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Mode & Femmes 14-18 - le 18/03/2017 • 17:25 par HTa

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MODE & FEMMES, 14-18

C’est à la Bibliothèque Forney (Bibliothèque des Arts Graphiques et des Métiers d’Art de la Ville de Paris) qui vient de rouvrir après plusieurs mois de travaux que se tient l’exposition sur la mode (et son évolution) et les femmes (et leur statut) pendant la première guerre mondiale.

La Bibliothèque Forney est située dans l’Hôtel des Archevêques de Sens construit entre 1475 et 1519 pour Tristan de Salazar, Evêque de Sens. Cet édifice dans lequel vécut pendant un an (1605-1606) la première épouse de Henri IV, Marguerite de Valois, abrita ensuite des nobles chevaliers et, dès 1689, des entreprises commerciales dont une Messagerie.

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L'hôtel de Sens

Vendu comme bien national pendant la Révolution Française, l’édifice subira bien des transformations (au gré des divers occupants: blanchisserie, fabrique de conserves alimentaires, opticien, confiturerie…) et des dégradations. Racheté par la Ville de Paris en 1911, de gros travaux de restauration furent entrepris entre 1929 et 1960 date de l’installation de la Bibliothèque. Ce bâtiment est un des rares exemples d’habitation civile au Moyen-Age existant de nos jours dans la capitale. Il fait penser à un château fort avec ses tourelles d’angle circulaires et il comporte aussi un très beau porche gothique.

Salle 1
L’exposition qui s’inscrit dans le cadre de la célébration du centenaire de la guerre 14-18 et qui est présentée jusqu’au 17 juin fait un état des lieux de la mode féminine avant la première guerre mondiale et montre les changements occasionnés par le nouveau rôle des femmes dans la société pendant la guerre.

Dès le début du XXe siècle le nombre de changements de tenue au cours de la journée dans les classes sociales aisées a tendance à diminuer ; la femme adopte le costume-tailleur qui l’accompagne tout au long de la journée. Les vêtements deviennent plus pratiques, les matières plus souples et lavables, les jupes plus amples et plus confortables et les poches, jusqu’alors éléments du costume masculin, désormais jugées indispensables, apparaissent dans la mode féminine.
L’exposition montre comment la guerre a joué un rôle considérable dans l’évolution de la mode féminine (difficulté de s’approvisionner en matière textile ; évolution du rôle de la femme qui entraîne de nouveaux besoins vestimentaires ; participation des couturiers à la guerre).

Au moment même où la guerre est déclarée sont censés se dérouler les défilés de mode des grands couturiers. C’est donc devant de rares clients français et étrangers que certains couturiers présentent leur nouvelle collection. Les activités liées aux vêtements représentant la deuxième industrie nationale avant le conflit, il est essentiel de se mobiliser pour les défendre ainsi que la Haute Couture (Poiret, Lanvin, les Sœurs Callot, Paquin, Worth…) menacée par la concurrence étrangère et notamment par les États-Unis jusqu’à leur entrée en guerre. Ainsi, dès 1915, la Chambre syndicale de la couture parisienne organise à San Francisco et à New York des expositions internationales au cours desquelles les couturiers français montrent leur dynamisme face à l’adversité.

Le personnel, essentiellement féminin, des ateliers des grands magasins et des maisons de couture, se retrouve pendant les premiers mois qui font suite à l’entrée en guerre, désoeuvré. Ils se reconvertissent et cousent des effets destinés aux soldats (uniformes, accessoires militaires). Les ateliers et boutiques sont transformés en ouvroirs.

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Uniformes féminins 1916

La guerre va provoquer également des changements dans le choix des tissus ; la plupart des usines textiles (laine et lin) étant situées dans le nord et dans l’est de la France sont tout de suite la cible des Allemands et c’est donc dans la région lyonnaise (spécialisée dans la soie) que les couturiers vont désormais s’approvisionner ; de nouveaux textiles voient le jour (dérivés de la soie, jersey…) qui présentent des avantages de souplesse par rapport à la laine. Les couleurs elles aussi vont changer, la plupart des colorants textiles étant auparavant importés d’Allemagne, il faut désormais s’en passer ; les coloris sont donc moins vifs et moins variés (beige, gris…).
Après quelques mois de guerre, l’industrie textile repart de plus belle et la Haute Couture contribue à glorifier les couleurs françaises. Dans de nombreux modèles, les couleurs bleu, blanc, rouge sont présentes (chez Jeanne Lanvin, sous la forme d’un coq tricolore en perles de verre et strass) et les femmes mettent des cocardes aux couleurs de la nation à leur chapeau. Les « crinolines de guerre » amples, lourdes et peu pratiques font leur apparition ; elles exigent huit mètres de tissu, ignorant tout de la pénurie…

Salle 2
Avant la guerre de nombreuses femmes étaient femmes au foyer et celles qui travaillaient occupaient pour beaucoup des postes dans l’agriculture ou la domesticité mais, en 1914, la mobilisation des hommes va libérer de nombreux emplois dans les usines, les transports en commun, le monde médical, emplois qu’il va falloir assurer ; les femmes vont alors jouer un rôle de « remplaçantes » (« munitionnettes » dans les usines d’armement, conductrices ou receveuses dans les transports publics, factrices, livreuses dans les grands magasins, cheminots…).

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Page de couverture de la revue « Les Modes » - 1917

Contrairement à la Grande-Bretagne où les femmes recevaient pour occuper ces postes un uniforme spécifique rien n’avait été prévu en France. Si les femmes qui travaillent en usine vont revêtir une sorte de salopette proche de celle portée par les hommes, dans d’autres fonctions (factrices, receveuses…), puisqu’aucun uniforme n’est fourni par l’employeur, elles porteront leurs vêtements quotidiens agrémentés d’un brassard, d’un képi ou d’un écusson spécifiant leur fonction. Seules les infirmières (des religieuses, des dames de la Croix Rouge ou des femmes qui doivent travailler pour subvenir à leurs besoins) auront droit à un uniforme spécifique.

En 1917, la « crinoline de guerre » encombrante va céder la place à la robe tonneau, resserrée vers le bas et au costume-tailleur écourté (qui peut comporter deux ou trois pièces).

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         Crinoline de guerre                                                                      Robe Tonneau

Salle 3
A la fin de la guerre, on comptera environ 600.000 veuves de guerre. Le deuil était codifié (un an de grand deuil, neuf mois de deuil et trois mois de demi-deuil) et il fera l’affaire de magazines de mode et de catalogues qui seront consacrés à ces veuves auxquelles on reprochera parfois leur coquetterie ou le fait de se remarier trop vite alors que le gouvernement lui-même incite la France à se repeupler.
En 1917, une «
mode nationale » est lancée dans des magasins, proposant aux personnes les plus modestes des vêtements et des chaussures à bon marché, contre des tickets de rationnement.

C’est cette année-là qu’a lieu la première grève des midinettes qui profitent de la bonne santé de l’industrie textile pour formuler leurs revendications (revalorisation salariale, semaine anglaise) ; elles obtiennent facilement satisfaction contrairement aux ouvrières qui travaillent dans les usines.

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Grève des midinettes en 1917 © Fonds Roger-Viollet

Une des revendications d’alors touche déjà à la différence hommes /femmes : « Salaire égal pour un travail égal ». Dès 1914, les femmes françaises participant largement à l’effort de guerre et ayant désormais les mêmes responsabilités que les hommes, s’attendent, à la fin de la guerre, à obtenir le droit de vote, ce qui fut le cas en Grande-Bretagne et aux États-Unis et pourtant il leur faudra attendre la fin de la deuxième guerre mondiale pour l’obtenir.

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De femmes au foyer en 1914, elles deviennent ouvrières, infirmières…, remplacent les hommes dans de nombreux secteurs, croyant à leur émancipation et à leur indépendance financière ; mais dès la fin de la guerre, les hommes reviennent du front et récupèrent leur travail et les femmes retrouvent leur foyer.

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La mode en 1916

Cette exposition présente énormément de documents (revues et catalogues de mode, dessins de grands couturiers, caricatures, affiches, cartes postales, photos d’époque, vêtements et accessoires…) pour illustrer cette période de guerre qui a marqué un tournant dans la vie des femmes (changement de fonction, de statut, de vêtements) mais il ne s’agit là que d’une période de transition et il faudra attendre la deuxième moitié du XXe siècle pour voir une réelle évolution dans le rôle des femmes dans la société.

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Bibliothèque Forney
1, rue du Figuier
75004 Paris

Du mardi au samedi 13h-19h
Jusqu’au 17 juin 2017
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Hélène Tannenbaum


Tenue Correcte Exigée - le 21/02/2017 • 09:48 par HTa

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Marie-Antoinette - par Elisabeth Vigée Le Brun - 1783



TENUE CORRECTE EXIGÉE

Quand le vêtement fait scandale


« Tenue Correcte exigée » : c’est ce qu’on peut lire sur des cartons d’invitation ou à l’entrée de certains lieux publics (clubs privés, casinos, restaurants…) mais c’est également l’intitulé d’une exposition présentée aux Arts Décoratifs jusqu’au 23 avril et qui retrace les règles vestimentaires et leur transgression du XIVe siècle à nos jours, en revisitant les grands scandales qui ont marqué la mode.

Le premier niveau de l’exposition est consacré aux coutumes vestimentaires (« Le vêtement et la règle ») et à la tendance des personnes des deux sexes d’échanger leurs habits (« Est-ce une fille ou un garçon ? ») et le deuxième niveau évoque les excès en tous genres qui ont provoqué des scandales, vêtements trop longs, trop courts, trop impudiques, trop féminins pour les hommes, trop masculins pour les femmes, trop négligés… (« La provocation des excès »).

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«Adam et Eve» Atelier de Cranach l'Ancien, XIVe siècle

Dès l’ouverture de l’exposition, un tableau de l’École de Cranach l’ancien rappelle qu’au commencement était la nudité. L’apparition du vêtement est liée au péché originel. C’est lors de leur expulsion du Jardin d’Eden qu’Adam et Ève reçurent des vêtements pour cacher leur nudité.

A la suite de cela, pour les pouvoirs civils et religieux, les vêtements devaient être aussi sobres et discrets que possible et il fallait tenir compte, avant tout, de l’âge et de la condition de la personne qui les portait.

Dans la première salle sont exposés des guides de bonne conduite qui dispensent des conseils sur le savoir-se-vêtir (depuis « Le Parfait Courtisan », 1585, de Baldassare Castiglione jusqu’au « Bonheur de séduire - l’Art de réussir »,1991, de Nadine de Rothschild). Il est ensuite rappelé que dans la deuxième moitié du XIXe siècle l’élégance ne pouvait appartenir qu’à la seule bourgeoisie aisée qui avait la possibilité de s’adonner à la lecture des manuels et des revues de mode et qui se changeait jusqu’à huit fois par jour, pour s’adapter à chaque activité de la journée.
Puis une vitrine révèle les tenues dites « de circonstance » : baptême, mariage, deuil- une veuve devait porter des vêtements de deuil puis de demi-deuil pendant un an et six semaines- ce qui impliquait la constitution d’une garde-robe conséquente. Une autre vitrine montre qu’au Salon de 1783,
Elisabeth Vigée Le Brun avait exposé un tableau représentant Marie-Antoinette vêtue d’une simple robe de mousseline de coton décolletée et que cet habit ayant été jugé indécent et ne pouvant être porté que dans l’intimité, le peintre avait dû remplacer cette tenue par une robe « à la française », en satin de soie, plus décente dans la sphère publique.

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    Smoking d'Yves Saint Laurent de 1966                                                 Marlène Dietrich, 1930 photo Eugène Robert Richee      

Le port d’un vêtement peut évoluer au cours des siècles, ainsi le « smoking », jugé être une tenue masculine décontractée au XIXe siècle (les hommes devant le remplacer par l’habit avant de rejoindre les dames au salon) est de mise dans les dîners mondains et les bals au XXe siècle ; sans oublier que depuis 1966, date à laquelle Yves Saint Laurent créa des smokings pour femmes, le port de cette tenue est admis pour les deux sexes.

Même si le travestissement a longtemps été considéré comme un péché, les femmes ont progressivement adopté les vêtements d’homme, d’une part pour des raisons pratiques tolérées dans certaines circonstances (pratique de la chasse, des sports comme la gymnastique, la bicyclette, l’alpinisme…) et d’autre part pour des raisons d’autorité, les femmes cherchant à s’émanciper pensaient assurer ainsi leur égalité avec les hommes.

Dans les années 20, la mode de la « garçonne » se développe (robe droite sans poitrine et sans taille) et cheveux courts. Si les femmes n’hésitent pas à braver les interdits, il n’en est pas de même pour les hommes qui craignent, s’ils adoptent des vêtements féminins, qu’on leur reproche leur efféminement et d’être ramenés à un statut inférieur dans la société.
Il est intéressant d’apprendre qu’en 1800, les femmes, souhaitant s’habiller en homme, devaient en demander l’autorisation écrite à la Préfecture de police et que cette ordonnance de 1800 n’a été abrogée qu’en 2013 ! L’usage des cosmétiques reste essentiellement féminin de nos jours mais au XVIIIe siècle pour un homme, un visage fardé de blanc était le signe de l’appartenance à la classe des puissants. Depuis 1980, des gammes de produits cosmétiques pour hommes se sont développées mais les marques ont bien veillé à utiliser, dans leur publicité, des sportifs de haut niveau pour bien montrer que les cosmétiques n’enlèvent rien à la virilité de ceux qui en font l’usage.

Le deuxième niveau de l’exposition, consacré aux scandales provoqués par le port de certains habits, commence par la présentation de jupes pour hommes ; si le kilt, la djellaba et le sarong , de par leur aspect régional ou folklorique, peuvent être portés, sans choquer, par contre le port de la jupe lancé par Jean-Paul Gaultier et Vivienne Westwood a scandalisé (et pourtant fin du XIXe, début du XXe siècle, rien ne distinguait un garçonnet d’une petite fille de bonne famille, tous deux étaient vêtus de robe).

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George Sand au bras de Henri de Latouche - Paul Gavarni - 1835

La mode unisexe a, elle aussi, fait scandale et s’est trouvée renforcée dans les années 60, quand garçons et filles se sont mis à porter le même uniforme, le jean, qui a été, à ses débuts, un symbole de contestation vis-à-vis de la famille et de la société.
Chaque nouvelle mode a ses défenseurs et ses rétracteurs avant d’être plus ou moins admise par tous. Lorsque l’anglaise Mary Quant, suivie de Courrèges, Cardin et Paco Rabanne, a lancé la mode de la mini-jupe, Gabrielle Chanel qui avait accepté, en son temps, de porter des tenues d’homme, avait déclaré cette mode indécente.

On a également reproché à certains vêtements d’être indécents, laissant trop voir le corps parce que trop transparents, trop décolletés ou trop moulants. Après la guerre, la haute-couture a été critiquée pour son usage abusif de tissu dans ses modèles, incitant au gaspillage à une période où la rigueur et l’économie étaient de mise.

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              Adonis Bosso, New York City 2016-  © Jason Rowe          Dior par Galliano, inspiration "Sans abris" 2000 © G. Marineau       

Plus récemment des grands couturiers ont lancé la mode des vêtements froissés, déchirés et troués, certains revendiquant même une mode des « sans-abris » ( « Homeless chic » , John Galliano, 2000) ou des femmes violées ( « Highland Rape », Alexander McQueen, 1995) ; leur côté provocateur a , à juste titre, choqué.

Cette exposition aborde, par la présentation de vêtements, accessoires, portraits, photos, caricatures, films et chansons, la question des règles vestimentaires à travers les âges avant d’insister sur les multiples infractions à ces règles et aux valeurs morales et démontre que l’appréciation de la mode est tout à fait subjective, ce qui choque les uns ne choque pas les autres.

Michel Pastoureau rappelle que la liberté vestimentaire est une illusion et que si les codes se sont assouplis, les scandales sont prêts à ressurgir à tout instant.

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Musée des Arts Décoratifs
107, rue de Rivoli
75001- Paris
De 11h à 18h sauf le lundi
Jusqu’au 23 avril 2017

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Hélène TANNENBAUM


Moi, Caravage - le 12/02/2017 • 17:17 par HTa


Moi, Caravage

 

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Cesare Capitani (© B. Cruveiller)


Ça pourrait être l’intitulé d’une exposition sur le Caravage, comme celle qui vient de s’achever à la National Gallery de Londres, mais ce n’est pas le cas. Il s’agit du titre d’une pièce montée au Lucernaire jusqu’au 12 mars ou plutôt une reprise puisqu’elle a déjà été jouée précédemment en Avignon et dans trois théâtres parisiens.

Elle a été adaptée du roman de Dominique Fernandez, « La Course à l’Abîme », par Cesare Capitani, comédien d’origine italienne qui incarne le personnage du Caravage, racontant à la première personne, sous la forme d’une confession, la vie mouvementée du célèbre peintre.

De son vrai nom, Michelangelo Merisi (1571-1610), il était né à Caravaggio, en Lombardie ; la pièce met en lumière à la fois les différentes périodes de la vie et de l’œuvre de l’artiste. Elle décrit son enfance dans un bourg lombard, son approche de la peinture, ses premiers ennuis avec la justice, sa fuite à Rome et sa carrière. Doté d’un caractère violent et d’un côté asocial, il se montre un personnage rebelle aussi bien dans sa vie que dans son œuvre, refusant tout compromis et toute facilité, se montrant sans cesse provocateur et autodestructeur.

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Le Caravage: Garçon mordu par un lézard - 1594 -                  Garçon à la corbeille de fruits - 1593  -
 

Ses œuvres sont considérées comme un défi à la morale : il prend pour modèles, pour illustrer des figures religieuses, les prostituées et les voyous qu’il côtoie dans la vie. Toujours prêt à tirer son épée, il se trouve sans cesse impliqué dans des bagarres de rues qui l’entraînent dans des procès et des séjours en prison. Ses tableaux sont d’une telle puissance et d’une telle beauté que, malgré ses frasques, il connaît aussitôt la gloire et reste courtisé par les princes et les cardinaux tout au long de sa vie.

En 1606, au cours d’une rixe, il finit par tuer un homme d’une famille haut-placée et est obligé de fuir Rome pour se réfugier d’abord à Naples où sa réputation lui permet de trouver aussitôt des commanditaires. Puis il part pour Malte où il est fait Chevalier de l’Ordre de Malte mais est renvoyé à la suite d’une altercation avec un des membres de l’Ordre, puis mis en prison ; il s’évade et va en Sicile.

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Le Caravage -  David avec la tête de Goliath -  1609 1610  -

Tout au long de sa courte vie (il meurt à 38 ans) et malgré une réputation sulfureuse, il trouvera toujours des protecteurs et obtiendra des commandes ; si ses œuvres sont parfois refusées dans des expositions publiques, elles sont recherchées pour figurer dans des collections privées.

En 1610, le Pape est enfin disposé à lui accorder son pardon, Michelangelo quitte donc Naples pour regagner Rome ; arrêté par erreur, il fait à nouveau un court séjour en prison et peu après son corps sera retrouvé sur une plage près de Porto Ercole. S’agit-il d’un crime ? d’une forme de suicide ? ou d’une mort due à l’épuisement et à la malaria ?

Même s’il ne fut pas l’initiateur du clair-obscur (il avait été précédé par Léonard de Vinci), le nom du Caravage y reste intimement lié puisqu’il développa abondamment cette technique ainsi que celle du ténébrisme et fut suivi dans ces pratiques par Georges de la Tour et Rembrandt.

Sur la scène du Lucernaire, il y a deux comédiens : Cesare Capitani, Caravage, et en alternance, une comédienne, Laetitia Favart ou Manon Leroy qui interprète les amants et maîtresses du Caravage.

La pièce mêle sans cesse la vie et l’œuvre de l’artiste, mettant en valeur son processus créatif. L’éclairage de la scène rappelle de façon spectaculaire le clair-obscur des tableaux et au fil de la représentation on reconnaît les œuvres du maître figurées par les gestes et mimiques du comédien. Capitani s’investit complétement dans son personnage et on peut dire « Caravage, c’est lui ».

L’auteur du roman, Dominique Fernandez, dit de lui : « … brûlé de désir, violent insoumis, possédé par l’ivresse du sacrifice et de la mort, il prend le destin du peintre pour le conduire, dans la fièvre et l’impatience, jusqu’au désastre final ».


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Théâtre Le Lucernaire
53, rue Notre-Dame -des -Champs
75006 Paris
Du mardi au samedi à 18 h 30
Dimanche :16 h
En italien les mardis

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Hélène TANNENBAUM


Tous à la Plage! - le 30/01/2017 • 16:17 par HTa

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Trouville à 2 heures de Paris



TOUS À LA PLAGE !

 

En cette période de rigueurs hivernales, certains d’entre nous se sont peut-être mis à rêver de vacances au bord de la mer et c’est justement ce que propose une exposition à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine intitulée « Tous à la Plage ». Elle est consacrée aux stations balnéaires (essentiellement en France mais également en Grande-Bretagne, Italie, Espagne et ailleurs dans le monde), du XVIIIe siècle à nos jours.

C’est sur les côtes britanniques, plus précisément à Scarborough, dès 1730, que tout commence. Un phénomène migratoire vers le littoral touche une population aisée : les aristocrates et les bourgeois quittent les centres urbains où l’air est malsain pour s’aérer, respirer et prendre les eaux, suivant ainsi les prescriptions des médecins de l’époque qui viennent de découvrir les vertus curatives de l’eau et plus particulièrement des bains de mer. C’est d’abord dans des villes thermales, type Bath, que se rendent les riches anglais avant d’être attirés par les bords de mer. Le mouvement se développe tout au long du XVIIIe durant lequel l’ « élite » britannique, à la recherche d’un climat plus doux, se dirige vers les bords de la Méditerranée pour y passer une partie de l’hiver : on y voit de riches commerçants et industriels, des aristocrates et même des têtes couronnées.

En France, la côte normande se développe grâce au Duc de Morny, demi-frère de Napoléon III et Biarritz devient une station célèbre grâce à l’impératrice Eugénie.

Entre 1850 et 1870 se multiplient en Normandie les lieux de villégiature : Cabourg et Deauville étant à l’époque les plus réputés.

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                                    Cabine de bain hippomobile                                                                                 Affiche « Royan Express »

Dans la première salle de la Cité de l’Architecture de nombreuses photos anciennes de « bathing machines » sont exposées : ce sont des cabines de bains hippomobiles qui permettaient aux baigneurs de se changer et de s’avancer dans l’eau pour s’y tremper. On en voit dans certains tableaux d’Eugène Boudin mais c’est surtout sur l’aspect « plage-salon » et rencontre mondaine que l’artiste insiste, peignant des hommes et des femmes en tenue de ville, debout ou assis sur des chaises en paille, en train de discuter. Dans la même salle, une vitrine révèle des costumes de bains des deux sexes, en laine, aux couleurs plutôt ternes et couvrant bien le corps ; hors de question à l’époque d’exposer son corps à la vue des autres et le bronzage n’était pas de mise.

Le succès d’une station dépendant de son accessibilité, le développement des trains contribue largement à rapprocher le littoral de la capitale et c’est chargés de six à huit malles que les bourgeois de l’époque partent en villégiature ; il faut se rappeler que les femmes étaient censées se changer cinq ou six fois par jour pour toujours porter la tenue la mieux adaptée à l’activité du moment (baignade, promenade, courses hippiques, casino, théâtre…). Cela explique le développement d’un service d’enlèvement des bagages à domicile et de livraison sur le lieu de résidence à rendre jaloux un voyageur du XXIe siècle.

Parallèlement se développent les guides de voyage dont un des tous premiers est le célèbre « Baedeker » et la vente de souvenirs à rapporter de ses vacances (objets en terre-cuite, bois ou ivoire ; assiettes ; verres ; presse-papiers…)

Une des principales activités pour les hivernants/ estivants est la promenade, ce qui se traduit par la construction de « piers » en Grande-Bretagne (avancées dans l’eau comprenant des restaurants, des salles de jeux, des établissements de bains…) et de digues, en France, ainsi que des terrasses aménagées et des « planches » (Deauville, Trouville) où il convient d’être vu.

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Promenade des Anglais, Palais de la jetée et Monument du centenaire - Nice

Les distractions se multiplient pour occuper les vacanciers : restaurants, théâtre, salles de bal, casinos. À Monte-Carlo, on fait même appel à un architecte aussi célèbre que Charles Garnier pour construire un théâtre.
Dans les années 1920/1930 de célèbres stylistes (
Jean Patou, Sonia Delaunay) développent une mode balnéaire, élaborant des tenues de plage et organisant des défilés sur les lieux de villégiature; les maillots de bains raccourcissent ; les estivants pratiquant désormais des sports ( golf, gymnastique, sports hippiques) s’habillent différemment ; les corps s’exposent au soleil. En 36, c’est le Front Populaire et l’arrivée des congés payés généralement pris aux beaux jours. Les hivernants deviennent des estivants

Une partie des côtes françaises ayant été touchée pendant la seconde guerre mondiale, il faut reconstruire certaines stations et en développer de nouvelles (côte Languedoc-Roussillon, Corse, Aquitaine…). Pour répondre à l’évolution de la demande et des goûts, on construit des marinas, sur le modèle américain (Marina Baie des Anges) ; la thalassothérapie se développe et de nombreux établissements de remise en forme et de bien-être s’ouvrent, ce qui permet à certaines stations de fonctionner toute l’année.

Dans des zones sur-bâties (Monaco, par exemple) où il n’est plus possible de développer le littoral, il est envisagé de construire des îles flottantes, un peu sur le modèle des plates-formes pétrolières, pour étendre le domaine habitable.

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Projet d'ile flottante pour la lagune de Venise (Ch. de Beistegui-A. Lurçat -1931)   -   Lilypad, cité flottante et écologique pour réfugiés climatiques - V. Callebaut - 2008

Puis c’est le tourisme de masse qui remplace le tourisme réservé à une « élite » ; les entreprises et les villes ouvrent des colonies de vacances pour les enfants de leurs salariés ou de leurs habitants. Pour se rapprocher de la nature certains optent pour le camping ou pour la caravane puis c’est la création de villages de vacances destinés aux familles (VVF) ou des clubs (type Club Méditerranée) pour les cadres et les célibataires.

Après une exploitation inconsidérée et excessive du littoral, les efforts portent désormais sur sa préservation et sur les problèmes liés au réchauffement climatique.

Cette exposition montre bien l’évolution, sur plus de deux siècles, des sites et des mœurs en matière de vacances au bord de la mer, par l’intermédiaire de photos anciennes, d’extraits de films, d’affiches, de journaux, de caricatures, d’objets et de vêtements et explique le passage d’une villégiature hivernale réservée aux classes sociales aisées à des vacances d’été au bord de la mer destinées au plus grand nombre.

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Cité de l’Architecture et du Patrimoine
7, avenue Albert de Mun
75016 Paris

Jusqu’au 13 Février 2017
tous les jours sauf lundi et mardi
de 11 h à 19 h

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Hélène TANNENBAUM


Frédéric Bazille - le 02/01/2017 • 17:11 par HTa

FRÉDÉRIC BAZILLE

LA JEUNESSE DE L’IMPRESSIONNISME

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Autoportrait à la palette - F. Bazille - 1865-1866

Peu après le Musée Fabre de Montpellier, c’est Orsay qui rend hommage au peintre Montpelliérain Frédéric Bazille.
Né à
Montpellier, en 1841, dans une famille de la grande bourgeoisie protestante (son père est adjoint au maire de la ville, puis sénateur de l’Hérault et la famille joue un rôle important dans le milieu viticole languedocien) et destiné par ses parents à devenir médecin, Frédéric entreprend, parallèlement à ses études de médecine, des études de dessin. Il est très tôt en contact avec la peinture, grâce à son voisin, Alfred Bruyas, grand collectionneur et mécène, qui lui fait connaître Delacroix et Courbet et grâce aussi à la proximité du musée Fabre que le futur artiste fréquente assidûment.

En 1862, il monte à Paris pour achever ses études de médecine et il s’inscrit également à l’atelier du peintre suisse Charles Gleyre et c’est là qu’il fera la connaissance d’artistes dont il restera proche toute sa vie: Renoir, Monet, Sisley

A force d’insistance, il obtient, en 1864, la permission de ses parents d’abandonner la médecine pour se consacrer à sa passion, la peinture, et ses parents acceptent même de lui verser une rente qui lui permettra d’avoir son propre atelier (rue de Furstenberg, au dessus de celui de Delacroix, puis rue Visconti, rue de La Condamine et rue des Beaux-Arts). Homme généreux et bien conscient d’appartenir à un milieu privilégié, il partage appartements, ateliers et modèles avec ses amis Renoir et Monet. Il leur vient quelquefois financièrement en aide en leur achetant des tableaux.

L’exposition d’Orsay est à la fois thématique (ateliers parisiens, peinture sur le motif, natures mortes chasse et poissons, le Languedoc, le nu, natures mortes aux fleurs…) et chronologique.

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Atelier de la rue de la Condamine - F. Bazille - 1870

Elle comporte une soixantaine de tableaux de Bazille et des tableaux de ceux qui l’ont précédé et marqué (Delacroix, Courbet) et de ses contemporains, les futurs impressionnistes (Renoir, Monet, Sisley et Cézanne)

Les premières œuvres exposées à Orsay montrent des scènes d’atelier : « Autoportrait à la palette », 1865, les contemporains de Bazille dans l’atelier de Charles Gleyre (tableau anonyme) et des tableaux représentant les ateliers successivement occupés par l’artiste.

Puis Bazille se laisse convaincre par Monet de quitter l’atelier pour aller peindre sur le motif et c’est d’abord à Fontainebleau, près de Barbizon, qu’il suivra Monet avant de partir avec lui en Normandie rejoindre Jongkind et Boudin à l’auberge Saint-Siméon, près de Honfleur.

Bazille passe ses hivers dans la capitale où il fréquente le milieu artistique parisien et s’adonne à sa deuxième passion, la musique, fréquentant théâtres, opéras et conservatoire et ses étés, près de Montpellier, dans la propriété familiale de Méric. La lumière crue du midi et les paysages languedociens sont de plus en plus présents dans son œuvre (« La Robe Rose »1864 ; « Les Remparts d’Aigues-Mortes » 1867 ; « La Réunion de Famille » 1867).

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La Robe Rose - F. Bazille - 1864                                                                              Nature morte au héron - F. Bazille - 1867

Bazille ne parvient pas à vendre sa peinture mais ses tableaux sont admis au Salon officiel alors que ceux de ses amis, futurs impressionnistes, sont refusés. Ce n’est qu’en 1874 (soit quatre ans après la mort de Bazille) qu’ils tiendront la première exposition impressionniste dans l’atelier de leur ami le photographe Nadar.

C’est dans le midi, au bord du Lez que Bazille peint une série de nus masculins (thème peu courant à l’époque mais que reprendra, plus tard, Cézanne) exposés ici (« Le Pêcheur à l’épervier » 1868 ; « Scènes d’été » 1869).

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Pêcheur à l'épervier - F. Bazille - 1868                         Vue de village - F. Bazille - 1868

Peu avant sa mort, Bazille revient à la nature morte mais il ne peint plus des trophées de chasse et des poissons mais des fleurs (« Jeune Femme aux pivoines » 1870, deux tableaux). Le thème des fleurs était très à la mode à l’époque comme l’avaient compris Fantin-Latour, Renoir et Monet dont certaines natures mortes sont exposées à côté de celles de Bazille.

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Jeune femme aux pivoines - F. Bazille - 1870

L’exposition d’Orsay se termine sur un tableau inachevé tout à fait insolite, d’inspiration biblico-orientaliste « Ruth et Booz », 1870, d’après le poème de Victor Hugo.

Apparemment déçu par la façon dont ses derniers tableaux avaient été reçus, se sentant très seul et comme l’indique le commissaire de l’exposition, peut-être incapable d’assumer une homosexualité inavouée, Bazille décide de s’engager, en août 1870, dans un conflit déjà perdu, le conflit franco-prussien. Après un court séjour en Algérie, il revient en France et est tué à Beaune-la-Rolande en novembre 1870.

Bazille meurt à 28 ans, après une carrière qui n’aura duré que huit années ; influencé dans la première partie de sa vie par les peintres classiques et considéré ensuite comme un précurseur de l’impressionnisme, on peut se demander de quelle façon il aurait évolué s’il avait vécu et s’il aurait rejoint le mouvement impressionniste.

Dans la dernière salle de l’exposition, une vitrine contient l’uniforme de zouave porté par Bazille au moment de sa mort et sont affichés des dessins réalisés par l’artiste (études ou préparations à des tableaux)

Bazille dont la longue silhouette nous est familière pour l’avoir vue à maintes reprises dans des tableaux peints par lui ou par ses amis (« Autoportrait à la palette » 1865, « L’Atelier de la rue de La Condamine » 1869, « Le Déjeuner sur l’herbe » de Monet, 1865 , « Frédéric Bazille peignant à son chevalet » de Renoir, 1867, « Un Atelier aux Batignolles » de Fantin-Latour, 1870) sera, sans doute, resté tiraillé, toute sa courte vie, entre le désir de ne pas décevoir le milieu bourgeois dont il était issu et celui de prendre part à un monde artistique en pleine évolution.

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Fantin-Latour - Un atelier aux Batignolles  -  1870 (F. Bazille est debout sur la droite)

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Musée d'Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur
75007 Paris

Jusqu’au 5 Mars 2017
tous les jours sauf lundi
de 9 h 30 à 18 h

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Hélène TANNENBAUM