Max JACOB
MAX JACOB (1876-1944)
Portrait de Max Jacob 1934 - Carl van Vechten – Library of Congress
Max Jacob est un poète et peintre connu de la période de « l’entre-deux guerres », mais si son souvenir subsiste c’est surtout à cause de sa fin tragique en 1944 pendant la seconde guerre mondiale.
Il naît dans une famille juive de Quimper en 1876 et très vite s’affirme comme artiste doué en dessin, écrit quelques articles de critique d’art et suit les cours de l’Académie Julian.
« Monté » à Paris, il fait la connaissance de Picasso en 1901. C’est lui qui parlera du Bateau-Lavoir , lieu de création à Montmartre ! Daniel-Henry Kahn-weiler, marchand d’art du 28, rue Vignon (découvreur de Picasso et à l’origine du mot Cubisme) essaie de lui placer quelques huiles sans grand succès.
Une « bande » d’artistes se forme autour d’eux : Guillaume Apollinaire, Marie Laurencin, Georges Braque par exemple. Picasso habite alors 11, boulevard de Clichy avec Fernande Olivier et Max Jacob est un visiteur assidu.
C’est un homme agréable, boute-en-train plein d’esprit qui se consacre alors à la poésie, à écrire des textes qui formeront Le Cornet à dés, et qui publie des articles en tant que critique d’art dans Le Moniteur des Arts.
Exemple de poème humoristique en prose de Max Jacob publié dans le Cornet à dés :
LE CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE
« A l'endroit où Alger fait pressentir Constantinople, les épaulettes d'or ne furent plus que des branches d'acacia ou réciproquement. La mode est aux grappes de raisin en celluloïd, les dames les pendent en bijoux partout. Un cheval ayant mangé les boucles d'oreilles d'une de mes belles amies est mort empoisonné, le carmin de son museau et la fuchsine du jus de la treille composant un poison mortel ».
Dès 1909 sa vie est bouleversée par sa conversion progressive au catholicisme et il a une vision :
« Il y avait quelqu’un sur le mur ! Il y avait quelqu’un, il y avait quelqu’un sur la tapisserie rouge. Ma chair est tombée par terre. J’ai été déshabillé par la foudre ».
Max Jacob - Fêtes de Quimper 1925 – Gouache
Musée des Beaux-Arts de Quimper
En 1915, il se fait baptiser. A la suite de sa rencontre en 1916 avec Jean Cocteau et après son implantation à Montparnasse, il retrouve son envie de peindre des gouaches (il parle de ses petites « gouacheries »).
Max Jacob - Vieux quartier de Paris – vers 1930
Musée des Beaux-Arts de Quimper
Dès 1921, Max Jacob se rapproche de tout un cénacle : Marcel Jouhandeau, Jacques-Émile Blanche… et fait de fréquents séjours à l’abbaye bénédictine de Fleury à Saint-Benoît-sur-Loire. Ce haut lieu de pèlerinage lui a été recommandé par un ami, l’abbé Weill, et il y goûte la « paix de l’âme ». Il dira : « Au lieu de femme, un jour j’avais rencontré Dieu. »
Jacob loge chez l’habitant et mène une vie parfaitement réglée quoiqu’avec plusieurs retours à Paris où il retombe dans ses aventures homosexuelles. A partir de 1936, il vit définitivement à Saint-Benoît-sur-Loire et se dépeint ainsi :
« Je suis un petit vieux bonhomme chauve, coquet, aimable, très raide au fond, très catholique, torturé par les péchés, buveur, bien portant, gaffeur, susceptible, astrologue assez bête, amoureux, aimant les petites gens et ne fréquentant, hélas, que les grands »
.
Pendant la guerre, Max Jacob s’est inscrit à Montargis en 1942 en tant que juif et porte l’étoile jaune. Il sert la messe mais est surveillé. L’attitude de Max Jacob est celle d’un homme qui attend le martyre ; de nombreux habitants de Saint-Benoît, des frères de l’abbaye et le maire de la ville lui avaient proposé de le cacher ou de le faire passer en zone libre, toute proche. Une succession d’arrestations dans sa famille l’affecte terriblement et le 24 février 1944, il est à son tour arrêté chez sa logeuse Madame Persillard, il a 67 ans.
Emprisonné d’abord à Orléans puis au camp de Drancy, Max Jacob doit faire partie du convoi n°69 du 7 mars qui part pour Auschwitz. De nombreux artistes, surtout Cocteau, se démènent pour le faire sortir de là. Il faut cependant souligner le peu d’empressement de Picasso : « Ce n’est pas la peine de faire quoi que ce soit, Max est un lutin. Il n’a pas besoin de nous pour s’envoler de sa prison ».
Cité de la Muette à Drancy en 2024 – C. Robert
L’aménagement de la cité HLM a été terminé après la guerre et les appartements loués en raison de la crise du logement qui sévissait à cette époque.
Max Jacob est très malade, sa santé a toujours été fragile, et une pneumonie l’achève à Drancy. Il meurt le 5 mars 1944 et est enterré à Ivry après une messe discrète à l’église Saint-Roch à l’initiative de Misia Sert.
En 1949, sa dépouille est transférée à Saint-Benoît selon sa volonté : « Je demande à être enterré religieusement aussi humblement que possible dans le cimetière de Saint-Benoît-sur-Loire »
Max Jacob était un artiste complet, probablement passé à la postérité en raison de son destin tragique, exemple du juif converti et malgré cela, mort en 1944 parce que juif. Il aurait dit en mourant : « Juif, sale juif ».
Tour-Porche de l’Abbaye de Fleury de Saint-Benoît-sur-Loire –
Manfred Heyde – Wikimedia.
Sources :
- Mathyeu Le Bal, Montparnasse, quand Paris éclairait le monde, © 2022, Albin Michel
- Lina Lachgar, Arrestation et mort de Max Jacob, © 2017, Éditions de la Différence
© 9ème histoire 2025
Catégorie : - Articles-Artistes
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