Betty de Rothschild
© Françoise Robert - 2020 © 9e Histoire - 2020
BETTY DE ROTHSCHILD (1805-1886)
Jean-Auguste Ingres – Portrait de la baronne James de Rothschild - 1848 - © collection particulière.
C’est l’épouse du Baron James “ le grand baron ” banquier de la rue Laffitte.
Le couple est très représentatif de la haute société de la Monarchie de Juillet, ralliée ensuite au Second Empire.
Betty a épousé son oncle, ce qui est la meilleure manière de conserver le capital dans la famille. Fille de Salomon de la maison de Vienne, elle épouse James de la maison de Paris en 1824.
« Née Betty Von Rothschild, je n’eus qu’à devenir Betty de Rothschild, ce choix du cœur et de raison m’épargna les affres d’avoir à quitter mon nom pour un nom plus illustre »
lui fait dire Pierre Assouline dans le livre “ Le Portrait “ qu’il lui a consacré.
De cette union naîtront une fille, Charlotte, et quatre garçons : Alphonse, Gustave, Edmond et Salomon, mort à 29 ans.
C’est une parfaite Rothschild venue de la “ Judengasse ” de Francfort-sur-le-Main. Polyglotte, elle parle le yiddish, l’allemand, le français, l’hébreu, l’anglais et a pris des cours de piano, de chant et de peinture !
Elle observe scrupuleusement les préceptes religieux à la différence de James « Pour le judaïsme, voyez ma femme » disait-il !
L’Hôtel Rothschild rue Laffitte © Pinterest
Ses résidences sont nombreuses, mais les plus connues sont la rue Laffitte, puis la rue St Florentin et enfin le château de Ferrières.
L'hôtel Rothschild rue St Florentin devenu le Consulat des États-Unis à Paris.
« Une maison est comme un tableau : elle doit aussi permettre à son acquéreur de s’inscrire dans la lignée de ses précédents propriétaires ».
Quand James s’est installé dans le quartier de la Chaussée d’Antin, la rue Laffitte s’appelait encore rue d’Artois. C’était l’adresse du banquier Jacques Laffitte et de la reine Hortense de Beauharnais ; plus tard ce serait celle de notre ami Jacques Offenbach, du journaliste Émile de Girardin et de Delphine Gay, ainsi que de l’aventurière Lola Montès et de quelques marchands d’art.
James commença par acheter l’hôtel du 19 en 1817 pour une somme légèrement supérieure au million de francs à un confrère à qui Fouché, duc d’Otrante, réfugié à Prague venait de le vendre. Quinze ans après, il acheta les terrains des 21, 23 et 25, devenant ainsi propriétaire d’un hôtel où vécurent le duc de Rovigo, puis les Greffulhe et d’un autre où habitait le banquier Perier. »
Cette réunion fera ce que la famille a toujours appelé « la rue Laffitte ».
Le Château de Ferrières © Mossot
Ferrières, à l’est de Paris, relié très vite par le chemin de fer, est une propriété de 5.000 hectares. Voulue par James, construite par l’anglais Paxton, c’est un mélange des genres : un peu de Renaissance, de Louvre, un peu d’Italie ! « C’est une demeure royale destinée à un empereur » disait un membre de la famille.
Lieu de grandes fêtes et de « séries », Napoléon III y fut reçu et planta un cèdre. La réception est proprement fastueuse ! Après un déjeuner rapidement expédié -1 heure 12 minutes !- une gigantesque battue a été organisée : plus de 800 faisans ont été tirés, dont 240 par l’Empereur lui-même !
Les convives ont été salués par les chœurs de l’Opéra de Paris dirigés par Rossini. Le soir venu, à l’heure du départ, c’est entre deux haies de torches que Napoléon III a quitté le château.
L’empereur a été de bout en bout des plus charmants, félicitant son hôte pour la qualité de son accueilet sa femme Betty pour la beauté de sa robe de velours violet.
Le grand hall est le lieu géométrique de tout ce qui se noue à Ferrières.
Le grand hall du Château de Ferrières © Mossot
Le salon bleu du Château de Ferrières © Mossot
Bien sûr, Betty se doit d’avoir une vie mondaine et d’être mécène. Son salon est réputé et tout ce qui compte à Paris est reçu par elle, tout en sachant que le “ faubourg ” (St Germain) est toujours sur la réserve du fait de sa judéité.
« Le salon de Betty, c’était… le rendez-vous des gens d’esprit pendant un demi-siècle, rien de moins. On y sentait un bien-être élégant dans le goût des choses tempérées. Le nom attirait par sa puissance, le prénom retenait par son charme… »
Elle y recevait, par exemple, Heinrich Heine : « il était à mes yeux le plus grand poète allemand vivant… », les Goncourt, même si elle ne se faisait aucune illusion sur leurs commentaires : « Non, vraiment, quand on sait ce qu’ils écrivent (sur nous), on se dit que leur absence à une soirée ajoute encore à la beauté des lieux ! »
H.Heine par G. Gassen 1828 - H de Balzac – Chopin daguerréotype atelier L.A. Bisson 1847.
Elle disait de Balzac « Je l’appréciais tout en étant parfaitement consciente de son intérêt à participer à nos dîners. Il s’ébrouait sans mal dans ce pêle-mêle social qu’on appelle “ société ” par excès de politesse et qui n’est jamais qu’un méli-mélo jusques et y compris là où règne l’esprit de caste. »
Rossini qui fréquente James de longue date et bien d’autres. Et Chopin : « À son premier concert, les critiques, plus shakespeariens que jamais, avaient baptisé Chopin “ l’Ariel du piano ”. Quand il n’illuminait pas mes soirées musicales, il nous donnait des cours particuliers, à ma fille Charlotte, à qui il dédia sa Ballade n°4, à ma nièce Mathilde et à moi-même ».
Les bals, parfois costumés, réunissaient souvent mille invités. « À deux cents c’était déjà l’intimité. À moins on entrait dans le registre de la sobriété… »
Des politiques sont présents également, comme Adolphe Thiers « … venait aussi ici, comment eût-il pu en être autrement puisque James gérait ses intérêts personnels, lui faisant acheter des actions du Chemin de fer de Lyon au bon moment… ».
En général quatre soirs par semaine sont réservés aux réceptions et les enfants de Louis-Philippe sont des habitués.
« Sa table, sur laquelle règne le célèbre Carême depuis 1832, est toujours l’une des plus réputées de la capitale. On y croise des figures de la vie politique ; on y sert, entre autres, une soupe de tortue apprêtée au madère, un plat que le “Tout Paris” s’empresse de copier ».
Elle est aussi philanthrope et se rappelait ce que disait ses parents « Quand on en a, il faut se faire pardonner ». Orphelinats, hôpitaux, gens dans le besoin, écoles… bénéficient de ses largesses.
Ingres peint le célèbre tableau d’elle entre 1844 et 1848. Ce tableau a suivi la famille dans ses demeures, sauf pendant la Seconde Guerre mondiale où les nazis l’avaient emmené en Allemagne. Il a été souvent prêté pour des expositions, ce qui faisait dire à Guy de Rothschild à l’Hôtel Lambert quand des invités s’inquiétaient de son absence « Tiens, Betty n’est pas là ? », « Non, elle est de sortie ! »
Une grande dame, représentante de son époque et qui a contribué à faire des “ Rothschild ” ce qu’ils sont toujours.
P. Flandrin d’après H. Flandrin - James de Rothschild – 1864 © collection particulière.
Sources :
-“ Le Portrait ”- Pierre Assouline (Gallimard – collection Folio)
-“ Les Rothschild ”- Derek Wilson (Stock)
-“ La Vie élégante ”- A.M. Fugier (Tempus)
- Charles Bocher : Mémoires.
Françoise ROBERT
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Cet article a été publié dans le Bulletin XVII- 2019 de l'association 9ème Histoire.
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