MISSIAK ET MÉLINÉE MANOUCHIAN
MISSIAK ET MÉLINÉE MANOUCHIAN
Article proposé par : Françoise Robert
A la veille de l’entrée au Panthéon le 21 février 2024 de Missiak et Mélinée Manouchian, on peut rappeler que leur parcours de résistants a souvent été en relation avec le 9e arrondissement.
Né en 1906 en Arménie, après que sa famille a été décimée par les Turcs, Missiak transite au Liban et avec un passeport Nansen ( document qui existe depuis 1922 pour les réfugiés apatrides), arrive en France en 1924.
Depuis Marseille, il gagne Paris et adhère au Parti Communiste dont le siège sera situé à partir de 1937 carrefour Châteaudun (actuelle place Kossuth).
En 1926, Mélinée, née en 1913 à Constantinople, venue de Thessalonique également avec un passeport Nansen, s’installe à Belleville et adhère aussi au parti en 1934.
Manouchian et Mélinée se marient au début de 1936 et vivent, entre autres arrondissements, dans le 14e, rue des Plantes. Ils se seraient rencontrés rue Bourdaloue (voir article d’Ariane Chemin dans Le Monde ) et ont fondé ensemble en 1934 l’Union Populaire Franco-Arménienne.
Manouchian fait partie de la section MOE (Main d’œuvre Étrangère) du PC devenue un peu plus tard au cours des années 30 la MOI (Main d’œuvre Immigrée).
Manouchian enchaîne les petits « boulots » et perfectionne son français. Il écrit des poèmes, en traduit en arménien et suit des cours en Sorbonne.
En 1941, quand l’Allemagne attaque l’URSS, c’est le début de la véritable entrée en résistance des communistes, regroupés dans les FTP (Francs-Tireurs et Partisans).
Structurés en deux branches, FTPF (Francs-Tireurs et Partisans Français) et FTP-MOI, les FTP sont placés sous le commandement de Joseph Epstein, alias « Colonel Gilles », et la responsabilité militaire des FTP-MOI est assurée par Boris Holban. En février 1943, à la suite de dissensions stratégiques entre Boris Holban et la direction du Parti Communiste devenu alors Parti Communiste Français (PCF), celui-ci est écarté du commandement militaire et remplacé par Manouchian.
Autour de Missiak Manouchian, presque tous les combattants sont des juifs d’Europe centrale, quelques-uns espagnols, italiens ou français fuyant le STO (Service du Travail Obligatoire).
Leurs actions sont diverses : confection d’explosifs, pose de bombes, lutte contre les fourreurs juifs qui travaillent pour la Wehrmacht, déraillements de trains, attentats contre les troupes allemandes et des officiers de haut rang (en particulier l’exécution du Colonel SS Ritter) … Mais les pertes dans leurs rangs sont importantes.
De nombreuses arrestations suivent, en général par dénonciations, à la suite de filatures et d’interrogatoires de suspects, arrestations qui sont le plus souvent conclues par la mort ou la déportation, en particulier à Auschwitz. Les fusillés sont légion, notamment au Mont Valérien qui recensera plus de 1 000 exécutions de 1942 à 1944.
En 1943, à la suite d’une attaque rue La Fayette d’un convoyeur de fonds allemand qui tourne mal, 67 résistants sont arrêtés au cours de l’été et de l’automne, dont Manouchian, le 16 novembre.
Emprisonnés à Fresnes, condamnés à mort le 19 février 1944 par un tribunal allemand au cours d’un procès qui se déroule à l’Hôtel Continental, vingt-deux hommes du groupe Manouchian sont fusillés le 21 février au Mont Valérien. Olga Bancic, la seule femme du groupe Manouchian, sera décapitée en Allemagne en mai 1944.
Entre temps, tirée à 15 000 exemplaires, l’Affiche Rouge est placardée sur les murs de Paris et de plusieurs grandes villes. Réalisée par les soins de la propagande allemande, cette affiche présente 10 des 23 membres du groupe qui doivent effrayer les Français, indique Annette Wieviorka en rappelant le commentaire de ce document :
« Tous sont étrangers. Aucun n’est d’origine française. Leur tête est hirsute. Le sadisme juif s’y étale dans l’œil torve, les oreilles en chou-fleur, les lèvres épaisses et pendantes, la chevelure crépue et filasse, l’attitude malsaine. Crasse physique et mentale. » …
… « Voici la preuve :
Si des français pillent, volent sabotent et tuent :
Ce sont toujours des étrangers qui les commandent
Ce sont toujours les chômeurs et les criminels qui les exécutent
Ce sont toujours les juifs qui les inspirent
C’est l’armée du crime contre la France. »
Aragon en fera un beau poème et Léo Ferré une chanson à succès.
Mélinée Manouchian, elle, s’est réfugiée auprès de la mère de Charles Aznavour 22, rue de Navarin et a pu ainsi échapper à une arrestation. Trompée par la propagande soviétique, elle partira en 1947 en Arménie, à Erevan, où elle résidera jusqu’en 1962. Elle rentre, avec difficulté, au moment où Khrouchtchev dénonce la politique stalinienne.
Mélinée meurt en 1989 à Fleury-Mérogis où elle vivait avec sa sœur Armène et repose avec Missiak au cimetière d’Ivry.
Sources :
- Annette Wieviorka Anatomie de l’Affiche Rouge (Ed. Seuil Libelle),
- Le Monde du 9 février 2024
«Sur les traces de Missak et Mélinée Manouchian
©2024 Françoise Robert
Catégorie : - Personnages
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