L'Îlot du Faubourg Montmartre
© Alexandre Gady 2018 © 9e Histoire - 2018
Histoire d’un îlot rue du Faubourg-Montmartre
des vertus de la micro-topographie
La topographie parisienne constitue, on le sait, une des matrices de l’histoire de la ville, permettant de dévoiler sa lente formation. Nous voudrions ici en donner un exemple à partir d’une recherche consacrée à un îlot approximativement trapézoïdal, délimité à l’ouest par la rue du Faubourg-Montmartre, au sud par la rue La Fayette, à l’est par la rue Buffault, enfin au nord par la rue de Châteaudun. Sa configuration actuelle remonte aux travaux du Second Empire, mais son histoire est évidemment beaucoup plus ancienne. Notre étude constitue donc un exercice de micro-topographie qui, par ricochet, éclaire un peu l’histoire du quartier Notre-Dame-de-Lorette.
Du faubourg au centre-ville
Axe majeur du quartier, la rue du Faubourg-Montmartre est une voie qui remonte à l’époque antique. Elle constitue en effet un tronçon du chemin allant de Lutèce à la colline de Montmartre et qui s’étire sur près de 2,5 km sous trois noms différents : rue Montmartre dans le centre, puis du faubourg au-delà des limites, enfin rue des Martyrs jusqu’au sommet de la butte, où se tenait l’abbaye haute. Cet axe majeur a longtemps constitué une voie à travers champs, dès que l’on quittait les abords des Halles médiévales. Avec l’extension de Paris, elle a été lotie progressivement pour former une rue entièrement bâtie jusqu’au Cours, soit nos grands boulevards actuels, à la fin du XVIIe siècle.
fig. 1 Louis Bretez, Plan de Paris dit de Turgot, 1739, détail. Cliché A. Gady
Au-delà commençait alors le « faubourg Montmartre », vaste zone hors les murs, faisant transition entre Paris et les villages voisins. Le plan de Turgot, publié en 1739, montre que la voie est alors bâtie sur ses deux rives, mais de manière lâche et qu’elle est bordée de maisons basses, donnant en arrière sur des parcelles maraîchères en lanière (fig. 1). Des rues irriguent à l’est et à l’ouest ce fleuve extra-urbain : côté oriental se détachent ainsi la rue de la Voirie (nos actuelles rues Cadet et de Rochechouart), puis au nord la rue Notre-Dame-de-Lorette, puis Coquenard (devenue en 1848 rue Lamartine), au carrefour de la rue des Martyrs ; là se dressait la première église Notre-Dame-de-Lorette, construite au milieu du XVIIe siècle et servant de paroisse au quartier.
fig. 2 – La maison du 25 rue du Faubourg-Montmartre - Cliché A. Gady
La fin du règne de Louis XV marque le début d’une période d’urbanisation, stimulée par le comblement du grand égout de la rive droite (notre rue de Provence). Après le traité de Paris (1763), les contemporains notent la « rage de la bâtisse » qui s’empare de la capitale, tandis que le faubourg Montmartre comme ses voisins est inclus dans Paris à l’occasion de l’extension de la capitale réalisée sous Louis XVI en 1784 : la barrière d’octroi, qui était située en bas de la rue des Martyrs, est alors repoussée sur les « boulevards extérieurs », soit l’enceinte des Fermiers-Généraux. La proximité des grands boulevards, toujours très à la mode, achève de précipiter le mouvement d’urbanisation, qui profite surtout à deux quartiers encadrant le faubourg Montmartre : la Chaussée d’Antin à l’ouest, et le faubourg Poissonnière à l’est. La rue du Faubourg-Montmartre n’est cependant pas délaissée par les investisseurs : en témoignent une série de belles maisons élevées dans les années 1770-1780, comme les actuels nos 25 et 27 (fig. 2), ou encore les deux maisons de rapport encadrant l’entrée de la rue de Provence. C’est à ce même contexte qu’il faut rattacher l’ouverture en 1777 d’une voie neuve, appelée du nom d’un échevin de Paris alors en charge, Jean-Baptiste Buffault, ouverture qui accélère le lotissement du secteur en fractionnant les grandes parcelles cultivées de l’ancien temps. Bâtie dans la décennie suivante (la première maison en est élevée par le spéculateur Sanson Lenoir en 1780), cette nouvelle rue constitue la limite sud-est d’un vaste îlot triangulaire, bordé par les rues Coquenard au nord et du Faubourg-Montmartre à l’ouest.
fig. 3 . Plan des terrains et marais rue du Faubourg-Montmartre, plan de bornage de 1770. Paris, Archives nationales.
Un îlot peu bâti
Visible sur les derniers plans anciens de la capitale avant la Révolution, cet îlot était conforme à la typologie des faubourgs parisiens : des franges bâties sur les rues, où la valeur du terrain est élevée, et un cœur vide, occupé par des jardins vivriers et des marais[1] (fig. 3).
Il possédait cependant une particularité : la présence d’un cimetière. La fabrique de l’église Saint-Eustache avait en effet acquis de Sainte-Opportune un vaste terrain de « trois quartiers en marais » en 1513, pour y installer le cimetière de la paroisse. Le reste du terrain était donné en location par les marguilliers à des jardiniers. En vertu d’un bail d’avril 1769, renouvelé en 1775 et encore dix ans plus tard[2], il était loué par Jean-Martin Lecourt, maître jardinier, dont la famille restera locataire jusqu’à la fin du siècle : les baux décrivent « une pièce de terre en Marais donnant sur la grande rue du Faubourg-Montmartre, contenant 681 toises carré 5 pieds 10 pouces, petit bâtiment enclavé donnant sur la rue et un puits au fond… », où il a fait bâtir plusieurs petits édicules tandis qu’il sous-loue des parties à d’autres jardiniers. On note l’inflation des loyers, preuve de l’augmentation de la valeur foncière du quartier à la fin du siècle : de 550 livres annuelles, il passe dix ans plus tard à 2 400 !
Le plan de Jaillot, daté de 1778, montre bien le petit cimetière Saint-Eustache, dont le terrain a une pointe effilée très marquée, qui subsistera jusqu’au milieu du XIXe siècle et que recouvre l’actuelle rue de Châteaudun. Il s’accompagne d’une chapelle élevée à cette époque, dédiée à Saint-Jean Porte Latine, dont le plan est visible sur le relevé cadastral de l’îlot de Vasserot ; sa façade sur la rue, connue par une aquarelle (fig. 5) et une vue gravée à l’occasion des funérailles du général Foy en 1825, était dépouillée et seulement marquée d’un large fronton triangulaire à l’antique. La paroisse Saint-Eustache souhaitait d’ailleurs également à ce moment agrandir son cimetière, devenu trop petit, en acquérant un grand terrain voisin au nord, ouvrant rue Coquenard.
fig.4 Desjardins. Plan de la pointe nord de l’îlot, levé en juin 1789, Archives nationales.
Cet ensemble perdure jusqu’à la Révolution et on discute toujours de l’agrandissement du cimetière en juin 1789, quand a lieu une expertise pour savoir si « en changeant le terrain dont il est question et en le mettant de niveau avec le cimetière actuel, il y pourra servir aux sépultures sans nuire à la santé des riverains »[3] (fig. 4). L’opération tourne court : fermé, le cimetière est bientôt converti en jardin, loué, puis vendu en 1796 au citoyen Le Bigot, qui y demeure, tandis que la chapelle, prise en location par Dumont, lui est cédée comme « bien national » en 1797[4].
Quant au terrain loué aux Lecourt, au sud de la chapelle, désormais numéroté 788, 791 et 798, la République le conserve « en nature de marais », jusqu’à sa vente comme bien national par le bureau de la Seine le 14 prairial an IV (2 juin 1796) : il devient alors la propriété du citoyen Jean-François Reynaud, ci-devant comte de Villeverd, et de la dame Geneviève Chenot, veuve Debielle, demeurant rue de Clichy[5], moyennant 52.800 francs, somme entièrement acquittée le 22 vendémiaire an VI. Dix jours plus tard, le 24 prairial, ils en revendent la partie sud, de forme triangulaire, numérotée 798, à Claude Morel et François-Joseph Arreitter[6] ; un plan est alors levé, qui fournit la première image exacte des terrains qui nous occupent. C’est le début d’une nouvelle ère.
Spéculations et constructions
Le couple Reynaud-Debielle, qui achète conjointement, est à la base de l’histoire moderne de l’îlot. Bien connu des historiens de la Révolution, le ci-devant Villeverd (1731-1812) est issu d’une famille du Dauphiné ; né en juillet 1731 à Grenoble, il a embrassé la carrière militaire. Maréchal de camp, il devient sous Louis XVI gouverneur itinérant de la colonie de Saint-Domingue, où il possède une sucrerie importante au quartier du « Bois de Lance », « paroisse Limonade ».
Élu député de l’île aux États-Généraux, il siège à la Constituante où il défend, avec son compatriote Barnave, le maintien de l’esclavage. Après la séparation de l’assemblée, en septembre 1791, il retourne à la vie civile. C’est sans doute dans cette période que, veuf de Marie-Catherine Le Bray, il rencontre la citoyenne Chenot, elle-même veuve de Claude Debielle, sa cadette. Le couple, qui a deux enfants, Armand-Charles-François (1793-1876) et Geneviève-Laurence-Pierrette, finit par convoler en justes noces, le 29 prairial an IX[7], sous la stricte séparation de biens, présents et à venir. Le ménage réside alors au « 514, rue Buffault » : il s’agit d’une grande maison avec une belle cour que madame a achetée le 27 ventôse an III (17 mars 1795) au citoyen Cottier ; celui-ci l’avait fait bâtir à neuf sur un terrain acquis en 1792 provenant des spéculations de la famille de l’architecte juré expert Louis-Claude Boullée, père du célèbre architecte dessinateur[8].
fig. 5 Bénard, Vue de la chapelle Saint-Jean rue du Faubourg-Montmartre - aquarelle début XIXe Paris, Bibl. nat., Estampes
Quant au grand terrain acquis en l’an IV, il demeure loué et en jardin[9], mais le 17 prairial an IX (6 juin 1801), soit juste avant leur mariage, les concubins procèdent à un partage en deux lots équivalents ; et le 27 suivant, Villeverd vend la nue-propriété de sa part à son troisième enfant, Hélène, moyennant 6 000 francs. La levée du plan cadastral sous la conduite de Ph. Vasserot livre ainsi la première cartographie de cet îlot[10] et les plans du rez-de-chaussée des maisons, qui sont désormais numérotées. Le secteur fait désormais partie du 8e quartier, dit du « Faubourg Montmartre », situé dans le IIe arrondissement. L’ancien cimetière, dont la partie sur la rue est bâtie d’une maison, porte le n° 62. A côté, au 64, on trouve la chapelle Saint-Jean, rendue au culte sous le Consulat et qui sert de paroissiale, l’ancienne église Notre-Dame-de-Lorette ayant été détruite : c’est ce que montre encore le plan de l’Atlas de Paris de Perrot de 1834. Elle reste en fonction jusqu’en 1836, date de l’inauguration de l’actuelle église d’Hippolyte Le Bas, et disparaîtra dix ans plus tard au profit d’une école communale, bâtie dans le cadre de la loi Guizot.
fig. 6 Plan du terrain du 52, rue du Faubourg-Montmartre avril 1843, joint à l’acte de vente. Paris, Archives nationales.
Au sud de cet ensemble, la grande parcelle en jardin des Reynaud-Debielle porte désormais les numéros 56, 58 et 60 : des bâtiments y entourent une grande cour en rectangle. En 1812, à la mort de Reynaud, Hélène récupère l’usufruit du lot de son père. Dix ans plus tard, le 12 novembre 1822[11], elle échange ce terrain (nos 58 et 60) avec sa mère, la « comtesse de Reynaud », contre un tiers dans la maison familiale de la rue Buffault (alors n° 11), où les deux femmes vivent ensemble, Hélène étant restée célibataire.
La mort de la comtesse leur mère, puis de leur sœur Pierrette, sans héritier, en 1825 amène la réunion de la propriété dans les mains des deux aînés ; à ce moment, Armand, entré dans l’armée, est capitaine de la garde royale. Deux ans plus tard, ils reçoivent une indemnisation pour la sucrerie de leur père dans les îles, soit 108.067 francs. Ils conservent leurs terrains jusqu’à la fin des années 1830, quand ils décident de réaliser leur patrimoine. Le quartier, en effet, est en train de changer : la spéculation autour de la place Saint-Georges, le chantier de la nouvelle église Notre-Dame-de-Lorette, la mode des boulevards au sud qui ne passe pas, ont rendu les abords de la « Nouvelle Athènes » très attractifs. Les héritiers Reynaud, Hélène demeurant toujours rue Buffault et son frère aîné en Isère, au château de la Tour du Bois, découpent alors leur propriété indivise en trois lots, qui vont former les 52, 54 et 56 actuels rue du Faubourg-Montmartre ; l’opération est d’autant plus rentable que les terrains sont profonds, tenant à l’arrière aux maisons de la rue Buffault, et surtout non susceptibles d’alignement, la rue du Faubourg-Montmartre étant frappé de recul sur sa seule rive occidentale.
Ils imaginent alors un montage astucieux : le terrain le plus au nord (56) est vendu à Jean-Claude-Marie Olivier, en décembre 1836, moyennant la somme de 170.050 francs, « stipulée payable en constructions à élever sur le terrain » du 54 voisin. Mais Olivier fait faillite et ne peut honorer ses engagements : le terrain du 56 revient aux Reynaud après un jugement définitif du Tribunal de la Seine de janvier 1839. C’est donc eux qui font édifier vers 1839-1840 les deux maisons de rapport des 54 et 56 actuels « de leurs deniers personnels et sans en avoir confié aucun privilège de construction ou autre ».
Elles forment un ensemble homogène avec un plan en miroir : deux corps de logis sur la rue, doubles en profondeur, deux ailes, au sud pour le 54 et au nord pour le 56, ménageant une grande cour séparée en deux par un mur bas, enfin deux corps de logis en fond de cour, dégagés en arrière par une grande cour. Leurs façades sur rue, qui s’élèvent à toute hauteur permise, sont bâties en pierre de taille, avec entrée de porte cochère et leur élévation se termine par un étage d’attique, dit alors « en retraite », ménageant une terrasse derrière un balcon filant assez profond (2 m). Ces deux façades au dessin différent, le 56 étant plus soignée, étaient pourvues de persiennes, qui ont disparu. Sur les cours, les façades sont bâties d’une structure composite en bois et moellons, le tout enduit de plâtre de Paris, sans aucun décor à la réserve de la corniche.
Le dernier lot Reynaud, au sud, est vendu à Jean-Louis Baurens jeune, entrepreneur en bâtiment (ancien 54, actuel 52), le 4 avril 1843[12]. D’une superficie de 378 mètres carrés, ce terrain nu leur rapporte 80.000 francs, soit 211 francs du mètre carré. Plusieurs servitudes touchant deux courettes permettent d’articuler la future maison à bâtir de manière habile au 54 actuel, qui est déjà construit (fig. 6). Baurens édifie l’actuelle maison, qu’il revend, en décembre 1852, moyennant 280.000 francs, dont six mille pour les glaces[13] : la « culbute » est donc en moins de dix ans de 3,5 fois le prix du terrain, profit dont il faut cependant déduire le coût du chantier et des matériaux, que nous ignorons. Bâtie en pierre (depuis peinte), la façade de quatre travées du 52 a conservé ses persiennes et le riche décor sculpté de son passage cocher ; on remarque toujours dans l’épaisseur de la dalle du balcon du dernier étage le chronogramme « 1843 », une position haute inhabituelle pour ce type de date portée[14].
fig. 7 Charles Marville, Vue du carrefour Drouot vers le nord (à gauche, partie frappée d’alignement de la rue
du Faubourg-Montmartre ; au premier plan à droite, angle de la rue la Fayette), photographie, 1866. Paris, musée Carnavalet.
La maison du 54bis, devenue le 54 après 1860, est revendue par Armand et Hélène de Reynaud, le 30 avril 1844[15], à un marchand de couleurs, Pierre-Aimé Roche, qui demeure dans le quartier Saint-Martin, puis rue Bourdaloue, avant de s’y établir vers 1848 ; il la paye 297.000 francs. Quant au n° 56, Armand-Charles-François, désormais seul héritier, le revend finalement le 31 décembre 1855, moyennant 355.000 francs, à Madame Jannon, demeurant à Evreux[16]. Cette différence de prix s’explique sans doute par l’inflation du foncier parisien sous le Second Empire, mais aussi parce que la maison dispose d’une parcelle plus vaste en arrière, dernier reste des terrains maraîchers du faubourg.
Les grands travaux du Second Empire
Trois percements vont transfigurer le quartier en dix ans. Au nord, toute la pointe de l’îlot est détachée de sa base par l’ouverture, décidée en 1861, de la rue de Maubeuge. Plus bas, c’est le 27 août 1859 qu’un décret impérial ordonne l’ouverture d’une voie neuve qui va transformer le secteur : la rue La Fayette, long axe qui part de la rue du Faubourg-Montmartre vers le nord-est. Ce percement, qui emporte tout le bas de l’îlot triangulaire formé sous Louis XVI, avec les premières maisons impaires de la rue Buffault, y compris le n° 11, soit la maison familiale des Villeverd, frôle le lotissement des années 1840 sans le détruire : un immeuble de peu de profondeur vient se dresser contre le mitoyen sud du n° 52. Quelques années plus tard, en 1866, Charles Marville photographie ce tronçon de la rue du Faubourg-Montmartre, en se plaçant au nouveau « carrefour Drouot » (fig. 7). On aperçoit encore au nord, tout au fond, le premier immeuble de la rue Ollivier, qui dessert l’église à gauche. Ce bel ensemble néoclassique est bientôt abattu pour former le carrefour de Châteaudun, lorsqu’est décidé le prolongement de la rue du même nom. Sa partie orientale, qui rejoint la rue La Fayette, est décidée en mars 1862 et ouverte en 1867 ; le chantier provoque la mise au jour de nombreux ossements, provenant de l’ancien cimetière Saint-Eustache, ossements alors transportés aux Catacombes.
En 1868 est élevé le grand immeuble d’angle qui couture la rue du Faubourg, actuel 11, rue de Châteaudun, dû à l’architecte Louis Bernard[17], qui correspond à l’emplacement de l’ancienne chapelle Saint-Jean. La séquence des premiers numéros impairs se met en place immédiatement : Bernard construit en 1869 le n° 9, puis deux immeubles sont élevés jusqu’à la rue Buffault (nos 5 et 7). En 1870, l’îlot a donc trouvé sa configuration définitive (fig. 8).
Ce second percement haussmannien a cependant eu un impact sur le lotissement Reynaud : pour permettre à l’immeuble du 9, rue de Châteaudun un développement correct, il a fallu en effet exproprier toute la partie arrière du 56, rue du Faubourg-Montmartre en 1867 : le corps de logis du fond de la cour et le jardin sont alors sacrifiés, et en 1868 on fait une « couture » avec une travée en saillie et en pan coupé. De même, le 52 a perdu sa grande cour de fond de parcelle, écrasée pour les mêmes raisons. On mesure ici un phénomène mal connu de « l’haussmannisme » : la contraction des bâtiments existants par retranchement marginal (au lieu de démolition totale).
L’actuel îlot, qui ne conserve plus aucune maison antérieure à 1840, offre donc deux types de bâtiments : des immeubles haussmanniens le long des deux percées du Second Empire, et trois maisons de rapport de l’époque Louis-Philippe sur la rue du Faubourg-Montmartre, auxquelles s’ajoute un haut immeuble construit durant l’Entre-Deux-Guerres au 9, rue Buffault[18]. D’une histoire millénaire est né un ensemble urbain qui n’a pas deux siècles.
fig. 8. Vue actuelle des 52 à 58, rue du Faubourg Montmartre. Cliché A. Gady
Alexandre GADY
[1] Arch de Carcy, Z1J 943, 2 octobre 1770, bornage entre la fabrique Saint-Eustache et le sieur Pigeot de Carcy (un grand plan joint).
[2] Arch. nat., Min. centr., LXXXIII, 573, bail du 17 mai 1775 et LXXXIII, 631, bail du 15 novembre 1785, moyennant 2400 livres par an.
[3] Arch. nat., Z1J 11951, expertise du 19 juin 1789, avec un plan joint.
[4] H. Monin et L. Lazard, Sommier des Biens nationaux, 1920, t. I, p. 370, nos 999 et 1000.
[5] Sommier…, p. 370, n° 1001.
[6] Arch. nat., Min. centr., LXII, 730, vente moyennant 24 000 francs.
[7] Arch. nat., Min. centr., LXII, 753, 18 juin 1801.
[8] Arch. nat., Min. centr., LXII, 721.
[9] Arch. nat., Min. centr., XLVII, 475, 11 nivôse an V, transaction avec la veuve Lecourt et ses enfants.
[10] Arch. nat., F31 76, 11, îlots 13 et 14.
[11] Arch. nat., Min. centr., CXI, 501.
[12] Arch. nat., Min. centr., XLII, 906, avec un plan joint.
[13] Arch. de Paris, DQ18 339.
[14] On remarque une autre date « perchée » sur une façade au 3, rue Bourdaloue.
[15] Arch. nat., Min. centr., LXX, 1212. 250 000 fr. sont réservés aux créanciers des vendeurs.
[16] Arch. nat., Min. centr., LVI, 835.
[17] La date et sa signature sont gravées sur l’angle.
[18] Il a abrité un cinéma, l’« Action La Fayette », avec deux salles ; cinéma d’art et d’essai lancé dans les années 1960 par Jean-Michel Redon, et que remplace, depuis 1984, un supermarché.
Cet article a été publié dans le Bulletin XV - 2017 de l'association 9ème Histoire.
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