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Les Impressionnistes à Londres - le 27/08/2018 • 09:00 par HTa
 



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James Tissot  -   1876  - La Galerie du HMS Calcutta (Portsmouth) - © Tate Gallery London.
 




Les Impressionnistes à Londres
Artistes français en exil, 1870-1904


 

À la suite de la Tate Britain de Londres, l’hiver dernier, le Petit Palais présente une exposition sur les impressionnistes français à Londres entre 1870 et 1904.

Après le coup d’État de Napoléon III, en 1852, un certain nombre de Français avaient quitté leur patrie pour trouver refuge en Angleterre, parmi eux des artistes qui avaient formé une petite colonie française, à Londres, dans le quartier de Soho et de Leicester Square.
Puis, en 1870, lorsqu’éclata la guerre entre la France et la Prusse (guerre au cours de laquelle le peintre Frédéric Bazille perdit la vie), qui s’acheva par la défaite de Sedan et le siège de Paris, des artistes français quittèrent le pays, soit pour éviter la conscription, soit pour mettre à l’abri leur famille (aux bombardements s’ajoutèrent un hiver rigoureux et des problèmes d’approvisionnement).

Dans un contexte économique difficile, le marché des œuvres d’art était peu prospère et ils avaient peu de chance de vivre de leur art. Tous ces éléments incitèrent les artistes à partir : Monet, par exemple, quitta Paris pour la Normandie avant d’embarquer au Havre pour l’Angleterre. De même, Pissarro, dont la maison de Louveciennes avait été réquisitionnée par les Prussiens, partit pour Londres où vivait déjà une partie de sa famille.

Lorsque la paix fut signée, en 1871, donnant l’Alsace et une partie de la Lorraine aux Prussiens, cela parut insupportable aux Parisiens et lors des élections municipales, une majorité de gauche fut élue à l’Hôtel de Ville alors que l’Assemblée Nationale était composée pour les 2/3 de monarchistes ou bonapartistes. La commune de Paris prit son indépendance, des artistes comme Courbet et Dalou prirent une part active à cette Commune mais lorsqu’il fut mis fin à cette insurrection parisienne, après une semaine sanglante et l’incendie de nombreux monuments, certains artistes qui avaient soutenu la Commune, furent contraints à l’exil (comme ce fut le cas de Jules Dalou).

Pourquoi ces artistes choisirent-ils Londres ? On peut évoquer la proximité des îles britanniques ; Londres était, par ailleurs, un grand centre industriel en pleine croissance économique ; on y jouissait de la liberté de la presse et de l’expression ; il n’y avait pas de contrôle douanier. D’autre part pour ceux qui arrivaient dans les années 70, ils trouvaient sur place une communauté française déjà implantée, avec ses lieux de réunion et ses habitudes.



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Claude Monet - Leicester Square - 1901 - © Fondation Jean et Suzanne Planque

 

Le marché de l’art y était très actif et les artistes français espéraient bien profiter de cette prospérité. Ils pouvaient compter sur l’aide d’artistes arrivés avant eux et qui avaient des relations auprès de collectionneurs ou galeristes anglais. Alphonse Legros (1837-1911), par exemple, qui, pour des raisons économiques avait quitté la France en 1863, avait épousé une anglaise et s’était fait naturaliser britannique. Il avait lui-même été accueilli par des membres du mouvement préraphaélite, Rossetti et Burne-Jones, et avait pu obtenir du travail dans des écoles d’art. A son tour, il vint en aide à ses compatriotes en les introduisant auprès de marchands d’art ou de collectionneurs influents.

Par ailleurs, le marchand français, Paul Durand-Ruel avait lui aussi quitté Paris pour ouvrir à Londres, dans la prestigieuse New Bond Street, une galerie où il exposa, entre autres, les tableaux des peintres exilés, sans trop de succès, Monet et Pissarro ne vendirent aucun tableau lors de leur premier séjour à Londres.

Autre raison pour ceux qu’on appellera après 1874 les « impressionnistes » de s’installer dans la capitale anglaise, la présence de la Tamise, des parcs et du « fog » qui ne pouvaient que plaire à ces adeptes de la peinture en plein air, qui aimaient à observer la lumière changeante sur le fleuve et à représenter sur leurs toiles cette ville obscurcie par les fumées d’usine et le brouillard.



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Alfred Sisley - Vue de la Tamise, le pont de Charing Cross - 1874  -  © The Andrew Brownsword Art Foundation.
 

La plupart de ces artistes étaient désargentés et vivaient dans des appartements exigus sans atelier et c’était donc dans les parcs et sur les bords de la Tamise qu’ils plantaient leur chevalet.

Très vite, cependant, n’arrivant pas à vendre leurs œuvres et à court de moyens, ils regagnèrent la France. Pissarro, à son retour, eut la mauvaise surprise de voir sa maison de Louveciennes saccagée et ses œuvres pillées. Monet n’ayant pu vendre aucun tableau revint lui aussi très vite en France, en passant par la Hollande.

Certains des artistes « exilés » firent, contrairement aux « impressionnistes » une belle carrière en Angleterre ; ce fut le cas de James Tissot (1836-1902), un anglophile qui alla jusqu’à angliciser son prénom « Jacques-Joseph » en « James ». Il vécut onze ans à Londres et sut adapter sa peinture aux goûts des Anglais et répondre aux attentes artistiques de ses clients en représentant essentiellement la haute société britannique et en tenant compte des règles sociales de l’époque mais aussi en jetant un regard ironique sur cette société. Il en vécut très confortablement.


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James Tissot - Sur la Tamise - 1876 - © The Hepworth Wakefield Collection
 

Le sculpteur Jules Dalou (1838-1902), élève de Carpeaux, qui avait dû s’exiler après l’échec de la Commune, avait trouvé grâce à Legros du travail dans une école d’art et des mécènes pour acheter ses sculptures.


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Jules Dalou - Paysanne française allaitant son enfant -  1873 © Victoria & Albert Museum.

 

Alfred Sisley (1839-1899), aussi présent dans cette exposition, était lui de nationalité britannique même s’il vécut essentiellement en France ; il connut à Londres une situation précaire, ne parvenant pas à vendre ses toiles.

Si les peintres « impressionnistes » étaient rejetés, en France, par le Salon Officiel, ils n’eurent pas plus de succès à Londres auprès de la Royal Academy, mais certains réussirent à survivre grâce aux œuvres qu’ils vendirent dans des galeries londoniennes.


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Camille Pissarro  - Jardins de Kew, l'allée des rhododendrons  - 1892 - Collection particulière.

 

Certains d’entre eux retournèrent à Londres en peintres « reconnus » quelques années plus tard. Ce fut le cas de Pissarro auquel Durand-Ruel consacra une exposition au cours de laquelle Pissarro vendit tous ses tableaux. Monet revint à Londres, à plusieurs reprises entre 1899 et 1904 ; cette fois plus fortuné, c’est d’une chambre du Savoy Hotel qu’il peignit ses plus beaux tableaux sur les ponts de Charing Cross et de Waterloo.
C’est lors de ces séjours qu’il réalisa une série de toiles représentant le Parlement, captant, comme pour ses cathédrales de Rouen, les variations de la lumière sur la façade du bâtiment néogothique, selon le climat et l’heure de la journée. Cinq de ces toiles, venues de musées du monde entier, sont présentes au Petit Palais.


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Claude Monet  - Le Parlement de Londres, trouée de soleil dans le brouillard - 1904  - © Palais des Beaux Arts Lille.

 

L’exposition se termine sur des tableaux d’André Derain (1880-1954) qui, remarqué par Ambroise Vollard lors du Salon d’Automne de 1905, où, aux côtés de Matisse, les peintres « fauves » font scandale ; le marchand d’art décide de financer le séjour de Derain à Londres avec pour mission de rapporter des vues de Londres, en écho à celles peintes par Monet auparavant. En peignant le Parlement avec des couleurs et un style fauves, il rend hommage à Monet tout en participant au renouveau artistique.


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André Derain - Big Ben - 1906-1907 -  © Musée d'Art Moderne, Troyes
 

Londres a donc été une terre d’exil pour ces artistes dont les convictions politiques et sociales étaient très différentes mais ils s’y sont sentis unis par un sentiment de solidarité et un besoin d’entraide ; ils ont souvent pu bénéficier de la sympathie des artistes autochtones qui leur firent profiter de leurs relations.


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James Abbott McNeill Whistler -  Nocturne en bleu et argent; les lumières de Cremorne - 1872 -  © Tate Gallery London.
 

Le titre de cette exposition : « Impressionnistes à Londres.  Artistes français en exil » n’est pas vraiment justifié, on ne peut pas qualifier d’impressionnistes des artistes comme Carpeaux, Dalou, Legros, Tissot, Derain… Quant à Whistler, Sisley, De Nittis… présents au Petit Palais, ils n’étaient pas français.

Cette exposition qui réunit plus de 140 œuvres (tableaux, sculptures et photos) marque un tournant dans l’art français du XIXe siècle et montre les liens indéfectibles qui se sont tissés entre certains artistes ou entre des artistes et leurs marchands d’art. Elle est accompagnée d’un dialogue (accessible au moyen d’écouteurs) entre un journaliste britannique en mission en France et sa jeune cousine, étudiante en art à Londres, portant sur les débats artistiques de l’époque.

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PETIT PALAIS
Avenue Winston Churchill
75008 Paris
Ouvert tous les jours sauf lundi
de 10 h à 18 h
Jusqu’au 14 octobre 2018

 

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Hélène TANNENBAUM

© 9ème Histoire 2018