Milord l'Arsouille
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À PROPOS DE " MILORD L'ARSOUILLE "
Une légende tenace veut que Milord l’Arsouille, fêtard des boulevards surtout au moment du carnaval, soit Lord Henry Seymour Conway (1805-1859) demi-frère de Richard Seymour Conway, lord Beauchamp, quatrième marquis de Hertford et grand collectionneur.
Presque tous les écrits des années 1830 et ceux plus récents, reprennent cette idée. Ainsi Emile de Labédollière dans le « Nouveau Paris » : « Dans le genre carnavalesque comme en tout autre, Paris a eu ses célébrités ; mais parmi ces illustres personnages, il y en eut trois qui dépassèrent tous les autres de cent coudées : ce furent Chicard, que nous avons déjà nommé, Balochard et surtout lord Seymour. Ce dernier que les gens du peuple avaient surnommé Milord l’Arsouille se distinguait par les excentricités les plus inouïes ; lorsqu’il arrivait donc à la Courtille* avec ses équipages précédés de piqueurs, avec ses voitures marchant à la file et remplies de personnages aux costumes impossibles, le tapage redoublait, chacun était en liesse, on se portait au devant de lui ; c’était une entrée triomphale »
Les guides sur le 9e arrondissement reprennent également cette affirmation, parfois même en se trompant de « lord », et des biographies consacrées à Richard Wallace, son neveu, reprennent aussi cette fable :
« - C’est Lord Seymour, je le reconnais, hurla un quidam,
- C’est Milord l’Arsouille, c’est sa calèche, vive Milord l’Arsouille ! reprit la foule massée sur les deux côtés de la chaussée.
Derrière Henry s’entassaient dans un désordre de couleurs, des jeunes gens déguisés. D’autres s’accrochèrent à la voiture, sur les ressorts, les sièges, les marchepieds »
D’où vient cette méprise ? Il est certain que Lord Henry Seymour était un dandy, très riche, habitant au 24, boulevard des Italiens, au-dessus du Café de Paris.
Elégant et sportif, il est à l’origine du Jockey Club - « Société d’encouragement pour l’amélioration des races de chevaux en France » - fondé en 1833 et visant à mettre un terme à l’hégémonie britannique en la matière en donnant aux français le goût de l’élevage des chevaux. Douze membres en composent le bureau, une longue liste brigue l’honneur d’en faire partie, beaucoup sont refusés, Alfred de Musset en est un exemple, ou en sont exclus comme Eugène Sue. Un nouveau champ de courses est ouvert, Chantilly, car le Duc d’Aumale est favorable à cette nouveauté, son frère, Nemours, en est un des membres influents.
Henry a une cave à cigares réputée, il pratique la boxe, l’escrime et collectionne les maîtresses. Mais il s’est révolté toute sa vie contre cette méprise qui l’a fait confondre avec Milord l’Arsouille.
Le véritable Milord l’Arsouille serait Charles de la Battut qui eut une vie très brève (1806-1835). Fils naturel d’un riche anglais et d’une émigrée, reconnu par un gentilhomme breton, il tient plus de la crapule que du gentilhomme. Parlant l’argot, chapeau sur l’oreille, gilet écarlate, petite moustache, au moment du Carnaval il jette l’argent par les fenêtres et se montre en riche équipage.
Une « contre-vérité » qui dure !
* La Courtille : sur les hauteurs de Belleville, lieu de tripots et de guinguettes mal famés. Au moment du carnaval s’y formaient des cortèges descendant jusqu’aux boulevards.
La descente de la Courtille par Gustave Doré 1860.
Françoise ROBERT
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Dernière modification : 26/02/2014 • 18:27
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