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Deux Livres

DES NOUVELLES D'ÉDOUARD
 

Paris vu par un québécois ! Voilà le sujet principal de ces Nouvelles d’Edouard, quatrième tome des Chroniques du Plateau Mont-Royal, écrit par Michel Tremblay en 1984, un des grands auteurs québécois de ces dernières années.

Ce livre commence par nous conter la vie assez trouble du personnage principal, vendeur de chaussures à Montréal le jour et «drag-queen» la nuit en tant que «duchesse de Langeais» (!), soudainement  bénéficiaire d’un heureux héritage lui donnant l’occasion de s’embarquer pour Paris en 1947.

Si les cinquante premières pages ne sont pas des plus captivantes et même parfois difficiles à suivre avec cette langue populaire québécoise colorée d’expressions pour nous un peu exotiques, le récit que fait le héros de sa traversée de l’Atlantique en bateau puis de son arrivée à Paris séduit bien plus.

Car le journal empreint de réalisme mais aussi d’humour qu’a tenu Edouard avant sa mort, de ses aventures vécues lors de ce périple finalement très bref, rend celui-ci très attrayant.

On accompagne en effet le narrateur dans cette curieuse déambulation solitaire de trente-six heures où celui-ci découvre Paris sortant à peine de la guerre, de la rue Doudeauville où a échoué Edouard, à Saint-Germain-des-Prés, en passant  par la rue Saint-Denis et les Halles de la grande époque.

A cette occasion, un certain nombre de personnages  sont savoureusement  croqués. Et puis on assiste à des rencontres improbables comme celles de Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, ou encore Boris Vian, entrevus sans le savoir par le visiteur.

La description de ce Paris populaire au confort sommaire que découvre Edouard, digne parfois de Zola dans l’Assommoir, est assez désopilante. C’est d’ailleurs un témoignage très vivant avec des réminiscences littéraires sur ces quartiers situés notamment près de la gare du Nord mais aussi sur la solitude d’un être qui se cherche.

Un livre original donc, même si le dictionnaire des québécismes peut s’avérer parfois utile!
 

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Des nouvelles d’Edouard, de Michel Tremblay, Babel,  Actes Sud Éditeur.

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 ET TU N’ES PAS REVENU  


Voilà un petit livre d’à peine plus de cent pages qui vous bouleverse totalement!
On le lit d’un trait et en le renfermant, on continue à partager avec l’auteure cette déchirure et cette absence qu’elle évoque tout le long de ces terribles pages.

Marceline Loridan-Ivens raconte en effet dans ce livre la brutale séparation d’avec son père,  « Shloïme », à l’âge de seize ans alors qu’elle s’appelait Marceline Rozenberg, lors de leur déportation commune en Allemagne en avril 1944.

Plus de soixante-dix ans plus tard, la fêlure est toujours aussi forte et cette volonté inextinguible de continuer à s’adresser directement à ce père disparu au camp d’Auschwitz, alors qu‘elle, a survécu au camp voisin de Birkenau, est à la fois impressionnante et très émouvante.  

Le récit de cette tragédie, où les larmes n’ont même plus cours, vous saisit au plus profond. Cette courte lettre d’abord, griffonnée par son père, et qu’il réussit à lui faire passer en cachette, qu’elle perd, et dont elle n’arrive ensuite à retenir que la première phrase : « Ma chère petite fille … », et puis ces quelques rencontres avec lui, fortuites et presque sans paroles, au détour de travaux exténuants.

La lecture des pages où elle évoque les conditions de vie totalement inhumaines infligées aux survivants à l’extermination, où le chacun pour soi devient la seule clé pour survivre, est alors réellement glaçante.

La libération des camps ne sera pas en réalité une délivrance pour elle mais augmentera encore ce sentiment de manque immense que les retrouvailles avec une mère étrangère à son malheur, et avec laquelle elle habitera un temps 52 rue de Condorcet, ne calment pas.

Si elle évoque en fin de livre sa vie d’après aux quatre coins du monde avec Joris Ivens, le grand cinéaste documentaire qu’elle épousera alors que celui-ci a trente ans de plus qu’elle, elle ne peut s’empêcher cependant de penser qu’il a pu être pour elle un père de substitution.

Un ensemble donc de pages très fortes où transparaît une grande désillusion sur un monde qui lui échappe, avec des phrases comme : « C’est presque un bonheur de savoir à quel point on peut être malheureux »...

Un livre coup de cœur ou plutôt coup de poing !

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Et tu n’es pas revenu de Marceline Loridan-Ivens, Grasset, février 2015.
 

Emmanuel Fouquet

   


Date de création : 04/03/2015 • 12:00
Dernière modification : 15/03/2015 • 12:00
Catégorie : - Un Livre à Découvrir
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