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Offenbach ses quartiers du 9 ème

Jacques OFFENBACH (1819-1880),

ses quartiers du 9e et alentours.

par Michel Guët

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Offenbach par Nadar

De son arrivée à Paris en 1833 à son décès en 1880, le violoncelliste et compositeur n'a, sauf quelques exceptions, quasiment jamais quitté nos quartiers.

Dès 1824, les secteurs des Martyrs et Saint-Georges sont en construction. Hormis quelques cabarets et bâtiments du XVIIIe siècle, la rue des Martyrs est encore celle d'un faubourg qui, à l'origine, reliait Lutèce au Mont Mercure ou à celui de Mars et sera un lieu de pèlerinage sur les traces de saint Denis. Ancien domaine des Abbesses de Montmartre, le paysage et l'environnement restent semi-campagnards, parsemés de vergers et de jardins. La construction de l'église Notre-Dame-de-Lorette, épicentre de ces nouveaux quartiers, se termine en 1836. Jakob en verra l'achèvement.

 En 1833, il a 14 ans et arrive à Paris accompagné de son frère Julius et de son père Isaac. D'abord hébergé brièvement dans une annexe du Consistoire du 17, rue Notre-Dame-de-Nazareth, il habite ensuite un petit espace mansardé dans la cour du 23, rue des Martyrs.

Là et aux alentours, le style architectural de la période Louis-Philippe reste sobre. Son compatriote Heinrich Heine demeure deux immeubles plus bas, de 1838 à 1840. Une petite colonie allemande existe dans ce quartier.

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Cour du 23 rue des Martyrs à la fin du XIXe siècle

Cette portion de quartier dit des Porcherons n'est pas encore le 9e arrondissement et se situe alors dans le Bas-Montmartre au Nord du 2e arrondissement de Paris.

Jakob qui dispose comme tout patrimoine de son violoncelle est présenté par son père au directeur du Conservatoire de Musique, Luigi Cherubini, qui malgré son hostilité aux étrangers, l'accepte comme simple "auditeur" à l'institution de la rue du Faubourg-Poissonnière. Il y restera une année. Afin d'affirmer son intégration, il change son prénom Jakob en Jacques.

Ses talents de musicien lui permettent de travailler à l'orchestre de l'Opéra-Comique, situé à proximité des Grands Boulevards. En 1838, la critique le baptise "le Liszt du violoncelle", car il est réellement un virtuose de cet instrument.

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le jeune Offenbach par Alexandre Laemlein 1850

En 1842, il met en musique cinq fables de la Fontaine, prouvant ainsi qu'il a su s'imprégner de l'esprit français et de sa culture. De nombreux salons parisiens de la monarchie de Juillet sont actifs dans le secteur de la Nouvelle Athènes comme dans le reste de nos quartiers en descendant vers les Grands Boulevards. Ce sont des lieux où se côtoient artistes et bonne société. Jacques Offenbach y déploie sa virtuosité en se produisant là avec brio. 

Il fait alors la connaissance d'Herminie d'Alcain, pour laquelle il compose la romance A toi. Le couple (Herminie à 17 ans et lui 25 ans), se fiance en 1843 et Jacques, pour se marier, se convertit au catholicisme puis est baptisé, à l’église Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle, treize jours avant de se marier à l'église Saint-Roch. La cérémonie civile a lieu le 14 août 1844, à la Mairie du 2e arrondissement. De cette union vont naître quatre filles et un garçon. En 1844, le jeune couple s'installe au 25, passage Saulnier et leur domicile devient un salon recherché. La tradition qu’ils établissent du salon du « vendredi » se prolonge au 11, rue Laffitte où la famille déménage pour plus d'espace.

Les passages Verdeau et Jouffroy, construits en 1845 et inaugurés en 1847, reliant la rue du Faubourg-Montmartre aux Grands Boulevards puis, dans le prolongement, à l'entrée du Théâtre des Variétés et au passage des Panoramas, sont évidemment empruntés comme raccourci agréable par Jacques Offenbach.

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Le théâtre des Variétés en 1900

Un peu plus loin, un autre passage, celui nommé Choiseul le conduit là au théâtre des Bouffes Parisiens.

En 1847, il présente son premier ouvrage lyrique L'Alcôve à la salle du théâtre (aujourd'hui disparue) du 22, rue de La Tour d'Auvergne. Malgré ses succès dans les salons en qualité de violoncelliste virtuose, Jacques souhaite s'engager dans une carrière de compositeur d’opéras.

Lors de la révolution de 1848, il rejoint Cologne mais revient avec sa famille à Paris quelques mois plus tard en 1849. Louis Napoléon-Bonaparte est alors devenu Président de la République.

Dans cette partie de la rive droite parisienne, qui deviendra en 1860 le 9e arrondissement, Jacques Offenbach rencontre ses confrères musiciens et compositeurs qui y demeurent : Frédéric Chopin, Franz Liszt, Fromental Halévy, Gioacchino Rossini, Georges Bizet, Léo Delibes, César Franck, Charles Gounod, Hector Berlioz (qui s’avérera lui un critique musical éreintant à son encontre) … Des amitiés, de l'indifférence, voire des inimitiés naissent, avec aussi quelques collaborations.

Cette concentration de talents s'explique par la proximité du Conservatoire Royal puis Impérial et National de musique, et aussi par la proximité de l'Opéra, d'abord situé au 12, rue Le Peletier jusqu'à sa destruction par incendie en 1873, puis place de l'Opéra, pour celui de Charles Garnier. Toujours dans ce même périmètre géographique, se trouvent, à l'époque de Jacques Offenbach, la fabrique de pianos de Camille Pleyel et sa salle de concert des 22 et 24, rue de Rochechouart ouverte depuis peu, la fabrique de saxophones d'Adolphe Sax au 50, rue Saint-Georges et les ateliers du facteur d'orgues Cavaillé-Coll non loin de l'église Notre-Dame-de-Lorette.

Des illustrateurs et caricaturistes célèbres comme Honoré Daumier, André Gill, Gustave Doré, Gavarni, demeurent tous à proximité de la butte ou dans ce ”Bas-Montmartre” et s’emploient à dessiner et caricaturer Offenbach, souvent de façon incisive.

Jacques connaît très bien les grands photographes de cette époque qui eux aussi sont des proches du quartier qu’il s’agisse de Nadar ou d'Etienne Carjat, ces derniers étant aussi des caricaturistes reconnus. L'un et l'autre "tireront le portait" du musicien.

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Caricature d’Offenbach par Nadar et Riou

Tous travaillent pour la presse si présente dans cet arrondissement, c’est le cas du journal Le Figaro situé rue Drouot dont le directeur, Hippolyte de Villemessant, est un ami proche qui va jouer un rôle important dans la notoriété du musicien.

Autre voisin du quartier, le romancier Guy de Maupassant, parfois en visite à Etretat, sera reçu à la villa familiale baptisée Orphée qu’Offenbach possède là-bas et qu’il avait acquise avec les gains procurés justement par cette œuvre.

Prosper Mérimée, Alfred de Musset, Henri Meilhac, habitués des salons et des boulevards, deviennent librettistes des œuvres du répertoire Offenbachien, tout comme Ludovic Halévy (cousin de Geneviève Bizet), qui réside lui, dès 1867, au 22, rue de Douai, dans le même immeuble que Georges Bizet.

Celui que l'on va appeler le ”Mozart des Champs-Elysées” ouvre en 1855 son propre théâtre, celui des Bouffes Parisiens et créé un nouveau genre de spectacle, l'opérette puis l'opéra-Bouffe.

Naturalisé français en 1860 par Napoléon III, Offenbach reçoit l'année suivante la Légion d'honneur.

Comble de la consécration, et de la reconnaissance qu‘il connaît désormais, on le retrouve au centre d'un tableau d’Édouard Manet de 1862 intitulé La Musique aux Tuileries ainsi que sur un tableau d'André Gill de 1880 nommé Panorama du boulevard Montmartre.

Panorama du boulevard, par André Gill

Offenbach, précédé par Hortense Schneider, se trouve en bas au milieu du tableau

En 1864, création et succès de La Belle Hélène au Théâtre des Variétés du boulevard Montmartre. Dans son roman Nana, Emile Zola brosse un portrait acide de l'atmosphère du théâtre, que l'on retrouve aussi plus tôt dans le roman d’Alexandre Dumas (fils), La Dame aux Camélias (encore deux écrivains voisins d'Offenbach). A cette époque, aux places d'orchestre du théâtre s'étalait la fine fleur du dandysme encore en vogue sur les boulevards.

En 1867, année de l'Exposition Universelle de Paris, est créée au théâtre des Variétés La Grande duchesse de Gerolstein, interprétée par la cantatrice Hortense Schneider, qui connaît un énorme et triomphal succès. Le compositeur s'incline d’ailleurs souvent devant les exigences de l'actrice qui, dans la vie privée, s’identifie beaucoup à son rôle de duchesse capricieuse …

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Hortense Schneider

Offenbach monopolise alors les scènes du Second Empire. Lors de cette même année 1867, il va ainsi triompher avec La vie Parisienne.

Avec l'avènement de Napoléon III, Offenbach met en musique ce Second Empire, sa société et la vie des boulevards avec ironie et aussi dérision car dès le début des années 1850, le sud de l’arrondissement connaît une brutale métamorphose liée aux travaux haussmanniens qui ne s'achèveront que sous la IIIe République.

Après le spectacle, les artistes, dont Offenbach, et la bonne bourgeoisie, vont se retrouver dans des brasseries des boulevards Montmartre ou des Italiens, comme le café Tortoni, ou la Maison Dorée. L'actuel restaurant le Petit Riche au 25, rue Le Peletier en reste une évocation, rare institution ayant su préserver son décor du XIXe siècle.

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Restaurant Le Petit Riche

La guerre franco-prussienne (1870-1871), créée un climat délétère et Offenbach se voit attaqué de toutes parts, il est même soupçonné ici d'être ”un espion de Bismarck” et en Allemagne on le considère comme ”traître” avec sa musique frivole voire décadente. Malgré son ineffaçable accent allemand, il est pourtant devenu un indéfectible Français de cœur.

En 1875, sa fille Mina se marie en l'église Notre-Dame-de-Lorette. Offenbach compose spécialement une musique pour cette cérémonie. Après plus de quinze ans passés avec sa famille au 11, rue Laffitte de 1857 à 1873, il est chassé par les urbanistes qui percent le boulevard Haussmann. C’est au 3e étage du n°8 du boulevard des Capucines, qu’Offenbach occupe avec Herminie, un luxueux logement de dix pièces dès 1877. L'immeuble s'inscrit parfaitement dans une scénographie urbaine où l'Opéra, (inauguré en 1875), domine comme dans un décor de théâtre... Il y meurt le 5 octobre 1880 à l’âge de 61 ans d'une crise cardiaque.

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Plaque de l’immeuble du 8 boulevard des Capucines

Les obsèques se déroulent en l'église de la Madeleine. Le cortège se met en marche, et traverse le 9e arrondissement en suivant les boulevards de la Madeleine, des Capucines, des Italiens, Montmartre, Poissonnière, la rue du Faubourg-Poissonnière, la rue Papillon, la rue La Fayette, la rue de Châteaudun, la rue Blanche et le boulevard de Clichy pour rejoindre le cimetière Montmartre.

Offenbach est alors enterré dans une des allées de la 9edivision. Offenbach retrouve dans la paix de cet endroit d'autres ex-compatriotes comme l'architecte rhénan Franz-Christian Gau, Jacques Hittorf ou l'écrivain Heinrich Heine. Sa tombe est ornée d'un buste à son effigie où l'on retrouve son regard malicieux, et le même buste du sculpteur Jules Franceschi est placé dans le hall du théâtre des Bouffes Parisiens.

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Buste d’Offenbach au cimetière Montmartre

En 1881, quatre mois après sa disparition, Jacques Offenbach triomphe enfin à l'Opéra-comique avec son œuvre Les Contes d'Hoffmann.

Herminie Offenbach qui demeure alors chez sa fille au 33, rue de Mogador, décède en 1887 et ses obsèques se déroulent en l'église de la Sainte-Trinité le 21 avril suivant.

Plus de deux cents ans après sa naissance, il est sans doute temps d'en finir avec ce cliché caricatural d'amuseur du Second Empire enfermé sur le seul territoire de nos Boulevards.

 Faut-il rappeler que le French Cancan est né à partir du Galop infernal (danse du chahut cancan), composé en 1858, extrait d'Orphée aux enfers (illustré aussi par une gravure de Gustave Doré). Une vingtaine d'années après le décès du compositeur, on trouve toujours cette musique endiablée accompagnant les danseuses, véritable attraction sur les scènes des cabarets de l'Elysée-Montmartre puis du Moulin rouge à la Belle Epoque, qui connaîtra ensuite un véritable succès international.

Offenbach, fait partie de ces rares compositeurs qui ont vu leurs partitions jouées et appréciées par le grand public. Son œuvre n'a jamais perdu de sa fraicheur et occupe toujours une place de choix au sein des théâtres lyriques. Pourtant on ne retient qu'une infime partie de son répertoire, dont les plus connus : Orphée aux EnfersLa Vie Parisienne, La Grande Duchesse de GerolsteinLes Contes d'Hoffmann... éclipsent les plus de cent-dix œuvres scéniques et un nombre impressionnant de morceaux de musique, environ 600, comprenant des pages pour violoncelle, piano et violoncelle, des ouvertures, de la musique concertante, de la musique sacrée dont celle composée pour le mariage de ses filles, des Ave Maria, Agnus Dei, etc...

Offenbach meurt quelques mois avant la première des Contes d’Hoffmann, opéra qui lui apportera la reconnaissance à laquelle il aspirait tant, l’un des opéras français les plus joués de nos jours.

L'illustre compositeur, figure centrale de la vie musicale dans ce milieu du XIXe, nous lègue donc un joyeux tableau de la vie Parisienne et de nos Boulevards.

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Affiche d’Orphée aux enfers

Alors qu’il était en tournée à New-York, le maestro saisi de nostalgie, avait écrit : « Ah ! mon joli Paris, mon cher boulevard, mon adorable théâtre » ... Le plus français des musiciens allemands et le plus allemand des musiciens français, a été en effet dès 1833 fidèle à notre quartier jusqu'à sa disparition en 1880.

Un timbre-poste à son effigie a même été émis en France en 1981 et une voie du 16e arrondissement porte son nom. Dans le 9e arrondissement des plaques ont été apposées sur les façades des immeubles du 8, boulevard des Capucines, du 25, rue Saulnier et du 23, rue des Martyrs. Il aurait été difficile d'en poser une au 11, rue Laffitte, l'immeuble n'existant plus.


 


© 9ème Histoire - 2023


Date de création : 07/04/2023 • 18:41
Catégorie : - Echos du Terrain
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