L'Hôtel de Soubise
L'HÔTEL DE SOUBISE, UN ÉCRIN PRINCIER
Nous étions vingt-neuf au rendez-vous, 60 rue des Francs-Bourgeois, mercredi 8 avril 2015, par un après-midi particulièrement ensoleillé.
L’hôtel de Soubise, affecté aux Archives nationales depuis 1808, a succédé à deux précédents hôtels, celui du connétable Olivier de Clisson (fin du 14e siècle) et celui de la puissante famille de Guise.
Il faut se déplacer rue des Archives (ancienne rue du Chaume) pour entrer par la porte fortifiée qui, avec ses deux tourelles, constitue le seul vestige de l'hôtel construit à partir de 1371 par Olivier de Clisson sur des terrains acquis à l'extérieur des remparts de Philippe Auguste.
En 1553, l'Hôtel de Clisson est acquis par François de Lorraine, duc de Guise et sa femme Anne d’Este, petite-fille de Louis XII qui chargent l’Italien, Francesco Primaticcio, dit Le Primatice, de le remanier. De cette époque on peut encore voir les baies en plein cintre ouvrant sur le côté nord de la chapelle. Lors des guerres de religion, l'hôtel de Guise deviendra le quartier général de la Ligue.
Au 17e siècle, l'hôtel devient avec Marie de Guise un lieu de réceptions et de fêtes « royales ». Marie de Guise meurt en 1688, sans enfant. En 1700, l'hôtel de Guise est vendu à François de Rohan-Soubise et à son épouse Anne chabot de Rohan. Le prince doit une partie de son immense fortune aux sommes que Louis XIV lui a allouées, en considération de ses services rendus… comme mari complaisant.
François de Rohan-Soubise et sa femme choisissent alors comme architecte Pierre-Alexis Delamair. Leur fils, Armand-Gaston-Maximilien (qui serait en réalité le fils de Louis XIV), prince-évêque de Strasbourg et futur Cardinal de Rohan, fait construire son propre hôtel, l'hôtel de Strasbourg, par le même architecte sur le terrain contigu à celui de ses parents.
Afin de donner au palais une entrée digne du statut princier des nouveaux propriétaires, Delamair construit à l’emplacement d'un terrain qui servait de manège du temps des Guise, une cour d'honneur à colonnade ouvrant par une demi-lune (pour la manœuvre des carrosses) sur l'actuelle rue des Francs-Bourgeois. Il change en même temps l'orientation de l'hôtel en plaquant une nouvelle façade de style classique contre l'ancienne aile sud et demande à Robert le Lorrain de l'orner de statues, notamment celles représentant les quatre saisons sur la façade au premier étage.
En 1712, le prince Hercule Mériadec de Rohan-Soubise hérite du palais. En 1732, à l'occasion de son remariage avec Marie-Sophie de Courcillon, jeune veuve de dix-neuf ans, il demande à l’architecte Germain Boffrand de rénover les appartements de l’hôtel. Celui-ci crée un pavillon ovale permettant l'articulation avec les appartements privés de l'aile nord. Boffrand va s'entourer des meilleurs artistes de son temps, parmi lesquels François Boucher, Charles Natoire et Carle van Loo pour réaliser un magnifique décor de style rocaille.
La décoration des appartements du rez-de-chaussée, habités par un prince âgé de soixante-trois ans, célèbre les vertus guerrières des Rohan, tandis que celle des appartements du premier étage rend hommage à la beauté et à la culture d’une jeune princesse de dix-neuf ans.
Les appartements du prince
On entre dans l'hôtel par un vestibule qui n’a gardé que peu d'éléments du décor original. La seconde pièce, une antichambre, sert de salle d'exposition. On pénètre ensuite dans la chambre d'apparat du prince. Les bas-reliefs des médaillons ornant les lambris, dus à Jean-Baptiste II Le Moine et à Lambert-Sigisbert Adam, sont remarquables. Des motifs héraldiques ornent la corniche. La porte sous tenture de l'alcôve donne accès au petit cabinet des livres. La chasse et La pêche de Boucher ornent les médaillons de chaque côté.
Dans le salon du prince construit et aménagé par Boffrand à partir de 1735, huit grands bas-reliefs représentent des allégories des sciences et des arts. Après avoir été affectée aux archives, puis à l'école des Chartes, cette salle est devenue une infirmerie sous la Commune. La restauration a été entreprise à partir des années 1960, à l'aide des dessins tracés par Boffrand retrouvés sous les boiseries.
Les appartements de la princesse
Pour accéder aux appartements de la princesse au premier étage, on emprunte l’escalier d’honneur reconstruit en 1844 pour relier le vestibule de l'hôtel aux Grands Dépôts. La peinture du plafond, œuvre de Félix Jobbé-Duval (1877-1881) représente « La France arrachant ses archives à la nuit des temps ». Cet escalier a malheureusement remplacé celui que Paolo Brunetti avait orné, au XVIIIe siècle, d'un magnifique trompe-l'œil.
En haut de l'escalier, on accède à la salle des gardes qui, depuis 1970, accueille les expositions temporaires des Archives nationales. On entre ensuite dans la salle d'assemblée qui a conservé dans les angles la décoration des Quatre parties du monde (moulage de la corniche). Les vitrines en bois noirci, spécialement conçues pour l'inauguration du musée en 1867, présentent aujourd’hui des fac-similés de grands documents de l'histoire de France.
La pièce suivante est la chambre d'apparat de la princesse, telle qu'elle fut à l’origine, conçue sur le modèle de Versailles, pour la jeune Marie-Sophie de Courcillon. Les médaillons dorés des lambris et ceux des angles de la corniche sont consacrés aux amours de Jupiter.
On entre ensuite dans le salon de la princesse, chef-d’œuvre de Germain Boffrand. Il occupe le premier étage du pavillon construit en 1735, au-dessus de celui du prince dont il se distingue par un décor encore plus fastueux. Orné de boiseries rehaussées d'or, il est décoré de huit peintures consacrées au mythe de Psyché, exécutées par Natoire.
La petite chambre à coucher de la princesse, où elle dormait effectivement, communique avec le salon par une porte dissimulée dans la boiserie et avec la chambre de parade par une porte sous tenture. Les quatre dessus-de-porte proviennent des appartements des enfants du prince aujourd'hui détruits: L'amitié de Castor et Pollux, van Loo, 1738, Le Symbole du Secret, Restout, 1737, Mercure donnant des leçons à l'Amour, Boucher, 1737, Les Caractères de Théophraste, ou la Sincérité, de Trémolières, 1737. Sont également placés sur les murs plusieurs autres dessus de porte de Boucher, van Loo et Restout, provenant des mêmes appartements.
L’ancienne salle du Dais de la princesse a conservé sa corniche armoriée de macle et d'hermine avec les chiffres R.S. (Rohan-Soubise). Le plafond des deux fenêtres porte également la macle d'où sortent deux branches de laurier et de chêne.
Un grand merci à Aline Boutillon. Dans un magnifique décor dont elle détenait manifestement toutes les clés, elle nous a conté avec rigueur et passion - et humour aussi, l’histoire et l’élévation de la puissante Maison de Soubise et comment l’architecture et la décoration furent élevés au rang d’arts politiques.
Sine macula macta
Mes macles sont sans tache
Didier CHAGNAS
Catégorie : - Echos du Terrain
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