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Paul Léautaud

© F. Robert - 2015 © 9e Histoire - 2015

PAUL LEAUTAUD
UNE ENFANCE DANS LE 9e ARRONDISSEMENT

 

   

Pour la petite fille que j’étais au moment de sa mort, en 1956, Paul Léautaud était un personnage « inquiétant » : chapeau cabossé, vieilles lunettes, pas très soigné, une multitude de chats…

Ce n’est que plus tard, en habitante du 9e, que je me suis aperçue de la richesse de ses souvenirs d’enfant dans l’arrondissement, à la lecture de son livre « Le Petit Ami » paru en 1903. C’est tout le quartier Notre-Dame-de-Lorette, rue des Martyrs, jusqu’aux boulevards de Clichy et de Rochechouart qui y est décrit.

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Né en 1872, élevé en partie par son père, acteur - sa mère, semi-artiste et femme galante, est absente - c’est une vieille bonne, Marie Pezé, qui habite 14, rue Clauzel dans une mansarde, qui l’héberge souvent et se substitue à ses parents : « …Je ne couchais pas à la maison paternelle, mais chez ma bonne rue Clauzel. Il y avait à cela deux raisons : d’abord j’avais peur la nuit et on ne pouvait me laisser seul, et ensuite mon père rentrait si rarement seul ! ».

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                 Mansardes 14, rue Clauzel                                                                            21, rue des Martyrs 

Il loge au 21 rue des Martyrs et est scolarisé à l’école enfantine protestante de la rue Milton. Ses jeux et ses sorties sont indissociables du quartier :
« Je ne peux traverser la
place Saint-Georges sans m’arrêter, plein d’émotion, devant le bassin où j’allais faire marcher, quelquefois, un petit bateau » ;
«  Tantôt, j’allais faire des tas de sable au square Montholon, au square de la Trinité ou au square Rollin, ou me promenais dans des passages comme le passage Verdeau, le passage Jouffroy sous la  conduite de la chère Maman Pezé »

Il décrit les boutiques du quartier : « …rue des Martyrs, le marchand de couleurs avec sa maison toute bariolée, le lavoiravec son drapeau en zinc, le petit bazar au coin de la rue Hippolyte-Lebas, tous les livres de Mr Randon le bouquiniste et la marchand à la toilette avec tous ses falbalas ».
                                                                                                                               

Très tôt, il est intéressé par les dames de petite vertu, nombreuses dans le quartier Bréda, sans bien sûr savoir pourquoi elle passent de grands moments dans les rues ! « Je me retournais deux ou trois fois tout en marchant pour regarder Loulou qui avait recommencé à se promener du même pas agile. Qu’est-ce qu’elle a donc à marcher comme ça ? On la fait bien attendre ! »  et « Il y a seulement quelques années que j’ai appris par ma tante Fanny ce que Loulou faisait ainsi chaque soir au coin de la rue Clauzel et pourquoi ma bonne voulait tant m’empêcher d’aller l’embrasser »

Il conserve toute sa vie une proximité avec ces femmes dites « légères ». Avec sa mère qui habite un moment rue Laferrière et qu’il revoit plus tard, les relations sont aussi équivoques: « Je la trouvais encore couchée, le buste un peu dressé, les cheveux défaits légèrement, les bras nus dehors et la gorge aussi un peu nue à cause de la chemise qui avait glissé. Elle me dit de venir près d’elle, qu’elle m’embrasse et je m’approchais de son lit heureux et gêné » et « Ah la jolie maman que c’était je vous assure, et souple et vive et gracieuse. C’était la première fois que je voyais une dame dans une pareille intimité et il est probable que je n’ai pas goûté tout l’agrément du moment. Je me souviens pourtant que je quittais à regret cette chambre où j’avais vu ma mère au lit, où elle m’avait tenu contre elle si près »

Les relations de son père lui font fréquenter les lieux de spectacle. Les Folies Bergère le fascinent très jeune : « Quand je suis aux Folies-Bergère, c’est presque toujours là** que je vais me mettre… c’est tout de suite à droite en entrant, dans la sorte de coin que fait le mur, juste en face de la sixième colonne, en comptant de la droite du spectateur. On n’y est pas très bien, il n’y a aucun siège et les gens qui passent et repassent vous bousculent un peu à chaque instant… »

Adulte, sous la signature de Maurice Boissard, il tiendra une chronique de critique dramatique au Mercure de France de 1908 à 1941 et devient d’ailleurs secrétaire général de cette maison d’édition pendant trente-trois ans. Il fréquentera les temples du spectacle comme le Casino de Paris, lOlympia, l’Elysée-Montmartre« Tous ces noms sont pleins pour moi d’un charme et même d’une émotion qui n’ont pas d’analogue »

Il sera fidèle, jusqu’au bout, aux lieux de son enfance, revenant souvent dans le 9e, même s’il a vécu - à partir de 1911- à Chatenay-Malabry, où il mourra.

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Françoise ROBERT

Source : « Le Petit Ami » - 1903 - Gallimard Éditeur       

 

Ce lavoir se trouvait dans la cour du n° 11 (in Th. Cazaux « La rue des Martyrs » Paris Musées éditeur)

** Le promenoir autour de la salle de spectacle.

© F. Robert - 2015 © 9e Histoire - 2015


Date de création : 14/04/2015 • 12:00
Catégorie : - Articles-Ecrivains & Cinéastes
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