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Lire les Façades

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MIEUX « LIRE » LES FAÇADES
DU QUARTIER DE LA NOUVELLE-ATH
ÈNES

Nos promenades de ce début d’année sont décidément sous le signe de la grande fraîcheur. En effet, après celle des Passages au mois de mars bravant un hiver qui refusait d’abdiquer, celle du matin du vendredi 29 avril allait se dérouler aussi dans une fraîche atmosphère de printemps peinant à arriver…

Quarante personnes se pressent cependant place Saint-Georges pour écouter Claude Mignot, président de 9ème Histoire, professeur d'histoire de l'art et d'architecture, auteur de nombreux ouvrages, dont la visite doit nous permettre de mieux lire et analyser un certain nombre de façades. Leur diversité est en effet une des richesses du quartier de la Nouvelle-Athènes.

Nulle ambition exhaustive ni historique dans le parcours concocté par notre guide d’un jour, nous emmenant de la place qui abrite la statue de Gavarni à la rue Ballu près de la place Clichy, du style néo-Renaissance au style néo-Flamand ! Claude Mignot nous explique en préambule qu’il s’agit  là de nous sensibiliser plutôt à une lecture éclairée des façades qui nous entourent, et à comprendre en quelque sorte la « grammaire » nécessaire pour mieux analyser et apprécier celles-ci.

Quel meilleur exemple que de commencer par la fameuse façade du 28, place Saint-Georges, avec la magnifique ornementation extérieure de cette construction de 1841, habile compromis entre un immeuble de rapport et un hôtel particulier, qu’habita peu de temps la marquise de Païva en 1850/1851. On a là en effet un exemple impressionnant d’un immeuble de style néo-renaissance en vogue sous la Monarchie de Juillet.

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Claude Mignot  s‘attache alors à détailler l’ordonnancement de cette façade structurée verticalement en quatre niveaux - rez-de-chaussée, deux étages et combles - et horizontalement à la manière d'un palais vénitien avec trois baies centrales en plein cintre entre deux baies latérales, présentant ainsi d'abord un portail au rez-de-chaussée en plein cintre richement  décoré, puis une belle baie au premier étage et ses niches abritant les statues représentant la Sagesse et l’Abondance, la décoration plus légère du deuxième étage, ses bustes représentant Apollon et Diane dans des niches rondes, et enfin l’entablement du dernier étage avec son architrave et ses modillons formant la corniche, traités à la mode antique.

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Après avoir détaillé longuement la fine décoration de cette façade dont les saillies sont peu développées, notre guide nous fait remarquer aussi la qualité de l’immeuble de rapport construit juste à côté en 1882, avant de redescendre jusqu’ au 52, de la rue Saint-Georges, au croisement avec la rue d’Aumale. Une autre lecture nous est alors proposée là avec un immeuble de structure assez dépouillée, s’appuyant sur un rez-de-chaussée à bossages et refends et surmonté d’une corniche avec modillons faisant transition avec l’étage supérieur où les baies des fenêtres sont coiffées par des frontons triangulaires, puis encore une simple corniche et enfin un troisième étage sans ornementation  (avec un mur « nu » donc, comme il est de coutume de qualifier ce type d’architecture).
Claude Mignot, pour évoquer cet ordonnancement à la décoration décroissante, la compare alors joliment à la structure du sonnet composé de strophes de volumes variables !   

En empruntant la rue d’Aumale, lotie à partir de 1830, majoritairement sous Louis-Philippe donc, nous nous arrêtons devant la maison où résida, au n°3, Wagner en 1860/61, et sa façade assez sobre de style vénitien, comme il en existe un certain nombre dans Paris et notamment dans le 9e.  

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Notre guide nous montre qu'il s'agit là d'un compromis similaire à celui vu place Saint-Georges, mais sur  un mode inversé : sobriété et non richesse de l'ornementation. Il nous explique, exemple à l'appui, l’organisation en travées et notamment les trois travées regroupées au centre à l’étage, typique de ce style venu d’Italie que la Monarchie de juillet avait mis au goût du jour.
Claude Mignot nous fait remarquer aussi que côté gauche la porte cochère du rez-de-chaussée surmontée d’une corniche, a été condamnée au fil du temps et remplacée par une fenêtre, l’entrée principale se faisant dorénavant par la porte de la loge côté droit!   

Un peu plus loin nous nous trouvons devant le n°8, immeuble construit par Sibert sous le second empire en 1864, présentant encore une structure identique aux palais vénitiens avec ses fameuses trois baies centrales et son ornementation croissante au fil des étages. Curieusement l’immeuble du 10, construit par le même architecte sur un mode inversé, présente des saillies plus apparentes.

En continuant sur la même rue, nous arrivons devant le n°24, imposant immeuble de rapport datant de 1894, au décor massif caractéristique de la Troisième République, avec ses frontons et grosses consoles supportant les balcons.

En face, au n°23, comment ne pas remarquer l’immeuble néo-Renaissance d’époque Monarchie de Juillet, avec son rez-de-chaussée assez sobre et son entresol orné, rythmé  par des têtes de lions à la facture un peu inhabituelle.

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Une petite halte au 19, rue de La Rochefoucauld nous renvoie  encore vers ces villas italiennes à la mode de l’époque Restauration, avec son portail monumental en plein cintre et son mur du rez-de-chaussée à bossages et refends et ici une grande arcade surmontant les fenêtres de l’étage en retrait du balcon à balustres et pour finir ce large fronton triangulaire au niveau des combles, avant d’arriver rue La Bruyère, devant l’immeuble possédé par le peintre Jean-Jacques Henner au 41, lieu où il est mort en 1905.

Immeuble également intéressant par son ordonnancement, construit à la manière d’un hôtel particulier, avec son rez-de-chaussée  à bossages plats et à l’inverse, son entresol creusé de refends entre les baies des fenêtres. Au premier étage, on retrouve ensuite ce « triplé vénitien » désormais familier, un deuxième étage  orné de balcons avant le balcon filant du troisième étage sous combles.

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Nous remontons ensuite rue Henner, pour découvrir sur une façade plate (ou nue), le style néo-rocaille du n°5 avec son décor de  coquilles Saint-Jacques ornant chacune des baies. On peut admirer un peu plus loin le décor à mascarons du n°7 avec ses belles têtes d’homme surmontant les fenêtres du rez-de-chaussée et de femmes au premier étage, bel exemple aussi de ce style d’ornementation décroissante au fil des étages.

Avant d’atteindre le terme de notre visite, nous empruntons la rue Chaptal où au n°20, Claude Mignot nous commente l’immeuble années 30 (constructions peu fréquentes dans ce quartier) construit en briques, avec un avant-corps central et un rez-de-chaussée assez massif, style que l’on rencontre dans la plupart des immeubles construits à la périphérie sur les ex-fortifications, actuels boulevards extérieurs, pour la Ville de Paris.

Notre visite allait se terminer devant l’entrée de la charmante cité Ballu, face au n° 28 et son bel hôtel particulier construit en 1891, comme le montrent les chiffres en fer inscrits en gros en haut de la façade, soit cinquante ans après celui de l’immeuble dit de la Païva, place Saint-Georges, de style néo flamand, tout à fait original ici et très rare à Paris, construit en briques et pierres de taille dont la hauteur totale, avec son lanterneau, dépassait très sensiblement les hauteurs réglementaires de l’époque ! Cette construction avait été autorisée à cause du caractère artistique du projet et de l’environnement même du quartier aux nombreux hôtels particuliers…

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La façade est divisée en deux, une aile en léger retrait au dessus du passage cocher, avec son W en placage en référence au peintre français Charles Wislin qui l'aurait habité, et une partie centrale à deux travées, décorée d'une tête sculptée en partie supérieure et de volutes de taille conséquente sur les côtés.

Une visite très instructive de près de deux heures conduite par un passionné d’architecture, qui a permis non seulement aux participants de maîtriser un peu plus un vocabulaire assez technique, mais surtout d’apprécier les grandes richesses des constructions de ce quartier, en nous incitant dorénavant à lever la tête !                           

Emmanuel FOUQUET


Date de création : 30/04/2016 • 16:39
Catégorie : - Echos du Terrain
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