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Le Duc de Morny

© Françoise Robert - 2020 © 9e Histoire - 2020


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Le duc de Morny.

 



LE DUC DE MORNY (1811-1865)

 

Demi-frère de Napoléon III, né le 17 septembre 1811 d’Hortense de Beauharnais et de Charles de Flahaut de la Billarderie[1] -lui-même fils putatif de Talleyrand- le Duc de Morny fut l’un des hommes les plus brillants et les plus sulfureux du Second Empire.

En 1811, Hortense, reine de Hollande, est définitivement séparée de Louis[2], il ne peut donc pas y avoir une naissance… d’où cette vie qui commence dans le secret !
 


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Portrait d'Hortense de Beauharnais par François Gérard   (Domaine public)                                                                                             Portrait de Charles de Flahaut  ca 1860 © Illustrated London News - Beaucy ? - Wikipedia
 


Où est né l’enfant ? À Aix en Savoie ou, plus simplement, rue Cerutti. Des prête-noms largement payés, le sieur Auguste J.H. Demorny et L. Coralie Fleury, sont les parents pour l'état-civil. Officiellement Hortense avait un… lumbago et c’est la mère de Flahaut qui assure la garde de l’enfant.

Il fait ses études au Collège Bourbon (actuel Lycée Condorcet). A la chute du Premier Empire, Hortense est en Suisse, à Arenenberg, et Flahaut épouse une Ecossaise.
 

C’est Gabriel Delessert -banquier, puis Préfet de Police en 1836 et pair de France- qui sert de second père à « Auguste » Morny. En 1829, celui-ci a une rencontre avec sa mère à Aix-la-Chapelle organisée par Flahaut.
En 1830, il se fait appeler « Comte Auguste de Morny » et est sous-lieutenant de l’armée de Louis-Philippe, sans passion aucune pour la vie militaire.


   
JB. Ingres  -  Ferdinand-Philippe du d'Orléans  -  1848  -  © RMN musée du Louvre.
 


Il part à la conquête de Paris, loge chez son père à l’hôtel de Massa et mène grand train. C’est un des « lions » -les dandys de l’époque- et fait partie du Jockey Club. Le duc d’Orléans l’emmène en Algérie. Après quelques faits d’armes, malade et peu motivé, Morny démissionne de l’armée.
 



L'hôtel de Massa dans sa localisation actuelle 38, rue du Faubourg-Saint-Jacques.
 

Sa rencontre avec Fanny Le Hon, vers 1833, oriente le cours de sa vie : femme influente, épouse de l’ambassadeur de Belgique et fille de Mosselman, propriétaire de mines ; Fanny est une amie d’Hortense.
 

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       La comtesse Fanny Le Hon © Palais Fesch                                                                      Portrait de la famille Mosselman en son hôtel Récamier (rue de la Chaussée d'Antin) - 1814 - Ch. Boulanger de Boisfrémont.
 


Avec l’appui des Delessert, Morny se lance dans l’industrie sucrière. Il achète une raffinerie et représente les professionnels du sucre dans les négociations avec le gouvernement. En outre, il investit dans la Société des Mines et Fonderies du père de Fanny,  François-Dominique Mosselman.

Ce que Morny vise à présent, c’est le pouvoir ! Il se présente aux élections de 1842. Élu député de Clermont-Ferrand, il ne fait pas de vagues et se range dans le camp de Guizot. Réélu en 1846, il témoigne de la sympathie au développement d’un réseau ferré, se rapproche des Pereire et se lie avec des gens sulfureux comme le Dr Véron. Entremetteur en tout, en filles, en articles de journaux, en réputations politiques, celui-ci est l’homme indispensable ! En 1848, Morny est riche : tableaux de maîtres, écurie de course (casaque rose), armoiries (un hortensia), un hôtel particulier au Rond-Point des Champs Elysées, des femmes…

Les révolutions grondent. À Paris, devant le refus de gouvernement d’autoriser une grande manifestation en faveur des réformes, deux jours d’émeutes suffisent pour faire tomber le régime. La République est proclamée et un gouvernement provisoire constitué, avec, entre autres, la participation de Lamartine, Arago, Ledru Rollin… En février 1848, Louis-Philippe s’enfuit en catastrophe. Au bout de quelques mois, désillusion et répression, le général Cavaignac fait tirer sur la foule.
 


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Le général Louis-Eugène Cavaignac. © Encyclopédie Larousse.
 


Morny hésite : républicain, légitimiste ? Il n’a pas encore songé au bonapartisme ! Louis-Napoléon est alors élu député dans quinze départements et le 4 novembre 1848 une Constitution est votée : le président de la République sera élu au suffrage universel pour 4 ans sans réélection possible. Louis-Napoléon est élu le 10 décembre à une majorité écrasante… Louis-Philippe avait imprudemment laissé se développer le « mythe » de la grandeur de l’Empire en le favorisant indirectement par le retour des cendres, en 1840,  escortées par le prince de Joinville.

Aucun contact cependant avant janvier 1849 entre les demi-frères, Louis-Napoléon et Morny. Ils ne se connaissent pas, savent quels sont les liens qui les unissent, mais il y a beaucoup de méfiance de part et d’autre. Leur première entrevue date de janvier 1851 et c’est sympathie et affection qui s’installent dans leurs relations !
 



Portraits de Louis-Napoléon Bonaparte et de Morny jeunes.
 

Les rapports entre le Prince-Président et l’Assemblée sont difficiles et l’idée d’un coup d’État fait son chemin. Toute son organisation sera l’œuvre de Morny. Le 2 décembre 1851, les « conjurés » -St Amand, ministre de la Guerre, Persigny, Maupas, préfet de Police…- sont réunis à l’Élysée autour de Morny et du Prince-Président. « Messieurs, n’oubliez pas que nous jouons tous ici notre peau » dit Morny : arrestation du ministre de l’Intérieur, 78 arrêtés dont Thiers, suffrage universel rétabli et le Corps Législatif votera les lois.

Morny gère les opposants de gauche, dont Victor Hugo, Baudin, Arago… et laisse s’ériger des barricades pour mieux écraser l’ennemi ensuite (c’est le cas pour la mort d’Alphonse Baudin sur les barricades) le 3 et le 4 décembre au cours de la répression : « tout individu pris construisant ou défendant une barricade, ou les armes à la main, sera fusillé ». 209 morts dit la Préfecture de Police, 1/3 en plus vraisemblablement, surtout sur les boulevards.
 


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Le député Alphonse Baudin sur les barricades. - Louis Ernest Pichio  -  © Musée Carnavalet.
 


Son intervention aurait dû servir Morny mais c’est l’inverse qui se produit : jalousies, méfiance, notamment entre Persigny et lui mais également de la part de Louis-Napoléon. « Son coup fait, il veut régner seul » dit Fanny Le Hon. Désabusé Morny est au Corps Législatif et s’occupe de gérer ses affaires.

Le 30 janvier 1853, le mariage de l’Empereur avec Eugénie le remet en selle. Il devient président du Corps Législatif en 1854. Nommé ambassadeur extraordinaire en Russie, afin de calmer les suites de la guerre de Crimée, il assiste au couronnement d’Alexandre II et se marie avec Sophie Troubetskoï. Elle est dame d’honneur de l’Impératrice et 30 ans les séparent…
 


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F.X. Winterhalter  -  La Duchesse de Morny, Princesse Sophie Troubetzkoï  - 1863  -  © Château de Compiègne.
 


Il reste un an en Russie en attendant que grâce à l’intercession de Napoléon III, « les choses se tassent » et que les relations s’apaisent avec Fanny Le Hon. Morny et Fanny avaient eu une fille Louise qui épousera Stanislas Poniatowski ancêtre de Michel Poniatowski, ministre des gouvernements Messmer, Chirac et Barre.  

Quatre enfants naîtront de cette union avec Sophie -deux garçons et deux filles, dont “Missy“ qui deviendra l’égérie scandaleuse de Colette- mais il collectionnera toujours autant de maîtresses et on lui attribuera plusieurs enfants illégitimes, par exemple Feydeau !
 

Morny est favorable à la libéralisation du régime mais hostile à l’unité italienne qui entraîne la guerre contre l’Autriche. En compagnie d’Émile Ollivier, il s’achemine sur la voie d’un Empire constitutionnel comprenant des ministres responsables devant le Parlement et des députés ayant l’initiative des lois.

Élevé au titre de “Duc“ par l’Empereur en 1862, il crée l’Hippodrome de Longchamp, lance Deauville et contribue intensément à la fondation du Vésinet. Cependant la maladie le frappe à partir de 1864 -probablement une pancréatite, mal inconnu à cette époque- et il décède le 12 mars 1865 à 54 ans. Très affecté par sa disparition Napoléon III fera célébrer ses funérailles officielles à la Madeleine.
 


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Les obsèques du duc de Morny à l'église de La Madeleine. Gravure Godefroy-Durand © Collection Viollet
 


Sa veuve, d’abord très touchée et éplorée, à la découverte d’une boîte contenant de nombreuses photos osées de ses maîtresses, se remariera dès 1869 avec un noble espagnol, Jose Osorio y Silva, duc de Sesto.


 

Personnage romanesque, Alphonse Daudet l’a d’ailleurs dépeint dans son roman “Le Nabab”, le duc de Morny a été l’un des hommes les plus influents et brillants, sans scrupules, aux relations innombrables. Il a par-dessus tout été l’un des personnages les plus représentatifs du Second Empire.

 


Françoise ROBERT
 

Sources : J.M. Rouart – Morny Un voluptueux au pouvoir – Gallimard
 


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Portrait du duc de Morny et portrait de Napoléon III par J.H. Flandrin 1861 © RMN Grand Palais.
 

 
[1] Aide de camp du Maréchal Berthier après avoir servi dans la cavalerie de Murat.
[2] Elle habite rue Cerutti, actuelle rue Laffitte, où est né le futur Napoléon III.

© Françoise Robert - 2020 © 9e Histoire - 2020


Date de création : 02/10/2020 • 10:20
Catégorie : - Articles-Personnages
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