Robert Hirsch
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ROBERT HIRSCH (1925 – 2017)
C‘est un des plus grands acteurs français qui nous a quittés le 16 novembre 2017 à l’âge de 92 ans. Robert Hirsch, récompensé par six Molières et un César au cours de sa longue carrière, était acteur jusqu’au bout des ongles, admiré par ses pairs et par le public.
Il est né le 25 juillet 1925 à l’Isle-Adam (Val d’Oise) et a vécu toute sa jeunesse dans le 9e arrondissement : son père y était diamantaire et avait racheté “l’Apollo”, superbe salle de cinéma jouxtant le Casino de Paris, démolie en 1959.
La Salle de l'Apollo.
Robert Hirsch y a passé toute son enfance à voir et à revoir les grands films de la « Warner ». Il a rêvé devant Errol Flynn, Humphrey Bogart ou Bette Davis, dont il dit :
« Elle est l’instinct et l’intelligence de jeu incarnés ; il n’y a pas de demi-mesure avec elle. Qu’elle en fasse trop, bien sûr, mais quel bonheur ! Il y a tant d’acteurs qui n’en font pas assez, qui jouent dans leurs bottes »
Il se rappelle :
« Je priais le ciel pour qu’il pleuve le jeudi et que je ne sois pas obligé d’aller jouer au foot, parce qu’alors je passais la journée à l’Apollo. J’y avais une loge, tout ce qu’il fallait pour boire et manger et je m’identifiais totalement aux acteurs : je mangeais quand ils mangeaient, je prononçais leurs répliques en même temps qu’eux… » (Interview de 2013).
En 1939, la famille de Robert Hirsch étant juive se réfugie dans la Vienne à Montmorillon. À la Libération, il postule pour entrer dans le corps de ballet de l’Opéra de Paris, il est reçu. Dans le même temps, Serge Lifar, qu’il admire, est débarqué pour avoir été trop proche des milieux de la collaboration.
Quand il rejoint le théâtre, poussé par quelques amis, son passage à l’Opéra lui servira : il sait utiliser son corps avec une virtuosité époustouflante.
Le 1er septembre 1948 après avoir obtenu deux premiers prix de comédie au Conservatoire, il entre à la Comédie Française. Sociétaire en 1952, il reste au Français 25 ans, jusqu’en 1974. Les grands rôles se succèdent, Néron, Scapin, Raskolnikov, Tartuffe, Arturo Ui, le Misanthrope.
C’est dans celui de « Bouzin » d’un « Fil à la Patte » de Feydeau en 1961 qu’il atteint une forme de génie ; des années plus tard des jeunes acteurs allaient sur « Youtube » pour observer les quelques images qui en avaient été filmées.
Son interprétation devant Isabelle Adjani de « La Cigale et la Fourmi » au départ de Jacques Charon de la Comédie Française est un grand moment.
Ensuite il est au Boulevard, dans des pièces d’Harold Pinter par exemple. En 2006 « Le Gardien », extraordinaire dans le rôle de ce vieux méchant totalement odieux.
Télérama aura ce commentaire : « Véritable bête de scène, Robert Hirsch donne une coloration qu'on pourrait qualifier de "célinienne" au vieux grigou. Il est fabuleux. Face à lui, Samuel Labarthe bouleverse par la justesse d'un jeu en retrait, tandis que Cyrille Thouvenin fait preuve d'une inquiétante animalité. »
Il joue aussi du Sacha Guitry, « Une Folie » et cette fois c’est L’Express qui commentera : « Un couple d'agités consulte un psychiatre, qui ne l'est pas moins. Sensible au charme slave de madame, le bon médecin - après avoir conseillé à monsieur de prendre une maîtresse - achèvera son traitement par l'apologie du divorce. Bien que dépourvues de coeur et d'entrailles, les marionnettes mondaines de Guitry, dans leur recherche effrénée du bonheur, en deviendraient presque touchantes. Et puis, il y a Robert Hirsch: égaré, cassant, saccadé. Il réussit, par une vitalité fiévreuse, à faire décoller la pièce jusqu'à l'absurde. Mais on savait déjà qu'il avait du génie. »
Dans « Sarah » de John Murrell, il campe le secrétaire de Sarah Bernhardt à la fin de sa vie et dans les pièces de Florian Zeller, « Le Père » et « Avant de s’envoler » il est un vieillard émouvant en fin de vie.
Il disait régulièrement : « Le théâtre est ma religion » et « Hors du théâtre, je ne vis pas », puis :
« Je ne veux pas qu’on me donne un mode d’emploi pour jouer la comédie, non, non et non, l’instinct avant tout ». Les jeunes acteurs disaient que jouer avec lui constituait une expérience inoubliable.
Au cinéma, ses 13 rôles dans « Pas question le samedi » d’Alex Joffé, en 1964, remplissent d’admiration. Les plus jeunes se souviennent de lui dans « Hiver 54, l’abbé Pierre » de Denis Amar. Il est enfin bouleversant, aux côtés de Michel Bouquet, dans son dernier film « L’Antiquaire », de François Margolin, sorti en 2015.
Robert Hirsch et Claudia Cardinale dans Hiver 54, l’abbé Pierre.
Un immense acteur, parfois cabotin, capable des plus grands excès tout en restant crédible et particulièrement émouvant.
Françoise ROBERT
Sources : Le Monde du 18/11/2017 – Télérama - L’Express- Comédie Française
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