, et devient beau-fils et fils adoptif de Napoléon en 1806.
Arbre généalogique simplifié.
Son père, Alexandre, est de noblesse terrienne du Val de Loire. Militaire « aux Iles » il épouse Rose Tascher de la Pagerie en 1779. C’est un mariage arrangé qui ne tiendra pas ; le couple se sépare dès 1785. Eugène naît en 1781 et Hortense, sa sœur, en 1783. Le père prend alors en charge l’éducation d’Eugène.
Alexandre, député à la Révolution, sert dans l’armée du Rhin. Médiocre stratège, destitué et arrêté sous la terreur en 1794, il est exécuté en juillet de cette année où il ne fait pas bon être noble !
Joséphine s’en tire mieux : ses hautes relations, notamment avec Tallien et Barras, la protègent et elle se fait une place dans la nouvelle société au côté de Thérèse Cabarrus, épouse de Tallien, et Fortunée Hamelin ; elles deviennent « Les Trois Grâces ».
La légende dit que c’est en allant demander à Bonaparte le sabre de son père qu’Eugène fit mettre en contact sa mère et le général. Sans doute se sont-ils plus probablement rencontrés à des soirées chez Madame Tallien. Il est certain que Joséphine relance Bonaparte en lui écrivant : « Vous ne venez plus voir une amie qui vous aime, vous l’avez tout à fait délaissée. Vous avez bien tort car elle vous est tendrement attachée ! »
Bonaparte remettant le sabre d’Alexandre de Beauharnais à son fils. Musée de l'ile d'Aix
C’est en août 1795 que Joséphine loue le charmant hôtel particulier de Julie Talma, au 6, rue Chantereine qui deviendra l’actuelle rue de la Victoire en souvenir des hauts faits de Bonaparte en Italie. Cette « folie » est en effet un pavillon isolé au fond d’un jardin et Bonaparte, très épris, vient y vivre. Cet emménagement revient cher, nécessite l’entretien d’une lourde domesticité et cela tracasse Bonaparte qui, de retour de la campagne d’Italie, lui reproche ses dépenses extravagantes : « Pourquoi cet argent gaspillé pour une maison dont nous ne sommes que locataires ? »
Les enfants Beauharnais en pension à Saint- Germain viennent régulièrement voir leur mère dans cette nouvelle demeure de la rue Chantereine.
Joséphine et Bonaparte se marient le 8 mars 1796 à dix heures du soir à la mairie du 2e arrondissement de Paris installée dans le ci-devant hôtel de Mondragon rue d’Antin. Dans leur acte de mariage, ils se déclarent tous deux âgés de vingt-huit ans, Joséphine et Napoléon ont cherché tous deux à atténuer l’écart des années qui les séparent. S’est-il vieilli par galanterie ou a-t-elle renoncé à ses 33 ans par pure coquetterie ?
Les enfants n’assistent pas à la cérémonie et après quelques mois difficiles, acceptent leur beau-père qui le leur rend bien : « J’aime ces enfants-là confie Bonaparte à Roederer, parce qu’ils se sont toujours efforcés de m’être agréable. S’il se tire un coup de canon, c’est Eugène qui va voir ce que c’est. Si j’ai un fossé à traverser, c’est lui qui me donne la main.
J’aime Hortense, oui je l’aime. Elle et son frère prennent toujours mon parti, même contre leur mère quand elle se fâche pour quelque misère, cela fait la douceur de ma vie. »
Dès 1797, Eugène est aide de camp de Bonaparte en Italie et prend part à la campagne d’Égypte. Celui-ci lui conseille alors : « Jeune homme, apprenez que dans notre métier, il ne faut jamais courir au-devant du danger ; il faut se borner à faire son devoir, le bien faire, et arrive ce qui plaît à Dieu. »
En 1805, il est Vice-Roi d’Italie dans le cadre de la réorganisation du nord de l’Italie ; en 1809 il commande une armée à Wagram ; en 1812 il rassemble onze corps de la Grande Armée et en ramène les « restes » vers la France, Murat étant alors reparti à Naples.
Tout cela avec courage et fidélité qui feront dire à Napoléon devant Joséphine : « Ils m’ont trahi, oui tous. J’excepte de ce nombre ce bon Eugène, si digne de vous et de moi ».
Sa famille compte beaucoup pour lui. Ils se retrouvent souvent à la Malmaison, achetée par Joséphine en 1799. Il protège sa mère, malgré ses infidélités, et écrit à propos de son beau-père : « C’était ordinairement le soir qu’il me faisait ses plaintes et ses confidences en se promenant à grands pas dans sa tente. J’étais le seul avec lequel il pût librement s’épancher. Je cherchais à adoucir ses ressentiments. Je le consolais de mon mieux et autant que pouvaient le permettre mon âge et le respect qu’il m’inspirait ». Une scène est connue : lors de l’un des retours de campagne de Bonaparte qui, furieux des incartades de son épouse, parle de divorce, Hortense et Eugène sanglotent et apaisent leur beau-père.
Au moment du divorce de Napoléon d’avec Joséphine en 1809, de son remariage avec Marie-Louise d’Autriche en 1810 et de la naissance du Roi de Rome en 1811, Eugène accepte tout : « Ma mère, ma sœur et moi nous devons tout à l’Empereur. Il a été pour nous un véritable père, il trouvera en nous des enfants dévoués et des sujets soumis. »
Avec sa sœur la complicité est de tous les instants. Il l’épaule dans son mariage catastrophique avec Louis Bonaparte, s’occupe d’elle au moment de la naissance de celui qui deviendra le duc de Morny, naissance illégitime puisqu’en 1811 Hortense n’est pas encore divorcée de Louis.
Après son mariage, Eugène l’invitera en Bavière à plusieurs reprises. A Augsbourg, le futur Napoléon III - troisième fils d’Hortense et seul survivant- fréquente même le « gymnasium » (Napoléon III en gardera un petit accent !). Ils se retrouvent aussi sur le lac de Constance à Arenenberg où Hortense a acheté une jolie propriété.
En 1806, Napoléon l’adopte et arrange son mariage avec Auguste, la fille du Roi de Bavière. Le mariage a lieu le 13 janvier dans la galerie verte du palais de Munich, l’Impératrice Joséphine est radieuse et l’Empereur se montre particulièrement enjoué. Beaucoup de dignitaires français sont là : Murat, Talleyrand, Duroc…
C’est un mariage heureux, sept enfants naissent dont six vivront -quatre filles et deux garçons- qui feront souche dans les cours européennes. Par exemple, l’aînée, Joséphine, épouse le prince héritier de Suède et leur fils, Maximilien, épouse Maria, fille du Tsar Nicolas Ier.
Eugène et Augusta de Bavière © Wikicommons.
Après 1814 et l’abdication de Napoléon, Eugène reçoit à la Malmaison le Tsar Alexandre qui fait ainsi la connaissance d’Hortense et semble être sous le charme : « Il mettait tant de grâce à vouloir nous être utile qu’il semblait nous demander pardon de nous être devenu nécessaire » dit-elle. Le 21 mais 1814, Eugène emmène même le Tsar voir la machine de Marly et Hortense lui offre le manuscrit des romances qu’elle a fait imprimer l’année précédente.
À la mort de sa mère, Eugène s’éloigne de la politique française et dit qu’il ne prendra aucun engagement et « restera neutre, archi-neutre ». Il accepte l’hospitalité de son beau-père, devient duc de Leuchtenberg et porte le titre de « Prince en Bavière ». Même s’il s’intéresse au sort de Napoléon à Sainte Hélène, il n’intervient plus en France, pas même lors des Cent Jours et ne survit que trois ans à l’Empereur. Il repose à Munich dans l’église Saint-Michel.
Son ²aura² sous le Second Empire est grand. Des rues et avenues lui sont consacrées, par exemple l’actuel boulevard Voltaire était initialement dénommé boulevard du Prince Eugène ; son souvenir subsiste aussi dans le village de la Ferté-Beauharnais en Sologne et de nombreuses expositions lui sont encore actuellement dédiées.
Sa mémoire est également présente dans ses propriétés françaises, notamment à La Malmaison[1] dont il a hérité en 1814 à la disparition de sa mère et l’Hôtel de Villeroy, rue de Lille à Paris, construit par Boffrand. Cet hôtel acheté en 1803 par Eugène et vendu au Roi de Prusse en 1818 est propriété de l’État fédéral Allemand et devenu la résidence actuelle de l’Ambassadeur d’Allemagne en France.
Tombeau d’Eugène de Beauharnais (église Saint-Michel, Munich)
© Creative Commons Rufus 4
Eugène de Beauharnais était un personnage attachant « Tout laisse à penser qu’il aurait su si bien gouverner. L’histoire ne l’a pas voulu » (Valéry Giscard D’Estaing – La victoire de la Grande Armée – Paris, Plon 2010).
©
Sources :
Eugène de Beauharnais Fils et vice-roi de Napoléon par Michel Kerautret (Tallandier éditeur)
Bernard Chevallier et Christophe Pincemaille « L’Impératrice Joséphine » Collection Petite Bibliothèque Payot – Payot & Rivages Éditeur.
Bernard Chevallier « L’Hôtel Bonaparte rue de la Victoire ». 2014 site neufhistoire.fr
© 9e Histoire Françoise Robert
[1] Après bien des vicissitudes et une rénovation financée par le mécène Osiris, la propriété fait partie des musées nationaux et est ouverte au public.
Catégorie : - Personnages
Page lue 716 fois