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Aventures du saxophone et du 9ème arrondissement

L’aventure du

SAXOPHONE

dans le 9e arrondissement

par Michel Güet

Adolphe Sax : Près de Pigalle, dans le bas-Montmartre, le n°6 de la rue Lallier et le n° 11 de la rue Viollet-le-Duc sont les derniers domiciles d’Adolphe Sax (Antoine-Joseph Sax né le 6 novembre 1814 à Dinant, dans l'actuelle Belgique).

Avant ces dernières adresses, il demeure au 39 rue de Dunkerque, et au 56 rue Laffitte.

Sax est l’inventeur des cuivres, saxhorns et du saxophone. L’invention du saxophone sera brevetée à Paris le 21 mars 1846.

En 1855, Adolphe Sax remporte la Grande Médaille d’Honneur à l’Exposition Universelle de Paris.

En 1857, L’inventeur-musicien est nommé professeur de saxophone au Conservatoire de Paris (dans l’actuel 9e), poste qu’il occupe jusqu’en 1870. Il devient également organisateur et directeur de la fanfare de l’Opéra de Paris.

Toujours dans ce même arrondissement, il dispose d’un atelier au 22 rue Milton ainsi qu’au 51 rue Blanche et au 84 rue Myrha dans le 18e.

Au n° 50 de la rue Neuve Saint-Georges se trouve, dès 1843 et jusqu'en 1878, la fabrique du facteur d’instruments à vent et la salle de concert d’Adolphe Sax. Les frères Goncourt habitent dans l'immeuble en face rue Saint Georges. Jules affaibli par la maladie ne supporte pas les séances de répétition des instruments. Ils déménagent.

Vingt mille instruments sortiront de ces ateliers entre 1843 et 1860.

Une image contenant laiton, bronze, saxo, intérieur

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Saxophone de 1867.

Les établissements Selmer prendront la suite de la fabrication des instruments en s’installant à proximité, à Montmartre place Dancourt, actuelle place Charles Dullin.

Aujourd’hui, la boutique de la Maison du Saxophone et l’atelier ”Sax Machine”, avec sa vitrine peuplée de rutilants saxophones, sont comme un clin d’œil à l’inventeur. Boutique située au n°46 rue de la Rochefoucauld, au cœur du 9e arrondissement, de plus en face du lieu où habite Sidney Bechet jusqu’en 1928.

Une image contenant musique, instrument de musique, laiton, cuivre

Description générée automatiquement

Vitrine de la Maison du Saxophone.

Ce n’est pas parce que le saxophone est fabriqué en laiton (mélange de cuivre et de zinc) ou en argent qu’il appartient à la famille des cuivres !

En effet, le saxophone se classe parmi les instruments à vent de la famille des bois, et ce parce que son bec possède une anche simple, soit une petite lamelle qui sous l’effet de l’air expiré par le musicien, vibre et produit ainsi du son.

Car le saxo, comme le surnomment affectueusement les musiciens, n’est pas né avec le jazz. Il est apparu au XIXe siècle et son créateur voulait d’ailleurs en faire un grand instrument de l’orchestre.

Hector Berlioz, compositeur, chef d'orchestre, mais aussi critique musical au "Journal des Débats", a, le 12 juin 1842, fait l’éloge de cet instrument. « C’est plein, moelleux, vibrant, d’une force énorme et susceptible d’être adouci » : ce sont les mots choisis par le compositeur pour décrire le son du saxophone.

Il écrit encore au sujet de l’instrument :" « Ces nouvelles voix données à l’orchestre possèdent des qualités rares et précieuses ». […] Aucun autre instrument de musique existant ne possède cette curieuse sonorité placée sur la limite du silence "

Il compose dès 1844 la toute première œuvre comportant un saxophone baryton, "Chant sacré ou Hymne sacré pour sextuor à vent".

Le grand musicien habite fidèlement nos quartiers et décède au n°4 de la rue de Calais en 1869.

Georges Bizet, enfant du quartier né en 1838 rue de la Tour d'Auvergne, et demeure plus tard 22 rue de Douai. Il utilise aussi le saxophone pour sa musique de scène, précisément dans la farandole du deuxième mouvement de L'Arlésienne, extraite du livret d'Alphonse Daudet.

Cette œuvre de 1872 comprend un des premiers grands solos pour saxophone alto. C'est incontestablement une des œuvres pour saxophone parmi les plus célèbres du XIXe siècle...

César Franck, musicien compositeur et aussi compatriote belge d'Adolphe Sax et voisin du 9eme, Avec son épouse, il réside rue La Bruyère puis rue Blanche. De plus, il est organiste en l'église Notre-Dame-de-Lorette, et représente les orgues Cavaillé-Coll.

Il compose une ”Sonate en La Majeur : pour Saxophone alto et Piano”, et utilise quatre saxophones dans l'opéra "Hulda" en 1885.

Les trois musiciens/compositeurs cités demeurent dans le même quartier entre Pigalle, Saint-Georges et la Nlle Athènes. Ils entretiennent des relations professionnelles et aussi amicales avec Monsieur Adolphe Sax.

Au XXe siècle :

* L’intérêt pour le saxophone ne diminue pas et inspire encore des musiciens classiques.

Avant sa disparition, Claude Debussy compose la ”Rapsodie pour orchestre et saxophone” qui sera jouée en 1919.

Maurice Ravel

Dans son célèbre ”Boléro” créé le 22 novembre 1928 à l'Opéra Garnier, Maurice Ravel (autre enfant du quartier où il arrive bébé en 1875) laisse une place de choix dans sa composition aux saxophones soprano et ténor.

Les compositeurs Germaine Tailleferre, qui demeure au n°8 de la rue Hippolyte Lebas, et Arthur Honegger, au 71 Boulevard de Clichy, sont avec Darius Milhaud, membres dans les années 1920 du Groupe des Six (ils se retrouvent au n° 5 de la rue Paul Escudier). Milhaud s’intéresse au saxophone et compose en 1923 ”La création du Monde”.

Darius Milhaud

 

Même s'il n'est pas directement dans cette zone géographique, nous pouvons aussi indiquer Sergueï Prokofiev, qui dans son célèbre ballet composé en 1935 ”Roméo et Juliette” met pleinement en valeur l’instrument.

* Cependant, il faut attendre et avancer dans ce XXe siècle pour que le saxophone sorte complétement de l’ombre et acquière ses lettres de noblesse. Dès 1923, l'instrument sera utilisé dans la musique qui se joue dans les clubs et boîtes de nos quartiers du 9e arrondissement.

Règne alors une nouvelle forme de musique, le Jazz… L'épicentre de cette expression musicale se trouve alors entre les rues Pigalle, Chaptal, Fontaine et Notre-Dame-de-Lorette. Pendant cette période nommée les Années Folles, l’Art Déco et le Surréalisme s’exposent avec en fond sonore ces nouveaux rythmes.

Très vite, les jazzmen comprennent les infinies possibilités de cet instrument. Ce sont eux qui donnent raison à Adolphe Sax, en utilisant son invention pour écrire définitivement une nouvelle et géniale page de l’histoire de la musique populaire et par conséquent de la musique moderne !

En France, il faut attendre l’année 1942 pour que s’ouvre enfin au Conservatoire National de Paris une classe consacrée au saxophone.

Trois des plus grands saxophonistes de jazz américains de l’entre-deux guerres joueront abondamment dans le 9eme : Sidney Bechet, sopraniste (qui demeure au 37 rue de la Rochefoucauld, et accompagne Joséphine Baker dans ses revues), Coleman Hawkins et Benny Carter.

Sidney Bechet

Coleman Hawkins

Benny Carter

Tout aussi influents furent Johnny Hodges, Lester Young, Charlie Parker, John Coltrane, Sonny Rollins, Stan Getz, et bien d’autres talentueux musiciens, dont deux Français André Ekyan et Alix Combelle, saxophoniste ténor qui a longtemps résidé au n°7 de la rue Duperré, proche de Django Reinhardt mais aussi de Stéphane Grappelli.

M. Sax finira sa vie dans un certain dénuement, sans malheureusement avoir eu le temps de connaître l’incroyable épopée qui sera celle du saxophone au XXe siècle et continuera au XXIe...

Il décède d’une pneumonie, au n°16 de la rue Frochot, le 7 février 1894, à l'âge de 79 ans, en pensant probablement que le saxophone ne deviendrait jamais un instrument célèbre et populaire. Il est inhumé au cimetière Montmartre à la 5e division, avenue Montebello.

Merci Monsieur Adolphe Sax d'avoir permis, à ce son « doux et moelleux », comme le disait déjà Berlioz, de nous avoir si joyeusement accompagnés musicalement jusqu'à notre époque.

Une plaque posée sur la façade du n°50 de la rue Saint-Georges, très alteré est devenue pratiquement illisible. Sa rénovation est prévue, en accord avec les établissements Selmer, mais se heurte aux sinuosités administratives depuis bientôt deux ans. Gageons que Monsieur Sax patientera encore une fois…

Juin 2023. Michel Güet.


Date de création : 01/08/2023 • 11:45
Catégorie : - Articles-Musiciens
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