Le Central Poissonnière
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Le central téléphonique
de la rue du Faubourg Poissonnière
Aux confins des actuels 9e et 10e arrondissements, s’élève au 17 de la rue du Faubourg Poissonnière, faisant l’angle avec la rue Bergère, un vaste bâtiment qui détonne avec le reste du quartier composé presque exclusivement d’immeubles d’habitation et même d’anciens hôtels particuliers du XVIIIe siècle, côté 10e arrondissement.
Le central téléphonique - vue de l'angle de la rue Bergère & du Fg Poissonnière © EF L'entrée du central rue du Faubourg Poissonnière. © EF
On est en présence ici en effet d’un exemple intéressant d’architecture industrielle conçu au début du siècle dernier. C’est sur l’emplacement d’une partie du site du Conservatoire devenu vétuste, que François Lecoeur (1872-1934) allait construire entre 1912 et 1914 un central téléphonique, véritable manifeste des techniques nouvelles en rupture avec l’architecture administrative habituelle de la Troisième République. Ces mêmes techniques seront aussi mises en œuvre par le même architecte pour le central téléphonique de la rue du Temple et son extension de la rue des Archives et enfin pour le monumental lycée Camille Sée dans le 15e arrondissement.
Le moins que l’on puisse dire est que cette construction allait soulever à l’époque des avalanches de protestations de personnes indignées par un contraste aussi fort avec le reste du quartier !
L’architecte associe alors le béton et la brique armée avec le souci de mêler fonctionnalité et plasticité des volumes. La conception de ce bâtiment permet en l’occurrence d’intégrer sur le plan spatial deux fonctions bien différentes : celle de central téléphonique côté Bergère et celles de bureaux côté Faubourg Poissonnière.
Central téléphonique Poissonnière - Grille de fenêtre © EF Corniche avec frise mosaïque jaune et bleue. © EF
Rue Bergère, face à un immeuble construit à l’angle par l’architecte des Menus-Plaisirs, François-Joseph Bélanger en 1785 pour le trésorier des Menus-Plaisirs, Étienne Morel de Chefdeville (dont on voit encore le M intégré dans les garde-corps en fer forgé du 2e étage), on trouve en effet une façade qui rompt évidemment avec les concepts architecturaux de Bélanger … Elle joue véritablement sur la verticalité avec cette superposition de grandes verrières très lumineuses, séparées par des piles cannelées en ciment armé. Derrière se cachent sur trois étages, des grandes salles de près de 600 m2 où se trouve le cœur névralgique du central téléphonique.
Sur la rue du Faubourg Poissonnière, en revanche, la structure est bien différente : l’immeuble de bureaux s’élève sur cinq étages, en retrait d’une terrasse présente au premier étage. Il est précédé d’un porche, atteint après avoir gravi les marches du perron surmonté d’une originale coupole ovale en pavés de verre. Le pourtour de la coupole est décoré d’une mosaïque jaune et bleue. Cette mosaïque formant une frise se répète sur les corniches des deux façades de l’immeuble constituant ainsi son unité.
Coupole surmontant l'entrée du central téléphonique. © DB
Mais la véritable originalité de l’ensemble réside dans ce haut mur aveugle en briques rouges à pans coupés au carrefour des deux rues, qui fait donc le lien entre les deux fonctionnalités de l’ensemble. On y trouve plusieurs éléments décoratifs qui rompent avec l’uniformité de la brique : une grande horloge en fer forgé du sculpteur et ferronnier Szabo, ornée des signes du zodiaque pour marquer les heures (!) et de belles grilles en fer forgé protégeant les grandes fenêtres du rez-de-chaussée, présentes aussi sur les deux façades.
Central téléphonique Poissonnière - L'horloge du sculpteur Szabo - © DB
En 1919, Lecœur construira pour le compte des PTT un bureau de poste attenant, à l’angle de la rue du Conservatoire et de la rue Bergère, occupant ainsi une des anciennes cours du Conservatoire, dont l’unité avec le central téléphonique sera constituée à la fois par la même utilisation du béton armé et par la prolongation sur ce côté de la corniche en mosaïque.
Ce bureau de poste a fermé il y a peu et on ne sait ce qu’est devenue la grande salle octogonale qui accueillait le public avec sa belle coupole de verre qu’on apercevait depuis la rue. Le lieu est en effet investi maintenant par une agence financière. Le bâtiment principal a changé aussi d’affectation, mais reste toujours lié aux activités de télécommunication puisque l’important opérateur Orange y a installé désormais des bureaux.
Le passant peut cependant toujours remarquer cet ensemble très original et heureusement encore préservé, car inscrit depuis le 26 mai 1990 à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques.
Emmanuel FOUQUET
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