Visite de l'hôtel de la PAÏVA
Visite de l’Hôtel de la Païva
le 30 septembre 2023
par Hélène Tannenbaum
Une vingtaine d’adhérents de 9 ème Histoire se sont retrouvés au 25, avenue des Champs-Elysées, le samedi 30 septembre pour la première visite prévue en ce dernier trimestre de l’année, la visite de l’Hôtel de La Païva. Impossible de dissocier celle qui fut la propriétaire du lieu et y vécut de 1865 à 1877, année où elle dut fuir la France, et le lieu lui-même.
Esther Lachmann, célèbre courtisane plus connue sous le nom de La Païva, issue d’une famille d’un milieu très modeste (son père était tisserand) est née dans le ghetto juif de Moscou en 1819. Mariée par ses parents à un tailleur français, Antoine François Villoing, elle donne naissance à un fils mais bien décidée à changer de condition et à réussir dans la vie, elle quitte mari et enfant et traverse l’Europe pour rejoindre Paris où elle s’installe dans le quartier des Lorettes et se livre à la prostitution pour survivre.
En 1840, elle rencontre le pianiste Henri Herz qu’elle épouse (et dont elle aura une fille), devenant ainsi bigame. Il lui fait connaître les célébrités de l’époque (Liszt, Chopin, Wagner, Gautier…). Herz amené à partir aux Etats-Unis pour des concerts, Esther, reste seule à Paris et dilapide la fortune de son mari et est chassée par sa belle-famille ; elle se réfugie un temps à Londres avant de regagner Paris où son premier mari essaie de la reconquérir avant de mourir en 1849. Esther se sépare de Herz et épouse un noble portugais, le marquis de Païva qui l’installe dans un bel hôtel particulier de la place Saint-Georges.
Ayant atteint son premier but, acquérir un titre de noblesse, elle se sépare aussitôt de son mari portugais et devient, en 1852, la maîtresse du cousin du Chancelier Bismarck, le comte Guido Henckel von Donnersmarck, homme très fortuné qui lui fait construire un hôtel particulier sur les Champs-Elysées. Il faudra dix ans pour en achever la construction (1856-1866) et il en coûtera 10 000 000 de francs or. Son architecte, Pierre Manguin (1815-1869) s’inspirera de la Renaissance italienne, très à la mode à cette époque.
Le mariage d’Esther avec le marquis de Païva une fois annulé, elle épousera Donnersmarck, devenant ainsi « comtesse », mais après la guerre franco-prussienne de 1870, se mêlant de politique, Esther sera soupçonnée d’espionnage et devra quitter son hôtel des Champs-Elysées ainsi que Paris pour se réfugier au château de Neudeck, en Silésie. Elle y meurt en 1884.
Elle reste, avant l’heure, l’incarnation d’une « self-made woman » pour laquelle tous les moyens sont bons pour réussir ; on pouvait parler d’elle en bien ou en mal, l’important c’était qu’on parle d’elle. Ainsi, lors de ses « salons littéraires du mardi » où elle faisait concurrence à la Princesse Mathilde, elle n’hésitait pas à convier les frères Goncourt dont elle connaissait pourtant bien l’esprit et la réputation.
C’est grâce au Travellers’ Club, installé dans cet hôtel depuis 1903, que l’Hôtel de La Païva a échappé à la destruction, contrairement à la plupart des hôtels bâtis sur les Champs-Elysées qui, eux, ont disparu au cours du XX e s.
Lors de la fuite de ses occupants en 1877, une partie des meubles a été transférée au château de Neudeck et le reste a été vendu aux enchères. Si le mobilier actuel n’est pas d’origine, par contre le décor est resté inchangé.
© Daniel Bureau
© Daniel Bureau
Esther et son mari avaient fait appel aux plus célèbres artistes de l’époque ; ainsi le plafond du grand salon (« Le Jour pourchassant la Nuit ») est de Paul Baudry, un des décorateurs de l’Opéra Garnier ; certaines sculptures sont d’Albert-Ernest Carrier-Belleuse et de Jules Dalou ; des décors peints sont en partie de Jean-Léon Gérôme.
© Helene Tannenbaum
La richesse du décor et des matériaux utilisés est frappante et on est, dès l’entrée, éblouis par l’escalier en onyx jaune d’Algérie et ses statues en marbre.
© Daniel Bureau
La Païva qui avait un sens certain de la personnalité, s’est fait représenter dans de nombreuses peintures et sculptures de l’hôtel sous la forme d’un personnage historique ou mythologique.
Si les salons restent les pièces les plus luxueuses, la salle de bains de style mauresque avec sa baignoire en onyx blanc recouvrant une cuve en bronze argenté et alimentée par trois robinets en bronze doré (eau froide, eau chaude, lait d’ânesse ou champagne ?) est remarquable ainsi que son plafond à pointes de diamants.
Après avoir remercié la conférencière pour sa belle présentation du lieu et de ses habitants, nous quittons avec nostalgie cet hôtel aujourd’hui silencieux mais qui a dû connaître des fêtes éblouissantes et beaucoup d’animation.
© 9ème Histoire - 2023 © Helene Tannenbaum
Catégorie : - Echos du Terrain
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