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Tabarin - avril 2019


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Elie-Anatole Pavil  -  Etude pour mon tableau au Tabarin  -  1901  -  © Pocok FA - Fort Lauderdale.
 



Il était une fois Tabarin…

 


Quarante-huit heures après la terrible catastrophe survenue à Notre-Dame de Paris, évoquée en début de conférence par Emmanuel Fouquet, une assistance nombreuse est venue salle du Conseil de la mairie pour écouter Anne-Marie Sandrini évoquer l’aventure du Bal Tabarin dont son père a été propriétaire entre 1928 et 1949.
 

C’est l’origine du nom Tabarin dont il est d’abord question. Le personnage a en effet réellement existé en tant que bateleur au temps d’Henri IV, de son vrai nom Antoine Girard, qui installait son estrade place Dauphine pour haranguer les passants, vêtu d’une sorte de cape le « tabar ». Ses propos étaient qualifiés de « tabarinades » pour leur caractère assez pamphlétaire ! On dit même qu’il aurait influencé La Fontaine et Molière …
 


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Antoine Girard - Tabarin © Gallica
 


Anne-Marie Sandrini parle alors des tout débuts du Bal Tabarin à la fin du XIXe avec d’abord la création en 1895, au 58, rue Pigalle, des Tréteaux de Tabarin dont Fursy, alias Henri Dreyfus (sans rapport avec Alfred Dreyfus) était le grand animateur en tant que chansonnier. Résidant rue des Martyrs puis rue Clauzel, il crée alors son propre cabaret La Boite à Fursy.
 


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          Fursy en 1902                                                                            Auguste Bosc          
     

Puis le compositeur et chef d’orchestre Auguste Bosc emprunte le nom de Tabarin pour créer non loin, le Bal Tabarin au 36, rue Victor Massé. Celui-ci inaugure en effet le 20 décembre 1904 un nouveau lieu avec sa belle façade Art Nouveau à la corniche incurvée (dont s’inspirera d’ailleurs Léon Volterra près d’une vingtaine d’années plus tard pour la rénovation de la façade du Casino de Paris).  La salle est très vite à la mode et des soirées endiablées s’y déroulent avec des bals costumés, des bals de trottins, animées aussi par des concours aussi distingués que celui des « plus beaux mollets de Montmartre » ou encore du « plus gros postérieur » (!), comme le montrent des illustrations sélectionnées par notre conférencière.
 


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Le Bal Tabarin
 


On peut également observer sur les photos et les enregistrements de l’époque que la salle possédait une mezzanine, dominant l’orchestre et la scène. Fut là créée une nouvelle danse, la tabarinette (!) réservée aux femmes, ainsi que la croupionette, mais on pouvait aussi assister à des combats de lutte féminine, assez chorégraphiés cependant, et plus étrange encore, à des courses de rats sur une sorte de ratodrome ! On trouvait enfin là des demi-mondaines qui attiraient leurs clients au Restaurant Lajunie faisant l’angle avec la rue Pigalle à côté … 
 

En 1915, suite à l’incendie et à la fermeture provisoire du Moulin Rouge, le French cancan (expression tirée des mots chahut et boucan) et ses fameuses « cancaneuses » (La Goulue, Grille d’égout, Nini Patte en l’air, …) descendent au au Bal Tabarin. On ne donne pas alors là dans la grande finesse d’exécution !

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Anonyme  -  Ouverture du Bal Tabarin - 1910  -  © Sotheby's
 

Puis Anne-Marie Sandrini nous fait entendre un des airs composés par Auguste Bosc, la Marche des petits Pierrots, imitant des chants d’oiseaux. Bosc avait aussi la spécialité d’introduire dans sa musique des klaxons et même des coups de revolver !

Après quelques ennuis avec la censure, Bosc va finir par vendre son établissement en 1928 à Pierre Sandrini. Sa fille nous parle alors de son père, lui-même fils de la grande danseuse étoile de l’Opéra, Emma Sandrini.  Entré à huit ans à l’école de danse de l’Opéra, il ne fera pas cependant carrière mais s’orientera plutôt vers la direction artistique. À l’époque du rachat du Bal Tabarin, il était ainsi déjà directeur artistique du Moulin Rouge où il est l'un des créateurs du cancan.


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Edouard Debat-Ponsan - Madame Emma Sandrini Ballet de la Maladetta - 1902.
 


Ce nouvel établissement à peine racheté, il va d’ailleurs proposer une version du cancan plus dérivé du style classique avec des danseuses ayant cette formation. Anne-Marie Sandrini nous explique en effet que les danseuses du French cancan pouvaient lever la jambe à la hauteur de la tête, chose interdite évidemment à L’Opéra… Pierre Sandrini, âgé de 45 ans, finira par épouser en 1938 une de ses danseuses, la jeune Andrée Rapo dite Dédée.

Celui-ci va entreprendre dès son arrivée de grands travaux en transformant la salle de fond en comble, supprimant la décoration Art nouveau et surtout installant une machinerie permettant de faire monter depuis les sous-sols les décors pour les revues à grand spectacle. La scène est mobile : tournante, descendante ou montante selon les mises en scène.

Avec son ami Marcel Bergé il va monter alors des revues inspirées de celles que ce dernier a pu voir à Broadway. Notre conférencière montre la fameuse affiche de Paul Colin créée en 1929 où on devine trois danseuses, Joséphine Baker dansant le Charleston, une autre le French cancan et la troisième la célèbre danseuse La Argentina, exécutant une danse espagnole.
 


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Ce sont ensuite un certain nombre de maquettes de superbes costumes de scène qu’Anne-Marie Sandrini possède que nous avons l’occasion de découvrir, signées par Romain de Tirtoff, plus connu sous le nom d’Erté, lui-même inspiré par les costumes de Bakst pour les Ballets russes et par Diaghilev.

Nous avons aussi la chance de voir des extraits de films très rares des spectacles montés par Pierre Sandrini et notamment un film de 1935 qu’Anne Marie Sandrini commente : « Les fastes de l’univers », ou encore des images filmées des revues de 1939 « Le paradis perdu » et « Le paradis retrouvé ». Ces scènes à la grande richesse visuelle montrant la répétition de figures répétitives et saccadées illustrent bien l’influence sur la création artistique des nouveaux modes de production industrielle robotisés apparus en Union Soviétique ou aussi aux États-Unis, et qu’avaient utilisés également Fritz Lang dans Metropolis, en 1927 et Charlie Chaplin dans Les Temps modernes, en 1936. Notre conférencière nous révèle également que Jacques Tati a fait ses débuts au Bal Tabarin en 1938 dont il parle dans un documentaire des années cinquante. Anne Marie Sandrini rapporte alors ce mot amusant mais aussi révélateur des obligations d’un créateur de revues qu’était Pierre Sandrini : « Pour que l'argent rentre par la porte, il faut savoir le jeter par la fenêtre !»  

Notre conférencière ne s’appesantit pas cependant pas sur les années d’occupation où comme beaucoup de cabarets parisiens, le Bal Tabarin est fréquenté par de nombreux officiers allemands, alors que dans le même temps Pierre Sandrini s’efforce de protéger aussi ses employées juives.
 

Anne-Marie Sandrini ne s'étend pas non plus sur la triste fin de ce haut lieu, avec d’abord la mort dans un accident de voiture de Pierre Sandrini en 1949. Malgré la reprise de la direction par sa mère Andrée Rapo, le rachat de la salle en 1953 par les propriétaires du Moulin Rouge provoque alors de fait la fin de l’établissement, ceux-ci voulaient ainsi tuer un concurrent gênant ! 
Le lieu terminera sous la pioche des démolisseurs en 1966, remplacé depuis par un immeuble sans grâce aucune....

 


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Anne-Marie Sandrini donnant un cours à de jeunes danseuses.
 


Une bien belle et passionnante conférence avec beaucoup d’anecdotes racontées par Anne-Marie Sandrini, finissant par évoquer rapidement son propre parcours lors de ses remerciements, face à une assistance nombreuse et composée notamment de quelques anciens professeurs de danse qu’elle a pu côtoyer dans sa carrière.

Mais ce pourrait être, là encore, le sujet d’une autre conférence !  

 




Emmanuel FOUQUET
 


 


© 9ème Histoire - 2019


Date de création : 18/04/2019 • 22:00
Dernière modification : 18/04/2019 • 22:11
Catégorie : - Echos du Terrain
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