du 9ème arrondissement au prix Albert Londres
Du 9e arrondissement au prix Albert Londres
© Emmanuel Fouquet © 9e Histoire - 2023
Portrait d’Albert Londres
Pour la neuvième et dernière conférence 9ème Histoire de l’année, Hervé Brusini, ancien journaliste, ex-rédacteur en chef du journal de 20h de France 2 et actuel président du prix Albert Londres, est venu mercredi 13 décembre pour parler de la vie d’Albert Londres (1884-1932) après avoir dévoilé, le matin même, une plaque pour commémorer la présence de 1906 à 1914, du célèbre reporter journaliste originaire de Vichy, au 55 de la rue Rodier, après avoir aussi séjourné en 1903 à l’hôtel de l’Univers de la cité Bergère.
Hervé Brusini commence par nous confier qu’ont été découverts il y a peu des nouveaux documents sur la vie du journaliste. Ainsi on apprend que père en 1904 à 20 ans d’une petite Florise, son épouse étant décédée un an plus tard, il se voit obligé de confier l’enfant à l’Assistance publique, la diffusion de ses premiers poèmes ne suffisant pas pour assurer sa subsistance, ni ses premiers articles publiés notamment comme journaliste parlementaire au Matin. Il faudra attendre 1914 et ses premiers reportages sur le front pour être véritablement reconnu (il avait été réformé en raison de sa constitution fragile).
Son amie Andrée Viollis, déjà journaliste chevronnée, va même le qualifier à cette époque de « prince des grands reporters » nous rapporte Hervé Brusini. Elle loue en effet ce grand talent naissant et révèle aussi qu’il préférait travailler avec un crayon à papier et en robe de chambre (ce qui aidait selon lui à sa concentration) comme le révèleront également des photos !
Hervé Brusini raconte qu’Albert Londres était souvent accompagné d’un photographe pour illustrer ses textes (alors qu’auparavant le dessin était plus courant) mais le reporter va lui-même aussi pratiquer les « images mécaniques » comme on a pu appeler ce nouveau média. Notre conférencier nous montre alors une séquence filmée rare d’un voyage à Beyrouth en 1919 où on aperçoit sur un bateau le haut-commissaire au Levant, le général Gouraud, amputé d’un bras lors de la guerre dans les Dardanelles et en arrière-plan, Albert Londres lui-même lors d’un reportage pour le journal l‘Excelsior.
La guerre de 14-18 va d’ailleurs être le sujet principal de la presse quotidienne favorisée par un prix de vente très bas: depuis la fin du XIXe siècle les journaux ne coûtant d'ailleurs qu’un sou (la plus petite monnaie en circulation !). Les grandes lois sur la presse de 1881 ont contribué également au développement de la presse de masse avec des tirages souvent situés entre 500 000 et 1 000 000 d’exemplaires, comme l’indique notre journaliste conférencier.
Albert Londres va devenir un journaliste reporter vraiment reconnu avec son reportage exclusif publié en première page dans le Matin en septembre 1914 (avec des photos d’Albert Moreau), intitulé « l’Agonie de la Basilique » pour évoquer le bombardement par les allemands de la cathédrale de Reims et l’incendie qui s’ensuivit.
Le Matin 29 septembre 1914 © Gallica
Il laisse transparaitre à cette occasion son émotion : « Elle est debout mais pantelante […] Ce n’est plus elle, ce n’est que son apparence. Les pierres se détachent d’elle. Une maladie la désagrège. Une horrible main l’a écorchée vive. »
Cathédrale de Reims en feu © Gallica
Hervé Brusini ne peut s’empêcher de faire ici le parallèle avec les reportages publiés lors de l’incendie de Notre-Dame de Paris en avril 2019 ! Il ajoute que pendant la première guerre les reporters et photographes étaient munis d’un seul brassard vert comme signe de reconnaissance.
Après avoir réussi à obtenir un visa, Albert Londres sera un des premiers journalistes à aller en 1920 en Russie après l’arrivée de Lénine au pouvoir pour décrire le régime des Soviets. S’ensuivront d’autres reportages illustrés comme celui sur le bagne de Cayenne où il s’insurge contre les conditions terribles vécues par les bagnards : « C'est une usine à malheur qui travaille sans plan ni matrice. Elle les broie, c'est tout, et les morceaux vont où ils peuvent ».
Le Petit Parisien 8 aout 1923 © Gallica
En France il décrira l’univers terrible des asiles psychiatriques et celui du Tour de France en 1924 où il popularisera l’expression « Les forçats de la route ». Pour Albert Londres, le texte et son illustration constituait un tout indissociable ce qui sera vraiment le cas dans la presse à l’arrivée des années 30.
Hervé Brusini énumère ensuite les nombreux voyages du journaliste en Afrique, véritable « terre d’ébène » (titre du livre qu'il publia chez Albin Michel en 1929) où là aussi il décrit et condamne le sort fait aux populations traitées comme des esclaves, avec par exemple les nombreux décès occasionnés lors de la construction de la ligne de chemin de fer au Congo.
Le Petit Parisien 11 octobre 1928 © Gallica
Albert Brusini montre à cette occasion des photos rares prises au cours d’autres voyages en Europe centrale où Albert Londres dénonce les pogroms, à Jérusalem ou encore dans le golfe d’Aden avec les pêcheurs de perles sur les traces d’Henri de Monfreid (photos qu’on peut retrouver dans le livre qu’il vient de publier, Albert Londres et la photographie).
Le Journal 11 février 1932 © Marieth (travail personnel) CC BY -SA 4.O.R.jpg
Pour terminer son propos, Hervé Brusini ne pouvait pas ne pas évoquer là l’incendie tragique du paquebot Georges-Philippar en revenant de Chine, survenu justement dans le Golfe d’Aden, où il perdra la vie en 1932 à 47 ans et rapportait, semble-t-il, un reportage explosif ! La presse de l’époque s’interrogera d’ailleurs beaucoup sur les causes de cet incendie restées mystérieuses …
Paquebot Georges-Philippar (1931)
Une conférence riche en documents inédits par un journaliste passionné !
© Emmanuel Fouquet © 9e Histoire - 2023
Catégorie : - Echos du Terrain
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