Emile GIRARDIN le Napoleon de la presse
ÉMILE DE GIRARDIN (1806-1881)
« Le Napoléon de la Presse »
Il est connu pour ses talents de journaliste et le lancement de La Presse en 1833, une révolution.
Né dans l’irrégularité d’une mère mariée et d’un général d’Empire, il ne pourra prendre le nom de Girardin qu’à l’âge de 25 ans, ce qui le marquera à vie !
Adolescence triste, placements divers jusqu’en Normandie, il démarre dans la presse avec Le Voleur qui comporte déjà toutes les caractéristiques de ses journaux à venir :
- articles nombreux (littérature, voyages, théâtre, mode…)
- principe de vente par abonnement.
Émile de Girardin par Carolus-Duran, 1875 Ó Palais des Beaux-Arts de Lille
C’est à ce moment en 1828 qu’Émile rencontre Delphine Gay, lancée dans le monde par sa mère, Sophie Gay. Ses admirateurs sont Lamartine, Chateaubriand, Vigny.
Girardin l’épouse le 1er juin 1831 à l’église Saint-Roch et passe un certain temps à la campagne, à Villiers-sur-Orge. Delphine Gay, elle, tient un salon réputé au 11, rue Saint-Georges et le tout Paris s’y presse : Guizot, Thiers, Hugo, Musset, Eugène Sue… et elle écrit pour son mari.
Après Le Voleur , parution de La Mode dont la rédaction se trouve rue du Helder, parmi les intervenantes il y a la duchesse de Berry, Madame de Staël.
Balzac entre dans l’univers des Girardin en 1829. Alfred de Vigny en brosse d’ailleurs un portrait peu flatteur : « C’était un jeune homme très sale, très maigre, très bavard, s’embrouillant dans tout ce qu’il disait et écumant en parlant parce que toutes ses dents du haut manquaient à sa bouche trop humide ».
Pour Girardin, ensuite, les publications s’enchaînent, comme le Journal des Connaissances Utiles par exemple. Mais l’affaire de sa vie c’est le lancement de La Presse le 1er juillet 1836. C’est un quotidien qui se dit apolitique, dont le prix de vente est « cassé » car il est deux fois moins cher que ses concurrents, vendu sur abonnement avec une large utilisation de petites annonces et d’écrits, principalement des feuilletons, qui attirent et fidélisent le lectorat. Alexandre Dumas, Théophile Gautier participent à la rédaction, Delphine de Girardin aux feuilletons.
Delphine de Girardin par Louis Hersent, 1824 Ó chateau de Versailles
Victor Hugo félicite ainsi cette dernière : « Comment vous remercier, Madame, de votre ravissant feuilleton ? Où prenez-vous toute cette grâce, toute cette force, tout ce charme, toute cette moquerie ? Cette amitié qui est de la puissance, cette colère qui est de l’éloquence, cette prose qui est de la poésie ? … Je baise respectueusement vos mains charmantes qui écrivent de si belles choses.
Victor H ».
Les détracteurs d’Émile de Girardin sont nombreux et en 1836 un duel au bois de Vincennes avec son concurrent, Alexis Carrel, se termine très mal par la mort de celui-ci.
En 1848, le journal La Presse s’installe rue Montmartre au coin du boulevard du même nom, surnommé par Girardin « le carrefour des écrasés ». Toute la vie de celui-ci tourne autour de sa publication. Sa vie privée, en revanche, est compliquée et assez désastreuse. Beaucoup d’aventures (Thérèse Cabarrus[1], Marie d’Agout, Rachel par exemple) et après la mort de Delphine en 1855, il se remarie à une Allemande, « Mina » (Wilhelmina Brunold von Tiefenbach).
En politique, c’est un opportuniste ! En 1830, il passe sans trop de problèmes de Charles X à Louis-Philippe, bien qu’il dise avoir été héroïque au cours des journées de juillet.
Girardin devient le député de Bourganeuf dans la Creuse. Plus tard, il sera député dans le Tarn & Garonne et très introduit auprès de Louis-Philippe. En 1848, il est suspecté de royalisme, emprisonné dix jours, il est vite relâché.
Après l’élection de Louis-Napoléon le 10 décembre 1848, il n’est pas inquiété, et même s’il rejoint Victor Hugo à Bruxelles fin décembre 1851, il y reste peu et rentre en mars 1852. Et les soirées reprennent…
Au moment de la Commune, les presses de son journal sont vandalisées, mais on ne peut se passer de lui. « Un journal de caricatures le représente en première page, tête énorme d’où surgissent dix mains tenant une plume : la pieuvre journalistique »
Girardin s’allie à son rival Thiers, élu président de la République, et celui-ci est contraint de faire appel à lui. « L’heure est grave, le pays divisé, la réaction monarchique attend au tournant, la France est occupée, on a perdu l’Alsace et la Lorraine. Il n’y a qu’un homme capable de faire basculer l’opinion vers la république ».
De plus en plus influent, il est élu député en décembre 1877 dans le 9e sur la liste de la Gauche républicaine. Dans la presse, on entonne un air connu « Il est élu pour représenter les idées républicaines ; espérons que selon sa vieille habitude, monsieur De Girardin tournera et représentera les idées monarchiques ».
Quel parcours ! Un grand homme de presse qui a traversé le XIXe siècle, mais un homme privé décevant ayant quelques analogies avec le Bel Ami de Maupassant.
Françoise Robert
Sources : Émile de Girardin, le Napoléon de la presse par Adeline Wrona © Gallimard biographie, 2025.
[1] Fille de Madame Tallien
© 9ème Histoire - 2025
Catégorie : - Personnages
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