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Degas Danse Dessin - le 30/12/2017 • 10:56 par HTa



Degas Danse Dessin
 


Hommage à Degas avec Paul Valéry

 


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Autoportrait de Degas - 1855  -                                                                                 Paul Valéry
 

Certes ce n’est pas la grande rétrospective Degas qu’on était en droit d’espérer en 2017, année du centenaire de la mort de Degas (1834-1917), celle-ci étant prévue dans deux ans, mais pour nous faire patienter, Orsay nous propose une exposition intitulée Degas Danse Dessin, hommage à Degas à travers les écrits d’un de ses contemporains et amis, Paul Valéry (1871-1945).

Les thèmes abordés ici sont essentiellement le dessin, la danse et le cheval et sont illustrés par des œuvres de Degas (dessins, pastels, huiles, sculptures…) et commentés par Paul Valéry à travers son ouvrage publié en 1936 : Degas Danse Dessin ; plus que de simples écrits sur les œuvres de Degas ce sont là des remarques sur la création artistique en général.

Qu’est-ce qui unissait ces deux hommes :  de 37 ans l’ainé, Degas, peintre, dessinateur et poète à ses heures (à Degas qui proclamait lors d’un dîner que ce n’était pas les idées qui lui manquaient, le poète et ami Mallarmé avait répondu « Mais Degas, ce n’est pas avec des idées que l’on fait des vers ») et le cadet, Valéry, écrivain, poète et dessinateur occasionnel (voir les dessins talentueux réalisés par Valéry en marge de ses « cahiers » exposés dans les vitrines de la première salle) ?
Leur rencontre avait eu lieu dans l’atelier du peintre, au 37, rue Victor Massé, en 1896, grâce à
Henri Rouart, condisciple de Degas au Lycée Louis-le-Grand. Le fils d’Henri, Ernest, l’unique élève qu’avait eu Degas, était un ami de Valéry ; il avait épousé Julie Manet (la fille de Berthe Morisot et d’Eugène Manet) et Paul Valéry avait épousé Jeannie Gobillard, la cousine de Julie ; les quatre jeunes gens vivaient ensemble dans l’hôtel particulier qu’avait fait construire Berthe Morisot au 40, rue Villejust, l’actuelle rue Paul-Valéry.

Les Rouart, les Manet, Degas, Valéry et Mallarmé évoluaient dans le même milieu artistique et se fréquentaient régulièrement. D’ailleurs dans l’ouvrage Degas Danse Dessin,  les souvenirs d’Ernest Rouart viennent se mêler à ceux de Valéry pour commenter l’œuvre du peintre.


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E. Degas  -  Photo de Paule Gobillard, Jeannie Gobillard, Julie Manet, et Geneviève Mallarmé

La première salle de l’exposition est consacrée à la présentation de Degas et de Paul Valéry : on y voit des photos « de famille » prises par Degas, très séduit par cette nouvelle forme artistique qu’était la photographie, des bustes des deux artistes, des cartes postales à l’effigie de Paul Valéry ainsi que ses « cahiers », une palette et une boîte de pastels ayant appartenu au peintre et toute une série de missives et de pneumatiques échangés par les deux artistes et qui révèlent leur familiarité.

Dès 1899, soit trois ans après leur rencontre, Valéry avait déjà émis le vœu de consacrer un ouvrage à Degas mais celui-ci avait refusé. Ce n’est que dix ans après la mort du peintre que Valéry propose à Vollard, un des galeristes de Degas qui avait été chargé de disperser les œuvres restées dans l’atelier du peintre, son ouvrage Degas Danse Dessin mais devra attendre huit ans avant la publication de ce livre aux éditions Vollard, en édition de luxe tirée à 305 exemplaires numérotés  et 20 exemplaires hors-commerce.


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Suivant les conseils de son maître Ingres, Degas avait d’abord appris à travailler en copiant les maîtres. Après un long séjour en Italie (1856-1859), il s’était mis à fréquenter assidûment le Louvre, étudiant l’antique, les arts italiens du XVe et du XVIIe siècles, ainsi que les tableaux de Ingres et Delacroix.

Il dessinait beaucoup que ce soit par goût du dessin ou pour préparer ses tableaux. Dans la troisième salle, sont exposés un grand nombre d’études de drapés et de plissés préparatoires à l’œuvre Sémiramis construisant Babylone et des études de visages pour celle intitulée Portrait de famille.


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E. Degas  -  Étude d'un noeud de ruban 1887                                                                                      E. Degas  -   Étude d'une femme de dos, montant dans un char 1860-1862

Avant d’accéder à la salle dédiée à la danse, figure la sculpture de la Petite danseuse de quatorze ans, faite à l’origine en cire et désormais en bronze, qui avait tant choqué les contemporains de Degas. La jeune fille qui posa pour le peintre était un des petits rats de l’Opéra dont la mère, blanchisseuse de son état, élevait seule ses trois filles qu’elle avait confiées à l’Opéra et qu’elle n’hésitait pas à « vendre » aux messieurs qui en fréquentaient les coulisses ; cela faisait d’elles des prostituées ou dans le moins pire des cas des courtisanes.


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E. Degas  -  Petite danseuse de 14 ans                                                                                               E. Degas  -  Danseuses bleues 1893 

Dans la salle consacrée à la danse, les pastels et huiles représentant des danseuses succèdent aux dessins analysant les différentes positions et mouvements des danseuses en activité ou au repos. Sur un socle ondulant sont posées des statuettes en bronze de « petits rats », qui semblent liés les uns aux autres, tous dans des poses différentes, l’ensemble rappelant les recherches contemporaines en matière de photographie et de cinéma (à partir d’une succession d’images fixes légèrement différentes les unes des autres, on pouvait obtenir une forme d’animation).

Dans la même salle, un film muet de quelques minutes, les Hôtes de la Mer, montrant des méduses en mouvement, souligne les similitudes entre le mouvement des méduses aux corolles translucides et celui des petits rats aux tutus de gaze. Valéry de commenter : « La plus libre, la plus souple, la plus voluptueuse des danses possibles m’apparut sur un écran où l’on montrait de grandes méduses ».


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E. Degas  -  La classe de Danse 1875-1876                                                                                            E. Degas  -  Danseuse assise se massant le pied 1881-1883

Dans l’avant-dernière salle consacrée au cheval et à la photographie, Valéry rapproche le mouvement du cheval de celui de la danseuse : « Nul animal ne tient de la première danseuse, de l’étoile du corps de ballet comme un pur-sang en parfait équilibre… ». À côté des dessins et huiles représentant des chevaux ou des courses de chevaux, des appareils d’animation précurseurs du cinéma (zootrope, praxinoscope…) sont exposés dans des vitrines et à nouveau un socle ondulé supporte des petits bronzes figurant, cette fois, des chevaux en mouvement.


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E. Degas  -   Cheval marchant au pied relevé
 

A la fin de l’exposition, les feuilles de l’édition de luxe de Degas Danse Dessin avec les dessins de Degas annotés par Valéry sont présentées dans des vitrines.

C’est pratiquement sur l’image d’un Degas vieillissant, atteint par la cécité, filmé à son insu par Sacha Guitry lors d’une promenade boulevard des Batignolles, que se termine l’exposition.

Degas avait souhaité qu’à sa mort, tous ses dessins de jeunesse entassés dans son atelier ainsi que ses statuettes de cire fussent détruits ; Vollard n’a pas tenu compte des dernières volontés de l’artiste, et on pourrait dire « fort heureusement » puisque cela nous permet de contempler ces dessins préparatoires et ces statuettes fondues en bronze après la mort de l’artiste.

Dans l’attente de la vraie rétrospective « Degas » …


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E. Degas  - La Repasseuse 1869
 

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Musée d'Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur
75007 Paris
Tous les jours sauf lundi
De 9 h 30 à 18 h
Jusqu’au 25 février

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Hélène TANNENBAUM


Fortuny à Galliera - le 04/12/2017 • 12:38 par HTa

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Fortuny – Un Espagnol à Venise

 

C’est par une exposition consacrée à Mariano Fortuny (1871-1949) que s’achève la saison « espagnole» du Palais Galliera, après deux expositions hors-les-murs : l’une au Musée Bourdelle : « Balanciaga , l’Oeuvre au noir » et l’autre à la Maison de Victor Hugo : « Costumes traditionnels espagnols ».

La plupart des vêtements, documents, objets exposés à Galliera proviennent du fonds du Palais Galliera, du « Museo del Traje » de Madrid et du « Fortuny Museo » de Venise et ce n’est pas un hasard puisque Fortuny est espagnol de naissance, vénitien d’adoption (c’est au Palazzo Pesaro-Orfei à Venise qu’il avait élu domicile et ouvert son atelier) et qu’il a passé plusieurs années de sa vie à Paris où il avait ouvert une boutique, rue de Marignan, et où résidaient nombre de ses prestigieux clients.


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Le Palazzo Pesaro-Orfei
 

S’il est surtout connu aujourd’hui pour être l’inventeur (avec Henriette Nigrin) d’un plissé indéformable utilisé pour la toute première fois, dans son modèle « Delphos », il a cependant touché à tous les arts ; il a été peintre, graveur, photographe, sculpteur, metteur en scène, styliste même s’il se considérait, avant tout, comme un peintre et un inventeur (il déposa des dizaines de brevets dans des domaines très divers, tels les textiles, l’éclairage…)

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Portrait de l'épouse de l'artiste devant un miroir - Mariano Fortuny 1930
 

Né dans une famille d’artistes : son père, Mariano Fortuny y Marsal, était peintre et sa mère, Cecilia de Madrazo y Garreta était elle-même issue d’une famille de peintres (son père fut directeur du Prado). Mariano a peu connu son père – il avait 3 ans à sa mort – mais il hérita de lui une collection d’objets rares provenant du monde entier (armes, céramiques, tapisseries, étoffes…) qui l’influença dans sa création artistique. Il était encore enfant lorsque sa mère décida de s’installer d’abord à Venise avec sa famille, puis plus tard à Paris.

C’est en 1909 qu’il se fit connaître en lançant la robe « Delphos » et son célèbre plissé, robe qu’il déclina sous des formes différentes (modèle une ou deux pièces, avec ou sans manches, avec ou sans ceinture) qu’on peut toutes voir dans l’exposition. Le plissé de cette robe pour lequel il déposa un brevet reste encore aujourd’hui bien mystérieux (On peut lire dans les brevets : « Genre de vêtement pour femmes dérivé de la robe antique », « Genre d’étoffe plissée ondulée »). La robe pouvait se ranger en boule dans une boîte ou dans une valise et retrouvait sa forme et sa fluidité aussitôt revêtue. Une fois portée cette robe en taffetas de soie épousait les mouvements du corps et libérait la silhouette. Le textile était uni, le décor se concentrant uniquement sur la ceinture lorsqu’il y en avait une.

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                       L'Aurige de Delphes                                                                       Robe "Delphos" de Mariano Fortuny

Vers 1900, suite aux fouilles du Palais de Minos à Knossos, l’antiquité grecque était redevenue à la mode dans bien des domaines, en architecture (villa Kérylos à Beaulieu-sur-Mer), en peinture (Frederic Leighton à Londres), en danse (Isadora Duncan) et dans l’habillement.

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                                    Châle Knossos                                                                                           Détail de la robe Eleonora

 Après la robe « Delphos » qui s’inspirait de la tunique portée par l ’«Aurige de Delphes», il créa un châle intitulé « Knossos » décoré de motifs empruntés à des porcelaines crétoises.

Si le nom de Fortuny est moins connu aujourd’hui, il était très célèbre au début du XXe siècle et l’artiste comptait parmi ses clientes des personnes aussi en vue que la Comtesse Greffulhe, la danseuse Isadora Duncan, la comédienne britannique Ellen Terry, l’épouse de Charlie Chaplin, Oona, l’épouse de Paul Poiret, Denise, Jeanne Lanvin et Cecilia Sorolla, toutes séduites par ses tissus chatoyants et leurs impressions à base de poudres métalliques rappelant l’Orient.

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Elena Sorolla à la tunique jaune - Joaquim Sorolla, 1909 

A plusieurs reprises, dans « À la Recherche du Temps perdu », Proust fait allusion aux robes de Fortuny : « La robe de Fortuny que portait ce soir-là Albertine me semblait comme l’ombre tentatrice de cette invisible Venise »

Avec sa collaboratrice et future épouse, Henriette Nigrin, il avait ouvert au Palazzo Pesara-Orfei un atelier qui comptait plus de cent ouvriers. Ils choisissaient des textiles naturels qu’ils teignaient avec des colorants eux aussi naturels et sur lesquels ils imprimaient des motifs rappelant l’Asie, le monde hellénique ou les tableaux d’artistes italiens tels que Vittore Carpaccio et Giovanni Bellini.

Dans un tout autre domaine, on peut encore voir, à Paris, ce qu’il reste du théâtre privé qu’il avait rénové pour la Comtesse de Béarn, à l’Hôtel de Béhague, rue Saint-Dominique (actuelle ambassade de Roumanie) et qu’il avait équipé d’une coupole pliable mobile de son invention et dont il avait réglé l’éclairage scénique.

L’exposition consacrée à ce touche-à-tout que Proust appelait « le fils génial de Venise » est à voir jusqu’au 7 janvier 2018.

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Palais Galliera
10, avenue Pierre Ier de Serbie
75116 Paris
Tous les jours sauf lundi.
de 10 h à 18 h
Jusqu’au 7janvier 2018

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Hélène TANNENBAUM


Monet collectionneur - le 28/09/2017 • 07:21 par HTa


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Manet  -  Claude Monet lisant  - 1873


Monet Collectionneur
 

« Je suis un égoïste – ma collection est pour moi seul … et pour quelques amis. Je la garde dans ma chambre autour de mon lit… », voilà ce que déclarait Monet deux ans avant sa mort. Cela explique pourquoi la collection privée de l’artiste est longtemps restée secrète ; mis à part les estampes japonaises (Hokusai, Hiroshige…) acquises par Monet et quelques tableaux de nymphéas exposés au rez-de-chaussée de sa maison de Giverny et qui étaient accessibles à tous les visiteurs, seuls les intimes avaient le droit de monter à l’étage et voir le reste de la collection.

On en a donc longtemps ignoré le contenu ; il y avait bien eu un inventaire après décès des biens du peintre mais lors du bombardement des archives notariales des Andelys, en 1940, ces documents avaient été détruits. Quant au deuxième inventaire établi après le décès de Michel Monet, en 1966, (Jean Monet, le fils ainé de l’artiste étant mort en 1914, c’était Michel, le second fils, qui était devenu le légataire universel de son père) il ne nous permet pas de connaître la richesse de la collection, puisque Michel, pour assouvir sa passion des safaris et ses goûts de luxe, avait vendu, dès 1927, les tableaux susceptibles de rapporter le plus d’argent (Corot, Renoir, Cézanne…) ne gardant que les œuvres qui avaient moins de valeur à l’époque (des nymphéas de Monet, les estampes…)

Le Musée Marmottan, ayant été institué légataire universel de Michel Monet, une partie des œuvres présentées aujourd’hui appartiennent donc au musée ; quant aux autres, il a fallu les localiser et les emprunter à des institutions publiques et à des collectionneurs privés.

Un des grands intérêts de cette exposition est de montrer comment Monet, tout au long de sa vie, a constitué sa collection.

À ses débuts, ne parvenant pas à vendre ses toiles et parfois même incapable d’acheter des couleurs par manque d’argent, il était inenvisageable pour Monet d’acquérir des tableaux mais c’est néanmoins à cette époque que commence sa collection : ce sont d’abord des œuvres offertes par ses amis peintres qui entrent dans sa collection (Charles Lhullier, Gilbert Alexandre de Séverac, Carolus-Duran, Manet, Renoir…) ; la plupart des œuvres représentaient Monet lui-même ou sa famille (Camille et/ ou Jean) ; attaché à ces souvenirs, Monet gardera ces œuvres toute sa vie. Puis la collection s’est enrichie à la suite d’échanges entre artistes : contre un tableau de Belle-Ile-en-Mer, Monet reçoit de Rodin un petit bronze : « Jeune Mère à la Grotte » ; Berthe Morisot offre « Fillette au Panier » contre « Villas à Bodighera », peint par Monet pour décorer la nouvelle maison de Morisot.

Caillebotte, proche de Monet et qui partage avec lui une passion pour les jardins, joue un rôle de mécène auprès des impressionnistes et achète à Monet de nombreux tableaux pour l’aider et par amitié lui fait cadeau d’une de ses œuvres, « La Leçon de piano », 1881.

A la mort de ses amis Gustave Caillebotte (1894), Berthe Morisot (1894) et Camille Pissarro (1903), les familles des peintres disparus offrent à Monet : « Chrysanthèmes blancs et jaunes. Jardin du Petit Gennevilliers », « Julie Manet posant avec sa levrette, Laërte » et « Le Parc aux Charrettes, Pontoise », soit par simple amitié, soit pour service rendu (aide apportée par Monet lors des successions).

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Chrysanthèmes blancs et jaunes, jardin du Petit Gennevilliers - G. Caillebotte, 1893

Dès les années 90, lorsque la situation financière de Monet s’améliore, le peintre commence à acquérir des toiles, souvent lors de ventes aux enchères ou auprès de marchands d’art, le peintre ne s’adressant pratiquement jamais directement aux artistes eux-mêmes. Dans un premier temps, il s’intéresse aux « anciens » (Corot, Delacroix, Jongkind et Boudin) ; d’ailleurs le tableau inachevé « Le Clocher de Sainte-Catherine, Honfleur » retrouvé dans l’atelier de Monet, à sa mort, et estampillé Monet, a été récemment attribué à Boudin et était probablement un cadeau de l’artiste à son disciple.

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Boudin - Le clocher de Sainte-Catherine, Honfleur - 1867                                       Pissarro - Paysannes plantant des rames - 1891

Lorsqu’en 1892, son ami et voisin Pissarro sollicite auprès de Monet un prêt pour l’achat de la maison d’Eragny qu’il occupe en tant que locataire depuis longtemps, Monet accepte mais demande qu’une partie de l’emprunt lui soit remboursé sous la forme d’un tableau et il choisit « Paysannes plantant des rames », 1891, que l’artiste venait d’offrir à son épouse.

À partir des années 95, Monet est désormais célèbre et la part des cadeaux et des échanges dans les tableaux entrant dans sa collection diminue ; désormais, il les achète et de plus en plus cher et c’est pour Cézanne (dont il aura 14 toiles) et pour Renoir (6) qu’il se passionne. Il va jusqu’à dépenser 10.000 frs pour « La Mosquée. Fête arabe » de Renoir, reprochant cependant à Durand-Ruel, son marchand ainsi que celui de Renoir, d’en vouloir trop cher. Ainsi entrent, dans la collection privée de Monet, un très beau tableau de Cézanne, différent de ceux auxquels l’artiste nous a habitués, le « Nègre Scipion », 1898, et une superbe baigneuse de Renoir, « Jeune Fille au bain »,1892.

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  Cézanne  -  Nègre Scipion  -  1867                                              Renoir  -  Jeune Fille au bain  -  1892

A partir des années 90, le patriarche reçoit dans son atelier de Giverny de jeunes artistes auxquels il achète des tableaux (Signac, Vuillard…).

Quelque temps après le décès (1879) de son épouse, Camille, Monet se marie avec Alice Hoschedé dont le premier mari et père de ses enfants, Ernest, avait été un prospère homme d’affaires avant d’être ruiné ; pour faire face à ses dettes, il avait dû se séparer de nombreux tableaux représentant sa famille ; Monet pour faire plaisir à Alice, rachète une grande partie de ces œuvres auxquelles les Hoschedé étaient très attachés.

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Berthe Morisot : Julie Manet posant avec sa levrette, Laërte  -  1883

La collection de Monet est très éclectique ; à part les tableaux de ses anciens maîtres, de ses amis impressionnistes, des jeunes artistes post-impressionnistes, il achète des œuvres d’artistes représentant la vie parisienne (Constantin Guys) et des affiches de Jules Chéret et de Toulouse-Lautrec. Mais ses préférences vont à Cézanne et à Renoir pour les œuvres desquels il dépense sans compter.

Après 1926, année de la mort de Monet dont la fortune est estimée à 5.000.000 de frs, une grande partie de la collection a été dispersée par son fils. Réunir ces tableaux qui sont désormais dans des musées ou dans des collections privées a exigé des années de recherche et de travail aux organisateurs de cette exposition d’autant plus que, Monet passant presque toujours par des intermédiaires lors de ses acquisitions, son nom ne figure généralement ni sur les bordereaux d’achat des ventes aux enchères ni sur les livres de comptes des galeristes

Même si la plupart des œuvres exposées aujourd’hui à Marmottan nous sont familières, c’est la première fois que nous les voyons ensemble et que nous apprenons qu’elles ont toutes fait partie de la collection privée d’un peintre et quel peintre ! Elles nous permettent de mieux cerner les affinités, les sentiments et même les passions de Monet.

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Musée Marmottan Monet
2, rue Louis-Boilly
75016 Paris
Tous les jours sauf lundi,
de 10 h à 18 h
Jusqu’au 14 janvier 2018

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Hélène TANNENBAUM


Liu Bolin - le 19/09/2017 • 13:33 par HTa


Ghost Stories
 

Curieuse cette exposition à la Maison Européenne de la Photographie, de l’artiste chinois Liu Bolin, né dans la province de Shandong, en 1973.
Avant de devenir photographe / performeur, il étudie la sculpture à l’université qu’il enseignera pendant quatre ans. La première photo qui le fit connaître est l’autoportrait pris en 2005, devant les décombres de son atelier, situé dans le quartier d’artistes de Pékin que le gouvernement avait décidé de raser en raison de la préparation des jeux olympiques de Pékin .

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 Liu Bolin - Suoja Village - 2005

Liu appartient à une génération d’artistes qui succède à la révolution culturelle et qui vit dans une relative stabilité politique et dans un pays qui commence à connaître une certaine prospérité. Cet autoportrait est sa façon silencieuse de protester contre un gouvernement qui ne protège pas ses artistes. Sur cette photo, on voit Liu devant son atelier détruit par les promoteurs ; il se confond avec le « paysage ». Il proclame alors : « Je me suis caché pour me faire remarquer ».

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Liu Bolin -  La Liberté guidant le peuple

S’en suit toute une série de photos bâties sur le même principe et qui prend le nom de « Hiding in the city » (se cacher dans la ville). Une vidéo diffusée dans l’exposition explique le processus extrêmement long qui aboutit à la photo finale : Liu se place devant le décor dans lequel il cherche à se fondre et reste sans bouger tandis que des « peintres-assistants » peignent son corps de façon à ce qu’il se confonde avec le paysage, cet exercice pouvant durer jusqu’à 10 heures ; une fois le travail de peinture terminé il est pris en photo dans ce décor; sur certaines photos il apparaît clairement tandis que sur d’autres il devient « l’homme invisible », que, malgré sa carrure imposante, on a du mal à distinguer. Comme le précise l’artiste, il n’y a aucun trucage photographique dans ses clichés.

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Liu Bolin -  Puffed Food

Artiste engagé, Liu entend ainsi protester contre certains abus du régime, la société de consommation (photos de Liu devant une collection de portables ou devant les étagères d’un supermarché), le capitalisme (?) (coffre-fort d’une banque parisienne devant lequel l’artiste pose, complétement recouvert de peinture dorée) et la pollution qui règne à Pékin et dans les cours d’eau avoisinants.

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Liu Bolin - Safe Door

On reste souvent admiratifs devant les performances de l’artiste mais elles deviennent un peu trop systématiques et répétitives.
L’art du photographe semble avoir évolué depuis les séries intitulées «
Hiding in the City » et « Ghost Stories », il pratique désormais le « art hacking », piratant des images dans l’actualité, les agrandissant, se glissant par le biais d’un montage photographique dans l’action avant de réinjecter ces images dans les circuits de l’information.

Si vous allez voir cette exposition à la M.E.P., surtout ne manquez pas la rétrospective des deux photographes français, Anne et Patrick Poirier, deux grands voyageurs qui souhaitent faire partager leurs réflexions sur les différentes civilisations et cultures qu’ils ont rencontrées tout au long de leurs pérégrinations.

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 Liu Bolin - Marine Litter Surfrider - 2017

Parallèlement à l’exposition Liu Bolin à la M.E.P. la galerie Paris-Beijing qui représente l’artiste à Paris propose une autre exposition de photos de Liu intitulée « Revealing Disappearance ». Celle-ci illustre le combat environnemental mené par le photographe depuis des années ; on le voit le corps à demi immergé dans les eaux polluées du fleuve Jaune ou posant devant un tas d’ordures dans un centre de collecte en Inde. En 2017, en collaboration avec l’ONG Surfrider, il réalise, sur la côte atlantique française, des photos montrant la pollution aquatique causée par les déchets plastiques et proclame que « l’homme se développe en détruisant son propre environnement ».

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Yellow River - 2011



Voilà au moins deux expositions de photos à voir, en plus de la rétrospective Irving Penn qui se tient actuellement au Grand Palais, en attendant le mois de la photo qui se déroulera à Paris, comme tous les ans, en novembre.

 

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M.E.P.
5/7, rue de Fourcy
75004 Paris
du mercredi au dimanche
11 h-20 h
Jusqu’au 29 octobre

 


Galerie Paris Beijing
62, rue Turbigo
75003 Paris
du mardi au samedi
11 h-19 h
Jusqu’au 28 octobre


 

                                   

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Hélène TANNENBAUM


Cézanne Portraits - le 06/09/2017 • 13:34 par HTa

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                                     Portrait de Paul Cézanne 1862-1864                                              Portrait de l'artiste au chapeau melon 1885-1886                                      


Portraits de Cézanne
 

Une exposition consacrée aux portraits peints par Cézanne (1839-1906) se tient au Musée d’Orsay jusqu’à la fin septembre. Elle met en valeur un aspect souvent méconnu de l’œuvre du peintre.

Une carrière artistique n’était certainement pas ce que Louis-Auguste Cézanne envisageait pour son fils. Issu lui-même d’une famille pauvre d’Aix-en-Provence, son ascension sociale fut remarquable : de chapelier il devint un banquier prospère mais considéré comme un « nouveau riche » par la bourgeoisie aixoise, il resta en marge de la bonne société.
Souhaitant que son fils, Paul, lui succède à la tête de la banque ou embrasse la carrière d’avocat, il lui fit faire des études de droit ; Paul, doué pour les humanités et passionné par les beaux-arts, abandonna rapidement ses études pour rejoindre, à Paris, un ancien camarade de collège,
Émile Zola. N’ayant pas reçu d’éducation artistique, il ne put entrer à l’École des Beaux-Arts et se forma à l’Académie Suisse où il côtoya Monet, Pissarro

S’il assista aux discussions artistiques tenues au café Guerbois aux côtés de Manet par Pissarro, Monet, Renoir… et s’il exposa ses toiles en 1874 et en 1877 avec celles des impressionnistes, il ne fit jamais vraiment partie du groupe.

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Le Jardinier Vallier 1901-1906

En 1872, il travailla sur le motif, auprès de Pissarro à Pontoise et à Auvers-sur-Oise (une exposition du Musée d’Orsay, juxtaposait, en 2006, les œuvres réalisées par les deux artistes, montrant bien leur influence réciproque et la ressemblance de certains de leurs tableaux).

C’est probablement à l’Académie Suisse où elle posait pour les peintres que Cézanne fit la connaissance d’Hortense Fiquet qui devint sa compagne et dont il eut un fils en 1872, Paul. Cette liaison resta secrète car le père de Cézanne l’aurait considéré comme une « mésalliance » et ce n’est donc qu’après la mort de son père que l’artiste épousa Hortense. Elle fut un de ses modèles favoris ; il la représenta près d’une trentaine de fois.

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Portrait du fils de l'artiste 1881-1882

L’exposition d’Orsay consacrée aux portraits de Cézanne montre un artiste qui portraiture essentiellement ses proches (son père, Louis-Auguste, lisant le journal « L’Evénement » : œuvre de jeunesse particulièrement réussie comme pour montrer à ce père récalcitrant tout son talent de peintre ; son oncle Dominique, sa sœur, sa compagne, son jardinier et lui-même) et quelques personnes célèbres de l’époque (Zola, son ancien condisciple et ami ; son marchand, Ambroise Vollard, le critique d’art, Gustave Geffroy…).
 

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Louis-Auguste Cézanne, père de l'artiste, lisant L'Evénement                    Ambroise Vollard 1899

Cézanne travaillait très lentement, cherchant toujours la perfection, ce qui signifiait de longues et nombreuses séances de travail. Vollard qui s’était soumis à l’exercice considérait que poser pour Cézanne était tout bonnement « insupportable » (cent cinquante séances de pose n’avaient apparemment pas suffit à Cézanne pour achever le tableau de Vollard qu’on voit dans l’exposition ! ).

Un grand nombre d’autoportraits, parmi les vingt-six réalisés dans sa vie, figurent ici, à Orsay, montrant un artiste vieillissant (la calvitie de plus en plus accentuée) et s’embourgeoisant (de l’artiste hirsute il devient le petit bourgeois au chapeau).

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Portrait de l'artiste 1875

C’est surtout après la naissance de leur fils que Cézanne se mit à peindre sa compagne Hortense ; elle semble être une femme au foyer ordinaire représentée assise dans un fauteuil, cousant, pas très belle, plutôt austère, semblant s’ennuyer. Aucun sentiment n’émane de ces représentations.

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Madame Cézanne en robe rouge 1888-1890

Hortense accepta longtemps de suivre Paul dans ses déménagements à Paris, Pontoise, Auvers-sur-Oise et dans ses allées et venues entre Paris et le midi, tout en vivant dans une certaine clandestinité. Impossible de déduire de ces tableaux les sentiments de l’artiste pour cette femme qui, mal acceptée par sa belle-famille, finira par vivre à Paris avec son fils tandis que Cézanne passera de plus en plus de temps à Aix, d’abord dans la maison familiale du Jas de Bouffan, auprès de sa mère et de ses sœurs, (la propriété sera vendue, en 1899, après la mort de sa mère) puis dans un appartement au centre d’Aix et dans son atelier des Lauves, à la sortie d’Aix.

Comme le montrent d’autres portraits de femmes peints par Cézanne, Hortense ne paraît pas être la seule femme « maltraitée » sur le plan pictural ; le fils du peintre et les hommes, en général, semblent davantage avoir ses faveurs. (les portraits de l’oncle Dominique qui a soutenu Cézanne dans sa vocation artistique et qui se prêtait volontiers aux longues séances de pose, sont remarquables ; le visage est représenté par d’épaisses couches de peinture appliquées au couteau ; l’une des toiles montre Dominique en avocat, ce que le père de Cézanne aurait aimé voir son fils devenir, une autre en artiste avec un bonnet blanc sur la tête indiquant ce que Cézanne souhaitait devenir).

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L'Homme au bonnet de coton (l'Oncle Dominique) 1866

Contrairement à d’autres peintres de l’époque qui ont été attirés par la Méditerranée et les paysages du midi (Signac, Matisse, Dufy…), le sud, pour Cézanne, n’a jamais été une découverte, il y est né et même, s’il est allé à Paris, pour faire des études artistiques, pour se faire connaître, participer aux salons, rencontrer des marchands d’art, il n’aime pas la ville, lui préférant la campagne, la nature et les paysages ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle Cézanne est aujourd’hui essentiellement connu pour ses natures mortes (qui souffraient parfois, elles aussi, de la longueur des poses et pourrissaient sur la table de l’artiste ! ), pour ses paysages (notamment ceux de la Montagne Sainte Victoire, représentée en séries) et pour ses baigneuses mais beaucoup moins pour ses portraits, d’où l’intérêt de cette exposition qui, après Orsay, ira à Londres et à Washington (c’est d’ailleurs de grands musées américains et anglais que viennent un certain nombre de portraits prêtés à Orsay.)

Même si Cézanne fut apprécié par ses pairs (Monet, Degas, Caillebotte, Gauguin) et s’il eut une influence certaine sur les nabis et les cubistes, il eut du mal à s’imposer sur la scène artistique. Rejeté des salons officiels mais exposé, rue Clauzel, dans la boutique du marchand de couleurs « le Père » Tanguy puis, rue Laffitte, dans la galerie du marchand d’art Ambroise Vollard qui organisa la première grande exposition consacrée à l’artiste en 1895, il finira par connaître la notoriété.

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Musée d’Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur
75007 Paris

Jusqu’au 24 septembre
Tous les jours sauf le lundi

9 h 30-18 h

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Hélène TANNENBAUM